Aucune dramatisation chez Amandine Marembert, plutôt une infinie patience et
une attente, un accueil de ce mutisme pour entendre « le mystère des
questions laissées sans réponse » par le comportement de l’enfant.
Il est beau également qu’elle retourne la relation adulte/enfant. Le don, la
position de pouvoir ou de savoir peut s’inverser : « il m’apprend à
déchiffrer les interlignes / à soupeser un regard / ses bras et ses mains sont
les panneaux indicateurs d’une ville enchevêtrée » (p.29). Le choix d’une
écriture en vers libre et de poèmes très courts (3 à 5 vers) donne à cet
ensemble une allure de diaporama : une suite d’instantanés s’enchaînent
sans jamais se fixer, s’appesantir. Très peu de moyens sont mis en œuvre :
le je du poète, le il de l’enfant, et comme seul décor la maison, le jardin. A
partir de cette base très simple sont saisis des moments, des gestes, des
désirs, des plaisirs, des douleurs… La vie file dans ces pages comme de
l’eau ; elle irrigue mais laisse transparente cette « énigme posée
aux quatre coins du jour » (p.33).
L’émotion passe sans peser : on comprend peu à peu le dessin de Diane de
Bournazel en couverture : un enfant-carpe. Et quel enfant, muet ou non,
n’est pas carpe face à ce qui, dans le réel, lui semble inhabitable ? La
force de ces poèmes tient peut-être à ce qu’ils ramènent chacun à ses propres
silences, à ses façons de « garantir sa coquille ». Fragilité
d’exister, fragilité de la relation à autrui, fragilité du langage… La poésie
ne dit sans doute pas autre chose, mais celle d’Amandine Marembert a ici le
grand mérite d’être immédiatement lisible, donc partagée, même lorsque
« la conversation se montre véritablement accessoire » (p.24).
par Antoine Emaz
Amandine Marembert
Un petit garçon un peu
silencieux
Dessins de Diane de Bournazel, Ed. Al Manar, col. Poésie
45 pages, 14 euros