L'Ifop et La lettre de l'opinion viennent de publier une note sur les résultats des vingt élections partielles depuis les dernières régionales. Si la droite perd du terrain, le PS laisse aux autres formations comme Europe éco, le Front de gauche ou le FN, le soin d'en tirer profit. Décryptage.
Comme s'ils anticipaient leur déroute, l'UMP et le PS ont veillé à relativiser, à raison, l'importance des élections partielles. Début juillet, Xavier Bertrand s'indignait :« Je ne vois pas pourquoi à chaque fois qu'il y a une élection partielle, ça devrait être un test pour nous ». De son côté, Martine Aubry affirmait que les résultats ne seraient pas « un thermomètre de la situation ». En voilà deux qui ont eu du flair. La note publiée par l'Ifop et la Lettre de l'opinion le 20 juillet révèle effectivement une absence de regain d'attractivité pour les deux principaux partis.
Le taux d'abstention énorme constitue une première explication. Avec 33,7% de votants pour les treize cantonales et 28,35% pour les deux législatives, il serait hasardeux d'en tirer de grandes conclusions sur la suite des événements. « Il ne faut pas chercher à lire une présidentielle à travers des cantonales. Il ne s'agit que d'une toute petite indication de l'évolution sociologique sur un certain nombre de territoires, souligne Gaël Brustier, auteur avec Jean-Philippe Huelin de "Recherche le peuple désespérément". Ceux qui vont voter aux élections partielles sont les plus riches, les plus éduqués. »
Deux phénomènes ressortent de ce constat :
1) La percée d'Europe Ecologie qui attire un électorat relativement aisé, concentré dans les villes- centres ; et affaiblit de fait le PS. Ainsi Anny Poursinoff, la candidate écolo des Yvelines, a-t-elle réalisé un score remarquable aux législatives de juillet 2010 avec 42,6 % des voix contre 3,8 % en 2007. Or de plus en plus de jeunes cadres se concentrent dans ce département. « Ces bac+5 au portefeuille bien garni sont autant d'électeurs qui hésitent entre la gauche et un parti libéral-libertaire, observe Gaël Brustier. On peut se demander si le vote écolo n'est pas un sas de sortie de l'électorat de gauche vers une certaine droite. Il ne faut pas schématiser Europe Eco comme un parti de gauche. » Les victoires écolos ont quand même le mérite de signifier au PS que son ancrage dans les villes n'est plus assuré.
Les scores réalisés par le Front de gauche reflètent malgré tout un regain d'intérêt pour la gauche, dans la droite ligne des élections régionales. Selon Brustier, la coalition « a bénéficié du maillage local du Parti communiste » puisqu'elle améliore sensiblement ses positions par rapport à 2007 et « prouve sa capacité de rassemblement à gauche de la gauche », comme le souligne la Lettre de l'opinion.
2) Malgré les faibles scores réalisés par l'UMP, difficile de les interpréter comme un désaveu de la politique menée par le chef de l'Etat. « L'électorat sarkozyste de 2007 qui a voté pour le volontarisme, l'ordre républicain, est largement absent de ces élections partielles », constate Gaël Brustier. Puisqu'ils n'ont pas voté, impossible de dire si ces ouvriers des zones péri-urbaines ré-accorderaient leur confiance aujourd'hui au président.
En revanche, reliée aux scores du FN, l'abstention populaire autorise cette affirmation : le FN se porte bien. En progrès lors des législatives des Yvelines et en baisse de 3,15 points entre les cantonales de 2004 et celles de 2010, le parti d'extrême-droite n'a pu compter sur son électorat traditionnel. De plus, comme le précise l'auteur de Recherche le peuple désespérément, « un parti qui n'a pas de cadre, pas de fédération locale ne peut pas percer ».
Ces vingt scrutins partiels placent « la gauche en situation de force, même si le Parti socialiste est maintenant concurrencé assez nettement pas deux autres formations politiques, Europe Ecologie et Front de gauche », conclut la note. Mais pour Gaël Brustier, « on assiste à une vague de droitisation en l'Europe ». La droite se révèle certes affaiblie, mais pour tirer son épingle du jeu au delà de 2012, le PS doit partir à l'assaut des zones péri-urbaines, renouer avec ces classes populaires de l'est de la France qui ne se reconnaissent plus dans l'angélisme prôné par le parti. Et contrairement à l'idée reçue, la victoire d'Europe Ecologie ne laisse rien présager de bon pour la gauche. Elle apparaît comme un point de passage libéral-libertaire vers la droite. Stopper l'hémorragie électorale à gauche nécessite une prise de conscience. Aura-t-elle lieu à temps ?
Laureline Dupont - Marianne | Vendredi 30 Juillet 2010
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