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Anthologie permanente : Nelly Sachs

Par Florence Trocmé

Tentative inédite pour cette anthologie d'été. " La cicatrice est un signe qui vit, par lequel l'adulte reconnaît l'enfant qu'il fut, portant plaies et bosses ; " Nous avons notre enfance aux genoux " (Char). Ce qui risquait d'être lettre morte est écrit sur le vif ; les épreuves, les entailles sous-jacentes au poème lui donnent le juste titre : Au fond du chemin creux *en français dans le texte Poezibao se propose de suivre pendant quelque temps, pour le choix des textes, le fil d'une lecture en cours, celle du livre de Jean-Claude Mathieu, Écrire, inscrire, sous titre ″Images d'inscriptions, mirages d'écriture″ (éditions José Corti 2010). Jean-Claude Mathieu, sur la trace des " inscriptions " cite d'innombrables poètes. Poezibao reprendra certaines de ces citations et tentera de les compléter, chaque fois que possible, par un autre texte du même auteur.
Cicatricielles (Claude Mouchard). Mots-blessures, blessures-mots, " dans les poèmes aussi, certains mots sont là qui mémorisent les entailles " (Char). [...] Mais il y a des textes sans cicatrices, d'autres qui ne cicatrisent pas : " Mes métaphores sont mes blessures " écrit Nelly Sachs. [...] et la poésie avant d'être capable de consoler, veille, comme le Chérubin de Nelly Sachs, à sauver la vérité de l'entaille, à rendre à l'inachevé actuel l'achèvement d'Auschwitz, à garder ouvertes les lèvres de la plaie :
Entre Hier et Demain
Se trouve le Chérubin
Tournant de ses ailes les éclairs du deuil
Ses mains cependant écartent les rochers
D'Hier et de Demain
Comme les bords d'une blessure
Qui doit rester ouverte
Qui ne peut encore guérir
Empêcher d'endormir les éclairs du deuil
Le champ de l'oubli.
Qui d'entre nous peut consoler ?
Nous sommes des jardiniers, sans fleurs maintenant
Posés sur un astre qui rayonne
Et pleurons.
Nelly Sachs, " Chœur des consolateurs " ; traduit et commenté in Ria van den Brandt, " La trace de la blessure et le chœur des consolateurs ". La Trace entre absence et présence, Cerf, 2004, p. 55, cité in Jean-Claude Mathieu, Écrire Inscrire, José Corti, 2010, p. 277
*La citation d' Écrire Inscrire
*Deux autres poèmes de Nelly Sachs et une autre traduction du poème cité ci-dessus
Cette télégraphie mesure par une mathématique à la satane*
les endroits de mon corps
où la musique est à fleur de peau
Un ange bâti de souhaits d'amour
meurt et ressuscite dans les lettres où je voyage
*
Vous parlez avec moi dans la nuit
mais hors de combat comme tous les morts
vous avez légué l'ultime lettre de l'alphabet
et la musique des gorges
à la terre
qui chante l'adieu par toutes les gammes
Mais enfouie dans le sable mouvant
j'entends quelque chose de nouveau dans la grâce -
Nelly Sachs, Partage-toi, nuit, traduction de l'allemand de Mireille Gansel, Verdier, 2005, p. 75 & 83
*
Dans les profondeurs du chemin creux
entre hier et demain
Se tient le Kerûb
De ses ailes il broie les éclairs du deuil
Mais ses mains écartent les rochers
D'hier et demain
Comme les bords d'une plaie
Qui doit rester ouverte
Et n'a pas encore le droit de guérir.
Les éclairs du deuil ne laissent pas s'endormir
Le champ de l'oubli.
Qui parmi nous a le droit de consoler ?
Nous sommes des jardiniers, sans fleurs désormais,
Et sommes debout sur une étoile qui brille
Et pleurons
Nelly Sachs, extrait de " Le chœur des consolateurs ", in Éclipse d'étoile, traduction de Mireille Gansel, Verdier, 1999, p. 62. Texte allemand
Nelly Sachs dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4, rencontre autour de, extrait 5, un entretien épistolaire avec Lionel Richard (1968), extrait 6 (correspondance avec Paul Celan) extrait 7, extrait 8, extrait 9, extrait 10, livre Nelly Sachs, éthique et modernité, présentation
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