Je suis socialiste mais pas (tout à fait) crétine ni moins encore bénie-oui-oui. Dans l’absolu André Vallini (député PS de l’Isère) a certainement raison : la violence et l’insécurité croissantes sont devenues des questions de société trop graves pour camper sur des positions partisanes et être un «enjeu électoral» lis-je sur 20 minutes (25 juillet 2010) «Sur le thème de la sécurité, la droite et la gauche doivent déposer les armes». Malheureusement, il s’agit là du fonds de commerce électoral de Sarkozy et la dernière sangle du parachute qui tienne encore ou pour le moins celle à laquelle il se raccroche désespérément. Uniquement dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012. Peu lui important qu’il ait fait la preuve depuis 2002 de sa totale incapacité à mener une action cohérente et quelque peu efficace en matière de sécurité et que tout au contraire cela n’ait fait que s’aggraver. Echec du pompier pyromane sur toute la ligne.
Premièrement, comme George W. Bush, il a constamment besoin d’ennemis et «d’être en guerre». Lire à cet égard dans 20 minutes du 22 juillet 2010 l’interview d’Arnaud Mercier, spécialiste de la communication politique et responsable de la licence de web journalisme à l’Université de Metz, Guerre à la délinquance de Sarkozy: «Plus les faits contredisent ce que vous dites, plus vous faites dans la surenchère» qui constate l’abus de la rhétorique guerrière chez Nicolas Sarkozy.
Je ne sais si la photo qui illustre l’article a été choisie avec une intention malicieuse. Mais c’est plutôt fendard de voir Nicolas Sarkozy qui a fait son service militaire planqué au ministère de l’Air Bd Victor à Paris nous la jouer soldat dans la jeep de commandement lors du défilé militaire du 14 juillet 2010 !
En même temps, cela lui donne l’occasion de nommer des préfets plus flics que hauts fonctionnaires. Avec toutes les craintes que l’on peut nourrir pour nos libertés. Il profite également des violences qui ont eu lieu à Saint-Aignan-sur-Cher pour lancer une offensive tous azimuts contre les “gens du voyage”. J’ai assez vécu pour savoir qu’ils sont loin d’être tous des enfants de chœur mais cette stigmatisation globale et sans nuances d’une partie de la population est inacceptable. Nous y retrouvons la même logique que celle du funeste débat sur l’identité nationale. Diviser pour régner. Le mépris des étrangers et singulièrement des plus «visibles». Sur fond de «guerre des religions» contre l’islam.
Tout au plus fera-t-il semblant s’il y va de son intérêt. Il n’est aucunement un rassembleur sinon pour étouffer les velléités d’indépendance au sein de son parti et se conduit toujours comme le plus grand commun diviseur. En trois ans, il n’a que trop apporté la preuve qu’il n’avait pas la taille morale de sa fonction. Incapable de se situer au-dessus de la mêlée et tenter d’être sur les grandes questions d’intérêt général le “président de tous les Français”. Il n’est et reste qu’un chef de meute partisan.
Avec lui, les dés sont toujours pipés. A défaut d’être intelligent, il est malin et rusé comme un singe et cherche toujours à enc… ceux avec lesquels il fait semblant de négocier. C’est de toute façon «à prendre ou à laisser», nous ne l’avons que trop vu pour toutes les négociations sociales. Comment pourrait-on imaginer qu’il en aille différemment sur un sujet qui lui importe encore plus et où son disque dur est bloqué sur le volet de la seule répression.
Les socialistes devraient avoir compris depuis longtemps qu’il est totalement vain d’engager un dialogue avec le gouver-nement actuel ou avec l’UMP tant que ce parti sera dirigé par Nicolas Sarkozy. Ils arriveraient comme d’habitude avec leurs solutions toutes prêtes, concoctées dans le plus grand secret des “cabinets noirs” de l’Elysée par des conseillers, au premier rang desquels le “1er ministre bis”, Claude Guéant. Nicolas Sarkozy saborde les institutions de la République et donne le pouvoir à une camarilla qui n’a pas l’onction du suffrage universel et ne peut être renversée par les députés.
La réforme des retraites tant voulue par Sarkozy est emblématique de ces dérives antidémocratiques. Non seulement elle a été concoctée en secret, le pouvoir lâchant quelques bribes comme autant de ballons d’essai pour tester les réactions de l’opinion. Ainsi, il fut question un temps de porter l’âge de départ à 63 ans, voire plus selon ce que voulait Laurence Parisot. Réforme de surcroît portée par un ministre du Travail dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a guère le nez propre !
Mais plus encore, j’ai été outrée d’apprendre dernièrement que certaines séances de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale qui étudiait le texte avaient eu lieu à huis-clos… MERDALOR ! Ne devrait-on pas rappeler à ces parlementaires qu’ils votent les lois au nom du peuple français qui les a élus ? Ils sont bien mal venus à parler ensuite à tout propos de “théorie du complot” dont on ne dira jamais assez qu’elle se nourrit précisément du culte du secret dans lequel se complait Nicolas Sarkozy comme cochon dans sa beauge.
Qu’ils aillent se faire foutre avec leurs Grenelle ! Ils s’emparent d’un mot vide de sens et nous gonflent jusqu’à plus soif. Comme les Etats généraux sur tous les sujets ! j’en veux bien des Etats-généraux : mais comme ceux de 1789 et on les fout dehors… encore bien heureux qu’on ne les fît point passer par la case guillotine. C’est comme les Louvre, les Centres Pompidou et musées Guggenheim d’un bout à l’autre de la France ou de la planète. Pourquoi pas la Scala de Milan à Paris ou New York, le festival de Bayreuth à Trifouillis-les-Oies ? Manque total d’imagination en même temps que signe de l’esprit de l’époque, ultralibéralisme oblige : des magasins culturels franchisés. Au nom de la Marque. Celle de “La Bête” ? dont le chiffre est «666» comme chacun sait… Nous allons de toute façon droit direct dans l’Apocalypse financière, écono-mique et sociale.
Le Grenelle de l’environnement est l’exemple type de la “méthode Sarkozy” : il a certes laissé dégoiser tous les ténors et sous-fifres de l’écologie ou peu s’en faut. Atteint de la “maladie de la taxe folle” il s’est emparé de la fameuse «taxe carbone» qu’il prétendait aussi révolutionnaire que l’abolition de la peine de mort ! Que la population eût rué dans les brancards à l’idée d’être plumés une fois de plus par un impôt supplémentaire, aussi injuste socialement qu’inefficace écologi-quement – dixit Ségolène Royal que la plupart fustigeaient – il n’en avait absolument pas cure… Jusqu’au désaveu des électeurs à l’élection régionale de mars 2010 : à la trappe la taxe carbone !
Nicolas Sarkozy ne comprend que les coups de pied au cul et les débâcles électorales. Et agit unilatéralement, selon son seul intérêt. Tout dialogue est impossible avec lui. Quelque fût le domaine. Leçon qu’à l’évidence André Vallini n’a toujours pas tirée après trois années de sarkozysme réel.
Il critique à bon droit la nomination d’un “préfet de choc” flic en mission commando que Nicolas Sarkozy risque de surcroît d’embarrasser dans l’esprit de la population des quartiers sensibles de La Villeneuve de Grenoble – qui y verra une provocation contre l’ensemble des habitants stigmatisés comme délinquants - en allant l’introniser lui-même le 30 juillet 2010.
Il admet certes qu’aucun parti ne connaît la solution miracle et tout en estimant que «le moindre fait divers peut faire basculer la situation à tout moment» dans les quartiers sensibles» il pense qu’il suffirait que «Chacun fasse un pas vers l’autre : la gauche doit accepter sous condition la vidéosurveillance et la droite doit relancer la police de proximité».
Le Parti socialiste qui avait perdu les élections municipales de 2001 - prélude à la débâcle du 22 avril 2002 - en grande partie pour avoir méconnu l’importance de l’insécurité n’est pas près de convaincre l’opinion publique. J’étais totalement d’accord avec Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle quand elle osait affirmer - contre la bien-pensance bobo de nombreux socialistes qui se foutaient carrément d’elle - qu’il fallait “remettre les familles au carré” et restaurer l’autorité, notamment à l’école.
Les imbéciles - qui ne voient que le doigt quand on leur montre la lune - sont incapables de comprendre que l’autorité - “auctoritas” - bien comprise n’a rien à voir avec la trique mais beaucoup avec le charisme et la vertu de l’exemple. D’ailleurs, les jeunes des cités qui se sont inscrits en masse sur les listes électorales pour voter pour elle, ainsi que leurs familles ne s’y sont pas trompés. D’où leur grande colère au soir du 6 mai 2007.
J’ai suffisamment démontré que la video-surveillance n’a d’utilité que pour identifier les auteurs d’infractions et connaître les circonstances des agressions, de même que la police de proximité - outre qu’elle rassure certainement plus la population que les BAC ou autres CRS qui n’interviennent que ponctuellement lors d’incidents et sans trop souvent s’embarrasser de scrupules quant aux méthodes violentes - peut avoir un rôle éducatif sur les plus jeunes qui n’ont pas encore été entraînés dans la spirale de la délinquance quand certains effectifs de police sont délégués dans des opérations éducatives, sportives ou autres qui avaient fait leurs preuves. Ce dont Nicolas Sarkozy ne voulait absolument plus ! Dans son esprit étroit, la police ne peut être que répressive. Nous constatons les dégâts aujourd’hui.
Quand bien même n’aurais-je aucune solution à proposer, il est évident qu’il faudrait absolument trouver quelque chose d’efficace et de radicalement nouveau pour palier les conséquences d’un changement d’échelle de la délinquance. En fait, c’est toute la société qui part à vau-l’eau.
Quand les jeunes et les moins jeunes ont perdu tout repère moraux autant que sociaux et n’hésitent pas à sortir couteau ou flingue dès qu’ils sont contrariés pour diverses raisons. Qu’ils agressent sans raison – ou pour n’importe quel infime prétexte – avec une sauvagerie qui laisse pantois. Quand les émeutiers et délinquants sortent des armes – parfois de guerre ! – contre les policiers. Villiers-le-Bel en 2007, Grenoble en 2010. Quand il est patent qu’un certain nombre d’entre eux est passé du stade de la délinquance à celui de la pègre, de la mafia et du grand banditisme sur fond de trafics et de braquages.
Je serais bien présomptueuse de prétendre détenir les clefs du problème. Les politiques pas plus d’ailleurs. Parce qu’il est sacrément complexe, une foule de problèmes imbriqués les uns dans les autres. Nous sommes face à une crise de civilisation majeure. Les remèdes politiciens à la petite semaine, non plus que les grands discours aussi pontifiants que creux n’y changeront rien sans mettre les mains dans le cambouis. Ne donnez surtout pas des mots à Nicolas Sarkozy – à la mode d’Henri Guaino – il s’en gargariserait jusqu’à plus soif mais cela n’irait pas au-delà des effets de manche et de menton ou d’effets d’annonce qui ne seraient jamais concrétisés.
A problème global, solutions globales. Il est proprement risible de prétendre discuter séparément de la violence à l’école et de celle des banlieues et de toute la société en général. Nicolas Sarkozy est tout aussi ridicule quand il prétend une fois de plus «sanctuariser l’école». Comme si ce n’était l’effet de la même violence et des mêmes problèmes. Comment ne s’intro-duiraient-ils pas au sein de l’Ecole ? De façon patente lorsque des éléments étrangers y pénètrent pour tout saccager et/ou agresser élèves et enseignants. Subrepticement, dans les cartables et les têtes, avec les problèmes sociaux aussi bien que psychologiques des élèves. Comment imaginer qu’ils les laisseront gentiment à la maison ?
Parce qu’ils se sont contentés de remèdes à la petite semaine. Des rustines et autres emplâtres sur une jambe de bois. «Repeindre les cages d’escaliers et réparer les boîtes aux lettres des immeubles» dixit François Mitterrand !
Or, du fait de la crise économique – malgré quelques “embellies” de courte durée elle n’a jamais cessé depuis le milieu des années 70 tout simplement parce que l’on a détruit des pans entiers de l’industrie pour proposer des jobs de merde à la place d’emplois qualifiés – et d’un indéniable relâchement des mœurs qui s’est traduit par le laxisme en matière d’éducation, auquel vous ajouterez la relégation sociale et ethnique dans des banlieues ghettos, de plus en plus désertées par les services publics – trop chers ! de même que les fonctionnaires - et l’Ecole qui y participe avec un ensei-gnement au rabais pour les milieux les plus défavorisés, nous assistons au délitement du lien social, à la déshérence d’un nombre croissant de jeunes quittant tôt le système scolaire en sachant à peine lire et écrire.
Or, facteur non négligeable, l’idéologie ultralibérale est fondée sur le culte de l’argent-roi, de la consommation sans limite. Lors même que les classes défavorisées autant que les classes moyennes sont appauvries notamment par la baisse des salaires réels depuis au moins 25 ans. Au nom de la compétitivité. Sans doute la majorité de la population ne sombre-t-elle pas dans la délinquance pour s’offrir malgré tout ce qui s’expose à longueur de gondoles dans les grandes surfaces et s’étale dans les publicités. Avec des injonctions, subliminales ou non : «Si tu n’as pas ceci ou cela, t’es une merde». Traduit en Sarkolang par : on a raté sa vie si l’on n’a pas à 50 ans une Rolex au poignet… Ajoutez des Rayban “aviateur” pour faire vraiment beauf…
Il est évident que moins les jeunes auront eu une solide édu-cation plus ils seront tentés de s’approprier par n’importe quel moyen ces biens ou l’argent qui leur fait défaut. D’où les vols, les trafics, les attaques à main armée comme dernièrement à Grenoble, les attaques de bijouteries et de casinos ayant tendance à se multiplier ces derniers mois. Après les attaques de fourgons blindés des transports de fonds et autres démo-litions de distributeurs automatiques d’argent (DAB) à coups de voitures-béliers ou d’explosifs.
Sans oublier que les caïds qui mènent la danse des trafics et de l’économie parallèle dans les cités paradent dans des voitures de grand luxe avec des fringues hors de prix et toutes les nanas qu’ils veulent. Bien sûr, cela ne nous semble pas le “modèle” le plus approprié mais comment voudriez-vous qu’ils ne fassent pas baver d’envie les jeunes les plus désocialisés ? Pourquoi se faire chier à l’école sans d’ailleurs beaucoup d’espoir ? Pourquoi se taper un taf de merde mal payé quand le flouze facile semble à portée de main… et de flingue ?
Il faut toute la bêtise native d’un Nicolas Sarkozy pour imaginer que l’on règlera tous ces problèmes en général et la délinquance en particulier uniquement en déployant des armadas de CRS ou de gendarmes dans les cités. Faire la guerre à la délinquance sans faire en même temps la guerre à la pauvreté et à la misère morale des banlieues témoigne d’une insigne connerie.
J’aimerais d’abord que l’on m’expliquât comment cela reviendrait moins cher que des services publics et des fonctionnaires – y compris des policiers de proximité - en nombre suffisant. Et qu’ensuite, pourquoi l’on envoie trop souvent les enseignants les moins aguerris, souvent les moins motivés et hélas parfois les plus nuls dans les établissements des banlieues les plus défavorisées. Enfin, au nom de quelle aberration l’on a supprimé progressivement depuis 2002 toutes les subventions ou peu s’en faut aux diverses associations qui faisaient un travail remarquable pour restaurer autant que faire se peut le lien social.
Parce que c’est la société dans son ensemble qui en est malade ce problème nous concerne tous. Personne ne saurait tirer une solution de son chapeau. Surtout pas les politiciens qui devraient bien plutôt faire preuve d’humilité.
Il faudrait ce me semble une vaste réflexion. Des sortes d’Etats-généraux sans doute mais sans les politiciens et moins encore les préfets (comme lors des débats sur l’identité nationale). Aux niveaux local, départemental, régional puis enfin national. Sans les aberrantes «dates butoir» à la mode sarkoïdale selon laquelle tout devrait être plié avant d’avoir même commencé. Regroupant à la fois les acteurs de terrain : enseignants, éducateurs, parents, policiers, citoyens, etc. et des intellectuels qui travaillent sur ces questions : sociologues, psychologues, criminologues, etc. susceptibles de donner des clefs précieuses pour comprendre les phénomènes abordés sans avoir le nez sur le guidon.
D’abord, des sortes de «cahiers de doléances» pour le diagnostic : repérer, sérier et analyser les problèmes. Ensuite des propositions comme remèdes. Enfin, des expérimentations pour les tester in situ comme dans un labo. Le niveau local étant important dans la mesure où même si le problème est largement global les difficultés rencontrées ne sont pas forcément identiques, question de “terrain”. Mais de grâce ! pas de placebo.
Tout cela est bien joli. Rien ne sera possible si dans le même temps l’on ne restaure pas la République et ses grands principes : liberté, égalité, fraternité. Et si l’on ne remédie pas à l’inégalité croissante… Nicolas Sarkozy n’est pas prêt à renoncer au bouclier fiscal et l’exemple qu’il donne - ainsi que ses amis Bettencourt, Woerth, et tutti quanti, d’une caste uniquement préoccupée de ses intérêts particuliers sans aucun souci de l’intérêt général – ne contribue pas pour peu à la décadence matérielle et morale de la société et à la déliquescence de tous les repères.
Une nouvelle «nuit du 4 août» supprimant les nouveaux privilèges qu’ils se sont arrogés ne serait pas de trop !