En France, l'été s’est violemment installé, le mois d'août approche et tout le monde anticipe en esprit la plage et le farniente. Dans le milieu du foot, les clubs reprennent leurs entraînements.
Les vacances pour les mondialistes auront été courtes.
Pendant ce temps, au Cameroun, on fait des camerouniaiseries.
Pour changer.
Chroniques en direct de l'oeil du cyclone.
1. Stéphane Mbia fait sa star
Le jeune joueur de l'OM, qui est accessoirement un Lion Indomptable, avait décidé de faire la une des journaux en ce début de saison. Il a donc choisi de prolonger ses vacances en aval. En sortant de façon anticipée de la Coupe du Monde 2010, il les avait déjà pas mal prolongées en amont. Après avoir fait le mort, puis sorti une histoire abracadabrantesque de correspondance ratée à Atlanta (plus classe que Cotonou ou même Abidjan, pas vrai ?), notre défenseur contrariés'est pointé aux entrainements de l'OM dans des conditions assez spéciales. Je suis prêt à parier que l'enfant terrible de Biyem-Assi a préparé son coup. Quant à Didier Deschamps, il souffle le chaud et le froid, mais connaissant "la Dèche", je vous parie aussi que Stéphane Mbia ne va pas s'en tirer à si bon compte.
2. Quand l'Assemblée Nationale du Cameroun fait semblant d'être un vrai parlement
Après le fiasco de la CM 2010, les députés camerounais, au lendemain du vote d'une loi stupide sur la cybercriminalité, ont décidé d'imiter leurs homologues français en convoquant le ministre des Sports. Nos applaudisseurs professionnels ont été les premiers surpris du fait que le gouvernement autorise Michel Zoua à venir les voir. Monsieur le ministre s'est présenté avec un de ces textes qui ne peuvent avoir été écrits que par des spécialistes ayant 40 ans d'expérience dans la langue de bois, version bananeraie tropicale. En lisant son papier, Michel Zoua a appris à "l'opinion nationale et internationale" que la défaite avait été causée par les égos des joueurs (il faut supprimer l'égo des joueurs !). Il a ensuite révélé à une assistance même pas scandalisée que le reste dépendait de forces mystiques. La séance de questions-réponses qui a suivi cette incroyable prestation a tourné au mauvais théâtre, avec des députés tout étonnés d'avoir l'occasion d'interroger un ministre, et tout ébahis ensuite d'être l'objet des sollicitations de la presse. Mais rassurez-vous, il n'y aura aucune conséquence sérieuse à tout ce remue-ménage.
3. Remboursez !
Dans les temps anciens, à l'époque où la morale n'était pas un gros mot, les organisateurs remboursaient ceux qui n'avaient pas apprécié un spectacle. Le gouvernement camerounais, comme tout gouvernement qui se respecte, n'a que faire de la morale, mais il a eu la géniale idée d'allumer un contre-feu à la grogne qui monte du peuple depuis la honteuse élimination des Lions Indomptables. Le Premier Ministre aurait ainsi exigé que les primes perçues lors de la Coupe du Monde 2010 soient remboursées au Trésor Public. Il paraît que cela a été fait. Il paraît aussi que certains n'ont pas remboursé. Au fond, tout cela est trivial, car voici les questions les plus importantes :
- Sur la base de quel texte et en vertu de quel contrat des personnels d'accompagnement ont-ils perçu des primes aussi élevées pour leur mission en Afrique du Sud ?
- Pourquoi les joueurs, les premiers responsables de l'échec, n'ont-ils pas remboursé eux-aussi les primes qu'ils ont perçues ?
- Et surtout : Comment un Pays Pauvre et Très Endetté (attention, "PPTE" est un label FMI/Banque Mondiale tout ce qu'il y a d'officiel) arrive-t-il à dépenser de telles sommes, et notamment à payer un sélectionneur plus de 60 000 euros mensuels, soit 750 fois le salaire moyen et 1500 fois le SMIC local ?
Et comment se fait-il que cela ne choque personne ?
4. Iya Mohamed : Paris vaut bien une mission
Suite à la mauvaise performance des Lions Indomptables à la Coupe du Monde, la FECAFOOT, filiale camerounaise de la FIFA, la seule "simple association" qui peut se permettre de lancer des ultimatums à des Etats aussi puissants que la France, a appliqué illico sa méthode favorite : on désigne un bouc émissaire et on continue comme avant.
Le bouc émissaire s'offrait en victime expiatoire : c'était Paul Le Guen. Après que le Breton eût récité son mea culpa en vitesse et en transit entre deux avions à l'aéroport de Nsimalen, Iya Mohamed lui a serré la main, et s'est mis derechef à chercher un entraîneur "de haut niveau et avec suffisamment d'expérience et de charisme."
Le Président de la FECAFOOT jure, toute honte bue, qu'il va nous trouver la perle rare cette fois-ci : l'homme qui sera là pour bâtir dans la durée et donner à l'équipe de la discipline, de la cohésion et tant qu'on y est, un fond de jeu.
Pourtant... Si votre maison en construction se fissure de partout et s'écroule, vous remplacez en premier lieu l'architecte. Voilà ce que vous faites dans un pays normal. Or, au Cameroun, l'architecte a décidé que la faute revenait aux maçons, et il est en campagne pour recruter une nouvelle équipe et tout refaire comme avant. On peut déjà parier que tout s'écroulera de nouveau.
Un fait, déjà : Iya Mohamed, flanqué de deux de ses adjoints, s'est rendu en France pour rencontrer les candidats au poste de sélectionneur national du Cameroun. Outre le fait que la procédure de recrutement est complètement opaque, c'est sans doute le seul employeur au monde qui se déplace pour aller rencontrer chez eux les candidats à un emploi. En réalité, ce déplacement à Paris est juste un petit voyage d'agrément (un de plus) générateur de quelques frais de mission bienvenus, car les temps sont durs.
Il suffira ensuite à MZ d'organiser une belle fête bamboula-banana pour accueillir le grand bwana à l'aéroport, et on fera semblant ensuite de s'étonner que celui-ci se comporte comme un colon. Paul Le Guen n'avait même pas sa valise au Cameroun, gageons que son remplaçant n'y mettra même peut-être pas les pieds.
Au fond, notre problème n'est-il pas celui-là ? Les entraîneurs sont des étrangers tellement étrangers qu'ils fuient le sol camerounais comme la peste ; les responsables camerounais ne sont pas étrangers (en tout cas pas entièrement), mais ils font la même chose : ils s'échappent à l'étranger dès qu'ils le peuvent, pour profiter des autoroutes, des TGV et des belles avenues qu'ils n'ont jamais réussi à construire chez nous ; la moitié de l'équipe nationale est composée de joueurs eux-mêmes à moitié étrangers, complètement ignorants et désintéressés du contexte camerounais.
Et si notre problème était que nous n'avons plus d'équipe nationale ?