L'autre jour, j'ai rencontré Gérard Chaliand qui a eu la gentillesse de le passer son dernier ouvrage, "'L'aventureux". Il s'agit d'un livre réalisé avec Thierry Garcin, au cours d'une série d'entretiens radiophoniques diffusés par France Culture.
La qualité des deux personnages, aussi talentueux l'un que l'autre, fait de ce bref livre une lecture tout à fait passionnante pour l'amateur de géopolitique. On y voit le parcours hors norme de cette personnalité atypique, venue de la pratique des maquis révolutionnaires au cours des années 1950 jusqu'à une théorisation des conflits asymétriques. Son parcours n'est pas celui d'un individu "idéologisé", comme cela se pratiquait à l'époque, même s'il avait une conscience "morale". "Longtemps mes engagements ont été moraux plus que politiques" (p. 16).
Dès lors, c'est cette pratique, cet apprentissage sur le tas qui nourrit la réflexion : "il n'y a pas de stratégie s'il n'y a pas de perception de l'autre" (p. 24) même s'il faut en même temps lire. La double pratique de l'expérience et de la lecture est à la source d'une connaissance qui est plus qu'un savoir.
Dès lors, il a produit une œuvre stratégique et géopolitique magistrale, qui l'a conduit à enseigner dans les meilleurs endroits : Harvard, Berkeley, ENA, CID, mais aussi à Bogota, Vladilavkaz, Erbil ou Suleymanieh.... Un franc-tireur qui se méfie de tous les mandarins, y compris ceux du CNRS : car n'est-ce pas "en France, il faut être fonctionnaire. Ici le poids de l'Etat est très étouffant quand vous êtes en marge. On vous reconnaît à la fin "Bravo, c'était très bien" et c'est tout".
"Oui, le combat est fondateur, l'action est fondatrice, surtout quand vous avez l'intelligence d'en faire quelque chose, d'en tirer des leçons - même si elles doivent être amères. J'aime l'aventure, qui n'est souvent que mésaventure." (p. 105)
Autant dire que ce court livre permet de mieux connaitre l'individu, autrement que par ses ouvrages : cette dimension personnelle renforce l'intérêt. Chaudement recommandé.
O. Kempf