Les récents propos de Mr. David Cameron, le nouveau PM britannique, font sensation.
Qu'en penser ?
1/ Tout d'abord, son plaidoyer en faveur de la Turquie dans l'UE. Rien d'étonnant à cela, car il correspond à la vision anglaise traditionnelle de l'UE comme marché, et donc favorable au plus grand élargissement. Pour les Anglais, l'Europe n'est pas une puissance, juste un marché. Point n'est donc besoin d'en protéger une quelconque intégrité ou homogénéité, puisque celles-ci ne comptent pas à leur yeux. En cela, D. Cameron n'innove pas par rapport aux tendances anciennes de la vision britannique, d'autant plus qu'elles sont tout à fait compatibles avec l'aile dure des tories, qui sont très eurosceptiques.
2/ A noter d'ailleurs qu'il y a là une vraie divergence avec les deux autres grands leaders européens, A. Merkel et N. Sakozy. Notons que tous trois sont conservateurs : preuve, s'il en était besoin, que l'alignement politique ne suffit pas à faire un alignement géopolitique....
3/ La déclaration qui attire le plus l'attention est celle faite en Inde, et qui s'adresse au Pakistan en expliquant que le soutien au terrorisme est inexcusable. Pensait-il aux attentats de Bombay (voir ici) ou au Cachemire ? ou aux talibans ? chacun, en tout cas, a pensé aux talibans compte-tenu des "révélations" faites par Wikileaks (voir ici) : des rapports "officiels" même s'ils n'étaient pas destinés à être rendus publics, exposent le soutien d'une partie du Pakistan aux Talibans.
4/ Nous avons déjà souligné, dans égéa, le nécessaire soutien du Pakistan au succès en Afghanistan. C'était d'ailleurs la grande innovation géopolitique d'Obama, que de lier les deux "théâtres". Mais usuellement, on expliquait qu'Islamabad soutenait l'action occidentale. Ce qui est nouveau, c'est que M. Cameron semble créditer wikileaks, et donc soumet le Pakistan à une pression publique. On peut en tirer deux interprétations :
5/ D'une part, M. Cameron ne semble pas s'être concerté avec les Américains. Il y aurait donc une initiative qui marquerait le nouveau cours, différent du suivisme transatlantique avec les cousins. Ce n'est bien sûr qu'une hypothèse... mais elle signifierait que la GB ne serait plus le meilleur allié. Un allié, bien sûr, mais pas forcément inconditionnel.
6/ D'autre part, cette pression sur le Pakistan peut signifier l'amorce d'un revirement géopolitique : une option indienne, en quelque sorte, au lieu de l'option pakistanaise. Si cela était le cas, cela signifierait un bouleversement radical, dont on ne mesure pas toutes les conséquences : la remise en cause de la stratégie AfPak. Alors, l'affaire wikileaks aurait des conséquences bien plus radicales que la seule critique de la stratégie américaine à laquelle on la cantonne actuellement.
ON le voit, les propos de Mr Cameron suscitent bien des réflexions. Qui se résolvent à une seule question : s'agit-il d'un nouveau cours de politique étrangère, ou de propos de circonstance d'un dirigeant en déplacement ?
O. Kempf