Après trois volets des aventures hautes en couleur de l'ogre vert et de ses comparses, durant lesquelles celui-ci a vaincu un dragon et un despote à talonnettes, ridiculisé une marraine la bonne fée et cassé un prince charmant d'opérette, gagné le coeur de sa belle, conquis ses beaux-parents et engendré trois charmants ogrillons, et après que la paix et la tranquilité soient enfin revenus dans les contrées huppées de Fort Fort Lointain, on était en droit de se demander ce que le bon Shrek pouvait bien encore nous réserver. C'était sans compter sur l'habileté de Dreamworks à conter de ces histoires qui comptent, et clôturer en beauté une saga qui a su remporter l'adhésion de tous (à deux ou trois poils de cul, on va pas chipauter...) Quoi de mieux pour célébrer une fin que de remettre les compteurs à zéro tout en s'offrant une belle séquence "souvenirs, souvenirs" à la sauce Far Far Away?
On the route encore, pour la dernière fois... Avouez, vous avez déjà la larme à l'oeil.
La vraie bonne idée de ce 4ème et ultime volet - après un 3ème opus en demi-teinte - est de prendre le double parti de continuer sur sa lancée, à savoir les joies du mariage et de la paternité pour ce bon Shrek (élément qui semblait pourtant sonner le glas de la saga), et celui de ne pas s'apesantir dessus en parachutant Skrek dans une autre dimension, où rien de tout ce qu'il a vécu auparavant n'a jamais existé que dans sa mémoire, la nôtre... et celle de son nouvel ennemi, haut en couleur mais la bassesse incarnée: le nain Tracassin.
C'est que le nabot donne dans l'échange de bons procédés pas très réglos, et que Shrek traverse ce que l'on pourrait qualifier de crise existentielle: il n'effraie plus personne, passe ses journées à changer des couches et déboucher des fosses sceptiques, n'a plus un instant de tranquillité dans son marais devenu site touristique, et n'est compris d'aucun de ses joyeux compagnons trop occupés à savourer leur bonheur inaltérable. C'en est trop pour l'ogre vert, il est temps d'agir, de faire son "Greuh" et de se payer un petit caprice, offert par Tracassin: une journée entière à l'ancienne, au temps de la belle époque où la seule vue de Shrek affolait les foules. Une sorte de break organisé, en échange d'une journée de son passé, librement offerte au nain de jardin, qui en profite pour gommer le jour de la naissance de Shrek. Et si pas de Shrek, pas de tout ce que nous, spectateurs, avons vu les trois précédentes fois. Comment diable Shrek va-t-il inverser la vapeur et retrouver le chemin de la maison, brusquement bien plus attirante? La tension va être à son comble pendant tout l'épisode tant les événements prennent une tournure dramatique.
Ce volet est indéniablement le plus mature de toute la série, en confrontant notre géant vert à ses responsabilités, à ses rêves erronés, à ses doutes et à ses regrets. La nostalgie que l'on est en droit de ressentir à l'annonce de la fin est ici imbriquée au récit, en tant que composante directe de l'aventure, sans pour autant s'exprimer de façon pathétique ou puérile. La nostalgie est ici d'avantage celle de l'ogre que du public, et la manoeuvre agit d'autant mieux que l'empathie se développe aisément autour de lui, dont on comprend tant les envies que les remords, dont on saisit tant ce à quoi il s'apprête à renoncer. En définitive, c'est un peu un baroud d'honneur en faveur de Shrek, tant ce volet-ci est centré sur lui comme jamais auparavant. Même l'âne et Potté passent clairement au second plan, sans pour autant créer un manque, tant l'intrigue est savamment dosée. Néanmoins, ce n'est pas parce que la saga donne dans l'un peu plus sérieux qu'elle renonce pour autant à sa marque de fabrique: le fun et la dérision.
Et de la dérision, il y en a! Entre le chat potté devenu potelé, l'âne qui refuse de devenir l'ami de Shrek, Fiona qui se prend pour William Wallace, la "chasse aux sorcières" et P'tit Biscuit qui nous refait Gladiator, on en a pour notre argent. Comme à l'accoutumée, le film pastiche d'autres superproductions tout en finesse, avec une consonnance nettement plus guerrière ce coup-ci (Robin Hood, Underworld 3, Troy, 300, Avatar...), et n'oublie pas de se singer lui-même (le nouveau coup de foudre de l'âne et de dragonne est énorme) pour notre plus grand plaisir. La romance, malmenée, de Shrek et Fiona trouve ici une nouvelle résonnance, plus forte, plus viscérale, et gagne en ampleur, conférant à l'ensemble de la saga un nouvel élan, retrospectivement.
Un mot sur la 3D, dont c'était ma première expérience: épatant. Si, jusqu'ici, j'étais plutôt dans le camp des réfractaires qui voient d'un mauvais oeil la prolifération de ce procédé (je juge toujours qu'il l'est à outrance, ceci dit), je dois admettre que dans certains cas, et notamment celui de l'animation, il fait merveille. Je ne m'attendais pas à une telle profondeur de champ, à une telle finesse dans l'image, dont les détails ressortent infiniment plus, quasiment palpables... Rien à voir avec la 3D de notre enfance, avec les lunettes en rouge et bleu... L'oeil s'accoutume rapidement, et l'expérience gagne en sensorialité. C'est fantastique, véritablement bluffant, et indéniablement bénéfique pour certains supports. Je retenterais volontiers, à l'avenir, et avec un "film", pourquoi pas.
Je tiens cependant à souligner que mon appréciation de ce Shrek 4 n'a en rien été influencée par la 3D. Si, techniquement, c'est un plus, ça n'impacte en rien l'histoire et son déroulé, à mon sens.
Shrek 4 se clôt sur un album souvenir made by Dreamworks, avec les scènes emblématiques des précédents opus détourées façon scrapbooking, pour une vraie séquence émotion accompagnant le générique de fin. Et enfin... rideau.
Rarement un final aura été, pour une saga aussi marquante, à ce point réussi et bien réussi. Rien n'était de trop, et rien ne manquait à cette ultime aventure, passionnante, vibrante, au souffle épique et romantique incroyable. Shrek & cie tirent leur révérence en beauté, et c'est majestueux.
Là, vous pouvez pleurer.
*Indice de satisfaction:
*1h33 - américain - by Mike Mitchell - 2010
*Cast: Mike Myers/Alain Chabat - Eddie Murphy/Med Hondo - Cameron Diaz/Barbara Tissier - Antonio Banderas/Boris Rehlinger - Julie Andrews/Tania Torrens - John Cleese/Michel Prudhomme - Walt Dohrn/William Coryn...
*Genre: Forever After... and ever after
*Les + : Un final soigné, bien calibré, passionnant, encore surprenant, divertissant, nostalgique juste ce qu'il faut et fun toujours.
*Les - : Bah, c'est le dernier...
*Lien: Fiche Film Allociné
*Crédits photo: © Paramount Pictures