2078 : la planète Sirius 6B est en guerre depuis dix ans. Le NEB, qui extraie un minerai pouvant résoudre la crise de l’énergie mais au prix d’une pollution radicale, combat l’Alliance, qui veut stopper l’exploitation de cette matière nocive. Les combats ont dévasté les zones civiles, et une arme de l’Alliance – les Screamers – infeste le sous-sol de la planète. Joe Hendricksson, commandant la base de l’Alliance, reçoit une proposition de paix des NEB mais son état-major lui interdit de négocier avec l’adversaire car des pourparlers sont en cours.
Pourtant un transporteur de troupes de l’Alliance s’écrase non loin du bunker, et l’unique survivant informe vite Hendricksson que l’objectif de ces soldats était une planète voisine où les combats font toujours rage. Pour en avoir le cœur net, Joe décide de se rendre à la base NEB. Mais la route est longue jusqu’au QG de l’ennemi et les Screamers, conçus pour être autonomes, ont appris à adopter des apparences auxquelles le soldat n’est pas habitué…
Si le thème de la remise en question de l’identité caractérise l’œuvre de Philip K. Dick, s’y trouve aussi prépondérant celui des « simulacres », c’est-à-dire des machines impossibles à distinguer d’équivalents organiques tout ce qu’il y a de plus naturels : comme des êtres humains par exemple. Quant aux origines et aux aspirations – voire les deux à la fois – de ces « simulacres », ils ne font en général qu’entretenir le climat de paranoïa plus ou moins latente qui sous-tend les récits de cet auteur : ils en sont le prolongement logique, un des aboutissements de ce thème de la « réalité truquée » si cher à cet écrivain où rien n’est jamais comme on le croit, et le plus souvent pour le pire.
C’est ce climat qui caractérise Planète hurlante : ici, tout est sujet à caution, à méfiance, voire à terreur. Tant et si bien que les soldats de l’Alliance, qui a conçu les Screamers, doivent porter un bracelet perturbant les systèmes de détection de ces machines à tuer pour se prémunir de leurs attaques, c’est-à-dire pour éviter de se faire massacrer par les armes de leur propre camp – ce qui est tout de même un comble, temps de guerre ou pas. Et d’autant plus que la nature mécanique de ces derniers les rend sourds à toutes formes de communication et de négociation puisque seule leur programmation compte : quiconque utilise un ordinateur sait bien à quel point les machines peuvent se montrer obstinées…
D’ailleurs, cette suite de directives à la complexité inouïe amène peu à peu ces robots à reconsidérer leur efficacité, c’est-à-dire à apprendre de nouvelles façons de tuer. Par exemple, par l’infiltration – non en adoptant des formes furtives mais au contraire en prenant des aspects qui empêcheront leur cible de se méfier d’eux. Je laisse le reste à votre imagination. Là où la paranoïa atteint un cran supérieur, c’est qu’il n’est désormais plus nécessaire pour les Screamers de « chasser » leurs proies, il leur suffit de laisser ces dernières venir à eux… Ainsi même les bracelets de protection des soldats de l’Alliance ne leur sont plus d’aucun secours.
Hélas, si la nouvelle originale de Dick – intitulée « Nouveau modèle » et dont ce film est une adaptation – se déroulait dans un contexte de guerre froide, et exprimait ainsi la paranoïa ambiante de l’époque, le propos se perd néanmoins un peu dans ce film. Tout au plus peut-on y trouver une dénonciation – sommaire – de la lutte permanente opposant les masses laborieuses aux hautes sphères des corporations et multinationales qui ne voient en leurs ouvriers qu’une sorte de matière première comme une autre – du reste un thème aussi vieux que la Révolution Industrielle et qui n’atteint ici aucun sommet particulier de questionnement…
Quant à la réalisation proprement dite, elle évite avec une certaine adresse les poncifs du post-apocalyptique au cinéma dont les Mad Max et consorts nous ont abreuvé jusqu’à la nausée : au lieu d’un désert torride, les paysages sont couverts des neiges d’un hiver nucléaire et jonchés de ruines où ne subsistent que les rats. Si les effets spéciaux sont d’une qualité honnête, le film accuse néanmoins un certain âge et les designs des diverses machines – les Screamers comme les autres – sont assez inégaux. En dépit de leur répétitivité, les décors et leurs éclairages restent réussis, de même que les costumes qui ne manquent pas d’originalité.
Il reste donc une réalisation à l’ambiance toute particulière, très fidèle au texte original dans l’esprit – même dans sa conclusion, pour peu qu’on prête bien attention à la dernière image du film – et qui ravira tous ceux d’entre vous qui cherchent une atmosphère différente de la plupart des productions de science-fiction dont l’accent mis sur le spectaculaire plus ou moins gratuit peut lasser…
Note :
En dépit du succès pour le moins mitigé de ce film au box office, une séquelle en vidéofilm vit le jour en 2009 sous le titre de Planète hurlante 2 (Screamers: The Hunting) : comme je ne l’ai pas vu, je ne saurais dire ce que ça vaut – mais en toute franchise je n’en attends pas grand-chose…
Planète hurlante (Screamers), Christian Duguay, 1995
Columbia Tristar Home Video, juin 2000
108 minutes, env. 11 €