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Dans la ligne de mire du gouvernement depuis une semaine, les Rroms sont confrontés à la décision de certains préfets d’expulser avec zèle. Le maire de Montreuil, Dominique Voynet ne sait pas sur quel pied danser.
Le nouveau préfet de Seine Saint-Denis (93) Christian Lambert est un élève très consciencieux. Moins d’une semaine après que Nicolas Sarkozy —qu’il connaît depuis la prise d’otage de Neuilly en mai 1993— a annoncé des « expulsions de tous les campements de Rroms et de gens du voyage en situation irrégulière », cet ancien chef du RAID a envoyé les pelleteuses pour déloger la quarantaine de Rroms qui squattaient depuis 8 mois une maison abandonnée de Montreuil.
J'ai cru voir un Rrom miné...
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« A 7 heures du matin, des policiers sont venus nous dire de partir », raconte Constantin, un Rrom avec grands sourires, boucle d’oreille, gros tatouages et tee-shirt de… Céline Dion. Prévenus depuis deux mois, les Rroms n’ont pas opposé la moindre résistance. Il est vrai que ce groupe n’a que trop l’habitude des déménagements depuis leur expulsion d’un terrain en face du palais des congrès de Montreuil en novembre dernier, à l’endroit où devait se tenir quelques jours plus tard le Salon du livre organisé par la Ville. Les associations de défense des Rroms ont encore cet épisode en travers de la gorge, accusant la municipalité d’avoir voulu cacher cette population gênante. La sénatrice-maire Dominique Voynet ("Les Verts"), accompagnée du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand ou du président du Conseil régional d’Île-de-France Jean-Paul Huchon, avait été vivement interpellée au beau milieu de son discours d’inauguration (à partir de la cinquième minute de cette vidéo) et avait répondu tant bien que mal que ce n’était pas de la responsabilité de ses services, mais de celle du gouvernement (« J’appelle au secours l’Etat ») et que les logements insalubres que les Roms occupent leur faisaient courir de risques sanitaires. Depuis vendredi soir, le groupe qui va de terrains vagues en bâtiments de fortunes squatte le bitume de Montreuil. Pas sûr qu’ils y aient gagné au change en terme de risque sanitaire.
BABAS DES RROMS
« En novembre, tout un groupe de Montreuillois les a aidé à trouver des endroits pour dormir, mais ils avaient dû passer quelques nuits dehors », s’inquiète, alors que les derniers rayons de soleil disparaissent, Jeanne Studer, membre du Collectif de soutien des Rroms de Montreuil. Cette ancienne encartée "Vert" lance un projet pour vivre en autosuffisance. ECODROM consiste à valoriser le savoir-faire Rrom à travers des projets d’agriculture. Mais ce vendredi a été long pour les Roumains et leur partisants rassemblés devant l’office de tourisme de Montreuil, à côté du métro Croix de Chaveau. Aucune nouvelle de la mairie, malgré des appels répétés. « Notre porte est grande ouverte pour les Rroms », nous certifie-t-on pourtant à la municipalité.« Ceux qui le demandent pourront être relogés ». Encore faudrait-il passer l’accueil…
Comme les associations, Bakchich s’est lassé d’appeler la mairie pour connaître leur position sur l’expulsion des Rroms. « Tout ce qu’on peut vous dire, c’est qu’on y est absolument pour rien, il s’agit d’une plainte d’un propriétaire du terrain privé et c’est de la responsabilité du préfet », nous dit-on à l’accueil. Mais alors, Dominique Voynet ou Claude Reznik, en charge de la question des Rroms, sont-ils d’accord avec cette décision ? La position officielle de la mairie ne sera, au mieux, connue que le lendemain, puisqu’une conférence de presse a été organisée à la dernière minute pour « alerter le gouvernement sur les personnes qui seront en errance dans le département du 93 à la suite des expulsions sans proposition de relogement ». La municipalité ne pouvait prévoir cette expulsion ?! Une fois n’est pas coutume, les Rroms et tous leurs soutiens avaient pourtant été prévenus par la police de leur prochaine venue, certaines familles avaient d’ailleurs quitté les lieux prématurément (« Pour vivre heureux, vivons cachés », ironise un Montreillois). Pour être bien sûr que la mairie s’occuperait du relogement, plusieurs militants, comme Marie-Thérèse (membre du réseau logement 93), ont téléphoné au bureau de Dominique Voynet cette semaine pour que des terrains soient mis à disposition et que les Rroms puissent y planter temporairement leur tente. Ils attendent encore la réponse.
LA M.O.U.S. TIQUE
« Dominique Voynet avait pourtant prononcé un moratoire sur toutes les expulsions quand elle a été élue à Montreuil », se souvient une militante, qui a connue l’ancienne ministre de l’Environnement, « les gens changent quand ils prennent du pouvoir ». « Et puis, avec toutes les lettres racistes qu’elle a reçu d’habitants de la commune, n’importe qui ferait pareil », relativise-t-elle. Le Rrom, comme le Gitan ou les gens du voyage, n’est pas porteur politiquement. Les clichés du "voleur de poules" ont la vie dure et, le tableau du rassemblement où les gens pouvant loger un expulsé était invité à s’inscrire, est resté désespérément blanc toute la journée.
Montreuil a néanmoins instauré la M.O.U.S. (Maîtrise d’Oeuvre Urbaine et Sociale) la plus importante de France. Ce dispositif, qui en est encore à ses balbutiements, doit permettre à 358 Rroms d’être pris en charge et de s’insérer professionnellement et socialement dans la ville. Le M.O.U.S. est pourtant peu apprécié des quelques personnes qui l’ont visité. « C’est un camp monstrueux », va jusqu’à dire Solange de "La voix des Rroms", « on les met là-bas pour contrôler et enfermer la misère ». Le "parc ethnique" est gardé par des vigiles et leur chien qui contrôlent les allers-et-venues des occupants qui ne seraient pas autorisés à y inviter d’ami. Aucun des Rroms interrogés ne désirait aller dans ce camp. Comme le rapelle le journal suisse Le Matin, avant les nazis qui en ont tué des centaines de milliers, « dans certains pays et à certaines époques, on tuait les Roms qui refusaient de se sédentariser et de renoncer à leur langue et à leur culture. Mais ceux qui acceptaient, on les cantonnait dans des métiers pénibles et peu rémunérateurs ».
L’insertion professionnelle est d’autant plus difficile que la préfecture s’avère très peu disposée à fournir des papiers pour autoriser le travail. Mais pour pouvoir rester sur le territoire français, les Rroms —pourtant membres de l’U.E.— doivent prouver qu’ils travaillent et ont un logement fixe avant trois mois. Si l’on ne tient pas compte de l’apport en terme de popularité de ce genre d’opération (déloger un Rrom est rarement impopulaire auprès de l’opinion publique), on légitimement se demander à quoi sert une telle expulsion. A part à déplacer le "problème" et à faire errer une quarantaine de personnes dans la rue. « Ils sont très peu nombreux, en réalité en France, à peine 15 000 », soutient aussi Solange, auto-proclamée "emmerdeuse de la Raie-Publique"). Un chiffre difficile à vérifier puisque les statistiques sur ces populations sont infimes. La membre de "La Voix des Rroms" est furieuse contre la déclaration de Nicolas Sarkozy à Grenoble : « Une situation irrégulière ne peut conférer plus de droits qu’une situation régulière et légale ! » « Même le nauséabond Le Pen ne tient pas ce genre de propos », répond-elle.
DU RROM, DES FEMMES, DE LA BIÈRE…
Constantin, tout juste majeur, est l’un des seuls du camp à savoir correctement parler le français. Il explique que les inondations de son village de Transylvanie Alba Julia est complètement inondé, que ses parents et grands-parents n’ont plus de maison et qu’il fait souvent des allers-retours jusqu’en Roumanie pour apporter de l’argent à sa famille. A ses côtés, des personnes de 8 mois à 90 ans, des poussettes pour entasser ses affaires, des petites filles dorment dans des matelas et la majorité des garçons de plus de 13 ans boivent des bières.
Aux alentours de 19h, certaines femmes s’inquiètent. Des rumeurs selon laquelle des cars de policiers auraient embarqué des Rroms, qui cherchaient à se trouver un autre lieu pour dormir, se répandent. Une bonne dizaine d’entre eux manquent en effet à l’appel. Alors que des militants réfléchissaient aux actions qu’il serait profitable de mener pour les Rroms (comme la possibilité de mobiliser les enseignants des trois enfants scolarisés à Berthelot), quelques-uns ont trouvé refuge ailleurs avec l’aide des bonnes âmes qui les ont soutenu une bonne partie de l’après-midi. Le lieu est tenu secret, pour ne pas que la police —une voiture de quatre agents s’est postée devant le reste du rassemblement un peu plus tard— ne le trouve tout de suite. La chasse reprendra dès demain.