Etat chronique de poésie 954

Publié le 31 juillet 2010 par Xavierlaine081

954

Moi, oiseau de l’aube, compagnon des heures matinales, sous pluie battante ou soleil radieux je vois et entends.

Nul ne prête attention à mes voyages discrets.

Je pointe un bec indécis, aux premières lueurs.

Déjà, sous ma génoise, une lueur m’indique que l’autre, ce type un peu bizarre qui se lève dans le noir, marche, et écrit, lit et tend main avide vers les dictionnaires, posés au coin de la pièce, ce type est déjà là.

Est-ce lui qui me réveille, ou la lueur grise d’un jour sans soleil ? Je ne sais.

Nous avons tant pris l’habitude de nous croiser, lui en dedans, bien au chaud, moi sur le fil d’une ligne à haute tension, d’où je peux surveiller ses faits et gestes.

Mais, pardonnez-moi de m’interrompre : je le vois qui vient vers sa fenêtre et l’ouvre.

Je fais semblant de m’affoler. Je le vois qui s’approche avec grandes précautions. Il sait ma crainte et ma frayeur.

Je devrais peut-être me calmer, ne plus réagir si vivement au moindre geste qu’il fait, derrière sa vitre. Mais sait-on de quelle expérience nous vient la peur ?

Je le vois lire une multitude d’ouvrages. Un jour, je le voyais même ouvrir les pages d’un livre d’éthologie. Le lendemain, il avait entre les mains un catalogue d’oiseaux…

J’ai alors compris qu’il tentait de percer mon mystère. Tant de ses congénères pensent que nous ne sommes rien d’autre qu’une petite boule de plume, tout juste capable de se fracasser, aveuglément sur un pare-brise…

Les gens de son espèce nous croient plus sots que nous sommes. Mais peut-être ne nous voient-ils qu’à l’aune de ce qu’ils sont.

Car, à les voir s’agiter et courir, nous autres, moineaux, nous concevons une grande pitié.

Nous sentons bien que viendra le jour où nous les retrouverons tous, morts de leur belle mort, d’avoir perdu le sens de leur course.

Alors, perché sur son volet qu’il a désormais entrebâillé pour se prémunir des ardents rayons, je le regarde, celui-là qui cherche à comprendre, qui mesure qu’il ne comprendra, en somme, que bien peu de choses.

J’ai compris dans son regard qu’il n’ouvrirait pas ses persiennes, alors que dehors il pleut à verse. Il me regarde, avec mes plumes mouillées, me blottir sous l’abri qu’il me laisse.

Je voudrais l’embrasser mais c’est dur, un bec, sur la peau tendre d’une joue ! Alors je me contente de l’apprivoiser. Et je sais qu’il n’est pas indifférent à mes avances.

Manosque, 17 juin 2010

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