“Nous subissons les conséquences de 50 années d’immigration insuffisamment régulées qui ont abouti à un échec de l’intégration“, a lancé le chef de l’Etat.
“Le président devrait prendre garde que sa condition de fils d’immigré ne permette pas demain de le déchoir de sa nationalité s’il venait à être poursuivi ou condamné, à tort ou à raison, du fait des conséquences de ses accointances avec les milieux d’affaires“, lui a répliqué indirectement Jean-Luc Mélenchon le président fondateur du Parti de gauche.
Le 21 octobre 2007, le New York Times, dans un éditorial au vitriol avait fustigé le projet de loi qui prévoyait de recourir à des test ADN dans le cadre du regroupement familial.
Le journaliste américain qui s’étonnait “que les politiques français ne soient pas plus attentifs aux leçons de leur histoire” écrivait notamment : “Les questions d’immigration réveillent les pires instincts des hommes politiques qui devraient être plus raisonnables”,(…) “Alors qu’il est lui-même le fils d’un immigré hongrois, M. Sarkozy s’est fait un nom politique avec ses critiques acerbes sur les immigrés récents, et notamment les Arabes d’Afrique du nord“. Critiques qui “l’ont aidé à gagner les voix qui se reportaient habituellement sur les extrêmistes comme l’éternel candidat à l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen“. L’éditorialiste concluait par un conseil qui de toute évidence n’a pas été suivi : “M. Sarkozy veut être considéré comme un homme d’Etat. Qu’il agisse en tant que tel”.
“En intégrant à son discours une proposition émanant du Front national – la déchéance de nationalité pour certains délits – Nicolas Sarkozy atteint le point d’orgue d’une année de glissements sémantiques et d’appels du pied en direction de l’extrême droite” tacle également avec sévérité le Le Monde. Le quotidien revient en détail sur “une année de glissement sécuritaire “.
Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et auteur de Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution juge pour sa part sur le site de TF1 news que, “La déchéance de la nationalité, c’est la bombe atomique”. Une appréciation justifiée par le fait que, “C’est une mesure qui n’est pas fréquente. Historiquement c’est une mesure surtout utilisée en temps de guerre. Depuis la Seconde guerre mondiale, on ne touche à la nationalité qu’avec beaucoup de précaution“.
La proposition du Chef de l’État reviendrait à créer deux catégories de Français, ceux qui n’ont pas d’origine étrangère et ceux qui en ont une. D’autre part, comme le droit français ne permet plus de créer des apatrides, la disposition ne serait applicable qu’aux individus bénéficiant d’une double-nationalité.
Sur cette base, le Parti socialiste dénonce un discours contraire aux principes d’égalité devant la loi alors que les associations de défense des droits de l’Homme dénoncent “une politique de différenciation insupportable“.
Ségolène Royal résume assez bien le sentiment majoritaire à gauche lorsqu’elle qualifie l’intervention de Nicolas Sarkozy de “nouvelle étape dangereuse et indigne, dans une surenchère populiste et xénophobe”. “Cette fuite en avant sécuritaire symbolise l’échec de celui qui, hier comme ministre de l’Intérieur et aujourd’hui comme chef de l’Etat, n’a cessé de stigmatiser des territoires et des populations, sans jamais apporter de réponses concrètes à leur sécurité (…)” “Par de telles déclarations, c’est au principe républicain et aux valeurs démocratiques que Nicolas Sarkozy déclare la guerre (…) Notre république est en train de pourrir par le sommet“.
En 1915, la France a été l’un des premiers pays à prévoir la dénaturalisation des citoyens naturalisés d’origine « ennemie ». Cet “exemple” de législation a été reprise par la suite par les Nazis, avec les Lois de Nuremberg de 1935.
En France, le régime de Vichy crée le 22 juillet 1940 une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. 15 000 personnes, dont 40 % de Juifs, sont déchues de leur nationalité afin de « rectifier les erreurs du passé ».
Autant qu’à gauche, la réponse au virage sécuritaire de Nicolas Sarkozy passe par l’électorat de droite. “Où va notre pays? (…) Il appartient en tout premier lieu aux militants UMP, héritiers d’une tradition Gaullienne et Républicaine, de réduire cette tendance très inquiétante qui trahit la propre histoire de ce grand mouvement” écrit ainsi sur le site du monde.fr un sympathisant de droite sous le pseudonyme de Dico.
Celui-là même qui avait “tué” le Front national prend le risque de lui redonner un bol d’oxygène analyse le politologue Jean-Yves Camus dans l’Express . Un beau cadeau pour le Front National qui voit son discours du légitimé par le Président de la République en personne.