J’ai toujours aimé le vélo. C’est un sport que je comprends : on va d’un endroit et on arrive à un autre (ou au même) à l’aide d’un outil efficace propulsé par la seule énergie humaine. Plus facile à comprendre qu’un match de foot où chacun essaie d’avoir la balle pour s’en débarrasser aussitôt et la repasser à quelqu’un d’autre. Mais le propos n’est pas là.
J’ai toujours aimé le vélo et j’en ai beaucoup fait. Quand j’étais jeune. Même un peu moins jeune. Puis un jour, j’ai arrêté. En 1998. Ça fait un sacré paquet d’années.
Dès notre arrivée en Croatie, ma belle s’est enthousiasmée par la possibilité de faire le tour du Lac Vransko Jezero. Pourquoi pas ? Occasion comme une autre de retrouver le contact avec la bicyclette et aussi de découvrir de beaux paysages loin de la promiscuité touristique. Bref, je n’ai pas vraiment résisté, même si je sentais sourdre au fond de moi une profonde angoisse. Serais-je à même de parcourir ces quelques 38 kilomètres de sentiers vallonnés ?
Notre personne de référence nous avait à moitié rassurés : pour elle, des sportifs aguerris devaient faire ce tour en 4 heures environ. Nous avions toute la journée devant nous et il n’y avait donc pas de quoi s’inquiéter. Enfin ça, c’était la vision de ma belle, parce que moi, ça ne me rassurait pas du tout.
Le grand jour est arrivé. À 10 heures, nous sommes partis avec un bel enthousiasme, sous un beau soleil et sans vent apparent (ce qui n’était pas le cas les jours précédents). Nous avions décidé de faire le tour dans le sens horlogique et c’était certainement la bonne décision. Nous avons un peu perdu notre route au début, mais dès que nous sommes arrivés sur le « chemin », il n’y a plus eu de problèmes à ce niveau.
Il faut l’avouer : la première partie de cette balade nous a permis de découvrir des paysages superbes, même si le chemin n’était pas près de l’eau. S’il n’était pas près, c’est parce qu’il était dans les collines qui bordent le lac. Qui dit « colline », dit montée et descente !
Très rapidement, j’ai commencé à sentir quelques crampes au-dessus de mes genoux. Sans compter le souffle court. Ni la baisse de lucidité. Ni les douleurs dans les bras et les mains. Ni quelques vertiges insidieux. Bref, très rapidement, je n’en menais pas large… mais il n’y avait pas vraiment de possibilité d’interrompre la randonnée ni de rebrousser chemin (ce qui d’ailleurs n’aurait rien arrangé).
Nous sommes arrivés au bout de la balade. En réalité, le tour était bouclé à 14h40. Cela signifie que nous avons fait le tour en quatre heures et demie, arrêts pic-nic et repos y compris. Pour revenir au village, nous avions une dernière petite côte à franchir. Pour moi, si ce n’était pas la plus difficile, ce fut la plus dure. J’ai bien cru que mes cuisses allaient exploser. Tout se jouait sans doute dans la tête : je savais que c’était la dernière et donc elle était dure !
Je n’ai aucun regret d’avoir fait ce tour du lac à vélo. J’ai souffert, c’est une certitude. Mais je suis arrivé au bout. Au bout de quoi ? Simplement au bout d’une flânerie qui m’a demandé quelques efforts. Je ne suis pas un surhomme, loin de là. Mais j’ai fait quelque chose qui m’a demandé d’aller un peu plus loin que là où je serais allé spontanément. J’ai pu le faire.
Le bout du chemin peut parfois paraître bien loin. Croire qu’on peut y arriver permet souvent de l’atteindre.