Dernier thème avant les vacances chez les Impromptus Littéraires...
Seule une faible lueur parvient à se glisser à travers les barreaux dans ce trou. Une paillasse humide, une couverture mitée, un vieux seau en plastique et une chaise branlante, voilà ce que j’ai dans ma cellule. Les mots m’ont conduit ici. Oser écrire la vérité sur mon pays, sur sa politique et la corruption ne m’a valu que des ennuis. Mon premier livre a causé de grands effrois dans les sphères dirigeantes. On me l’a fait comprendre. Roué de coups par des soldats, j’entends encore le bruit cinglant du fouet sur mon dos. J’ai serré les dents, les soldats ont juste rigolé, satisfaits de leur travail. Ma femme m’a soigné et m’a supplié de me taire. Jamais ! De mon vivant, je dirai ce que mes yeux voient. Ma langue ne dit jamais un mot, ce sont mes mains qui parlent, qui décrivent l’envers du décor. J’ai quitté ma femme pour sa sécurité, je me suis enfui loin de chez moi pour crier au monde ce qu’il ne sait pas.
Pendant des mois, je me suis caché. Ecrivant le jour et la nuit comme envahi d’une fièvre jusqu’ à m’écrouler de fatigue. Mon corps tremblait et j’exultais ma rage par les mots aussi durs et cruels soient-ils. Un voisin a été alléché par le prix de la dénonciation. Mon nom contre de la nourriture pour sa famille affamée. Quand les soldats m’ont arrêté, il a détourné son regard du mien. Eméchés, titubant sous l’effet de l’alcool, deux des soldats m’ont brulé les mains avec leurs mégots de cigarettes et cassé les doigts.
-Regarde tes mains, elles ne pourront plus jamais te servir pour cracher sur notre gouvernement !
Jeté comme un chien dans ma cellule, je subis depuis des humiliations de la part des gardes. Mes mains portent les stigmates d’avoir voulu lever le voile sur l’obscur. Mon corps est devenu l’ombre d’un vieillard qui s’allonge sur le sol pour lécher une gamelle.
Mais, je crois encore en la force des mots, c’est ce qui m’empêche jour après jour de sombrer dans la folie.