Tentative inédite pour cette
anthologie d’été. Poezibao se propose
de suivre pendant quelque temps, pour le choix des textes, le fil d’une lecture
en cours, celle du livre de Jean-Claude Mathieu, Écrire, inscrire, sous titre ″Images d’inscriptions, mirages
d’écriture″ (éditions José Corti 2010). Jean-Claude Mathieu, sur la trace des
« inscriptions » cite d’innombrables poètes. Poezibao reprendra certaines de ces citations et tentera de les
compléter, chaque fois que possible, par un autre texte du même auteur.
•La citation d’ Écrire Inscrire
NDLR : entre crochets, éléments non
cités par J.-C. Mathieu
« Juarroz est fasciné par la
gravité des majuscules, dont la solitude répond à la sienne, avec la terreur de
rester cloué, muet, devant celles du nom de Dieu :
[28]
« L’homme épelle sa fatigue
Épelle et découvre soudain
découvre d’étranges majuscules,
inespérément seules,
inespérément hautes.
Qui pèsent plus sur la langue.
Pèsent plus mais échappent
plus vite et c’est à peine
s’il peut les prononcer
[Son cœur se rassemble sur les chemins
où la mort éclate]
Et il découvre, tandis qu’il continue d’épeler,
de plus en plus d’étranges majuscules
Et une grande peur l’étreint :
se trouver devant un mot
fait seulement de majuscules
et ne pouvoir le prononcer »
Roberto Juarroz, Poésie Verticale,
[traduction de Roger Munier], Fayard, 1989, p. 23, cité par J.-C. Mathieu, Écrire, inscrire, José Corti, 2010, p.
35
•Un autre texte de Roberto Juarroz
127
Arrive un jour
où la main perçoit les limites de la page
et sent que les ombres des lettres qu’elle écrit
s’échappent du papier
Derrière ces ombres,
elle se met alors à écrire sur les corps dispersés par le monde,
sur un bras tendu,
sur un verre vide,
sur les restes de quelque chose.
Mais vient un autre jour
où la main sent que chaque corps
furtivement et précocement dévore
l’obscur aliment des signes.
Le moment est venu pour elle
d’écrire dans l’air,
de se conformer presque à son geste.
Mais l’air aussi est indispensable
et ses limites obliquement étroites.
La main décide alors son dernier changement
et se met humblement
à écrire sur elle-même
Robert Juarroz, Poésie verticale, traduction
Roger Munier, Points/poésie, 2006, p. 91.
Roberto Juarroz dans Poezibao :
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