La carrière d’Emika a démarré de façon atypique : un stage chez Ninja Tune. “Pendant un mois, j’étais assise sur le sol à coller des stickers sur des CD, c’était sans doute l’expérience la plus chiante que j’ai jamais eue. Mais c’était mon premier pas dans la musique. J’ai continué à leur envoyer de la musique, complètement pourrie. Puis j’ai déménagé à Berlin, et j’ai été très inspirée par la musique que les gens y faisaient. J’ai fait de nouveaux morceaux, je les ai envoyés à Ninja Tune, et ils m’ont proposé un deal.” Emika n’est pas la première à prendre la capitale allemande comme inspiration. Mais pour elle, c’était comme une nouvelle vie qui commençait. “Après une opération compliquée de l’appendicite, rien ne faisait plus de sens. J’ai pris un Easyjet, j’ai bougé à Berlin, et je me suis sentie de nouveau mieux. Pour la première fois, je me sentais chez moi.” Là-bas, elle se lève le dimanche matin, va faire un tour à Berghain, écrit des lyrics dans sa tête et rentre le soir pour tout coucher sur le papier.
Pianiste depuis l’enfance, elle conçoit la musique comme un ensemble de petites structures, qu’elle peut assembler à sa guise : des basses dubstep, des grosses nappes sombres, des boucles de piano terriblement mélancoliques qui tournent dans tous les sens. Ses chants abstraits, distillés à la pipette, rappellent un peu Smoke City, qui aurait enregistré avec Burial dans une crypte acoustique. Avec des structures qui ressemblent à des pop songs, des tropes dubstep, il y a comme un paradoxe dans la musique d’Emika. Elle qui a longtemps écouté des musique d’avant-garde et conceptuelles, a appris à aimer la pop. “Quand tu écoutes des sons de radiateurs toute la journée, un titre de Beyonce, ça fait du bien. Ma plus grande ambition est d’influencer le monde de la pop avec des sons d’avant-garde. Ces sons peuvent vivre dans différents endroits.”
Emika déteste aussi qu’on la catégorise. Pour la musique d’abord: “Je veux montrer que le son peut être très ambigu, il n’y a pas de langage pour en parler. Les gens me cataloguent tout de suite comme dark et futuriste, mais peut-être que dans vingt ans, on dira que c’est de la cheesy-pop.” Pour la condition féminine ensuite. Emika se démène pour ne pas se faire étiqueter “nouvelle productrice” : “Je voulais à tout prix me débarrasser du mot femme”. Elle a même une idée pour faire avancer le schmilblick : des logiciels entièrement conçus par des cerveaux féminins. “On obtiendrait un programme qui ne ressemblerait à aucun de ceux d’aujourd’hui. Là, on pourrait avoir de la vraie nouvelle musique.”
Smaël Bouaici
www.myspace.com/emikamyspace
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