« -Voilà une chose que je dois à la guerre.
- Quoi?
-Les livres, plein de livres. On ne trouvait pas de serviettes hygiéniques, mais des livres, ça oui. Des gens comme moi se sont mis à lire: nos esprits se sont assouplis, en même temps que nos mœurs se relâchaient. »
Comme chaque été, Helena s'apprête à accueillir les nièces et neveux de son mari, Richard. La possibilité d'une seconde guerre mondiale laisse à supposer que ces vacances seront les dernières avant des jours plus sombres...
Oh quel délicieux roman que voilà ! Le parfait roman anglais avec ses personnages so british empêtrés dans des émotions qu'ils ne cessent de tenter de contrôler et de camoufler. Calypso qui s'époumone à clamer haut et fort qu'elle ne croit pas en l'amour alors qu'elle parle tant de son mari. Oliver qui va mettre quarante années à s'apercevoir de ce qui est vrai.
Helena si acide, glaciale et qui pourtant ne ment jamais. Elle, Calypso et Polly nous montrent un autre visage des femmes anglaises durant la guerre. Londres bombardé semble ici offrir une liberté totalement inédite au « deuxième sexe ».
Tous les personnages sont abordés avec profondeur et audace. Aucune concession et pas de langue de bois. Ce couple de juifs qui fuient l'Allemagne en culpabilisant d'abandonner leur fils prisonnier dans un camp, l'oncle Richard qui, à chaque fois qu'il ouvre la bouche, répète que sa jambe a été sacrifiée durant la première guerre et Sophy, la petite dernière, qui attend un mirage.
Et au centre, parmi les regrets, la mort, le bonheur et l'amertume, cette pelouse de camomille, symbole de la douceur du cocon de l'enfance.
Sans oublier une trame originale qui nous permet de sauter dans le temps, d'ajouter du suspense, de ne jamais nous ennuyer et d'amener un fil conducteur ténu, l'enterrement d'un personnage qui, sans que l'on s'en doute, relie tous ceux que l'auteur nous conte avec talent.
J'ai adoré vivre un moment dans cette maison au bord des falaises et sentir le vent, assise pieds nus dans la pelouse de camomille.
Une femme qui a attendu l'âge de 70 ans pour publier son premier roman ! Ça le fait non ?
Extrait
« - Ah, Calypso, tu tombes à pic. Je dois parler à ton Hector.
Impossible, il est parti en mission.
Alors transmets-lui un message.
Je ne peux pas le joindre, mon oncle.
Ma chère, il le faut : l'armée a installé une mitrailleuse juste devant chez moi. Une mitrailleuse, je te demande un peu !
Quel genre de mitrailleuse ?
Une pièce de DCA. Ça fait de nous une cible. Les boches vont nous bombarder.
J'imagine qu'ils l'ont camouflée.
Juste devant chez moi ! C'est intolérable. C'est ce que j'ai dit à leur chef. Tout ce que cette andouille a trouvé à me répondre, c'est « On est en guerre. » Comme si je n'étais pas au courant ! J'ai perdu une jambe pendant la dernière, je ne tolérerai pas qu'on massacre ma pelouse pendant celle-ci. Hector pourrait faire déplacer la mitrailleuse. »