Un dernier verre en Atlantide – La jeunesse engloutie de Jérôme Leroy
Il aurait fallu savoir que c'était le
dernier verre
Le dernier verre en Atlantide
Mais on ne nous dit jamais rien
Comme pour la mort de dieu
Comme pour le temps qui passe
Comme pour les filles qui s'en vont
(On ne nous dit jamais rien, p. 12)
Voici un livre qui ne fera peut-être pas date dans l'histoire de l'avant-garde
stylistique. Mais quel souffle, épique, brûlant. Une poésie extrêmement
directe, qui s'écoule avec la spontanéité d'un roman. On pense à Cendrars, Aragon,
Hugo Pratt : ce sont les vers d'un boulingueur, d'un marxiste romantique,
d'un gentilhomme de fortune, d'un voyou d'une oisiveté sensuelle :
Onzième arrondissement
Pénétration de Lilith
L'été de la fin du monde
Dans le onzième arrondissement
On roulait en Crossfire
Sur les boulevards vides
Pénétration de Lilith
Voltaire Lenoir
Et Chemin vert
14 litres au cent
On roulait en Crossfire
On insultait la fin du monde
L'été les boulevards vides
Rouler en Crossfire
C'était beau et inutile
C'était juste et absurde
Comme d'être marxiste
Au siècle marchand de la fin du monde
(…)
(Apocalypse 00-11, p. 18)
Le Temps, personnel et historique, s'impose avec force : l'auteur lui-même
en reste ahuri. Puissant usage d'anaphores, répétitions, symétries. Une construction
d'ensemble rythmée par l'Atlantide,
qui malgré son engloutissement irrémédiable ne cesse d'être présente dans ce
livre hors du commun.
Jérôme Leroy, Un dernier verre en
Atlantide, ed. La Table ronde, 2010 (125 p.), 14 euros.
par Benoît Moreau