Un dernier Verre en Atlantide, de Jérôme Leroy (par Benoît Moreau)

Par Florence Trocmé

Un dernier verre en Atlantide – La jeunesse engloutie de Jérôme Leroy 

 Jérôme Leroy a été jeune, et s'en souvient fort bien. Mais personne ne lui avait dit qu'un jour tout cela serait aboli. A cause de quoi Jérôme Leroy est resté jeune, mais avec un malaise croissant : l'Atlantide a disparu. 
Il aurait fallu savoir que c'était le dernier verre 
Le dernier verre en Atlantide 
Mais on ne nous dit jamais rien 
Comme pour la mort de dieu 
Comme pour le temps qui passe 
Comme pour les filles qui s'en vont
 
(On ne nous dit jamais rien, p. 12) 
Voici un livre qui ne fera peut-être pas date dans l'histoire de l'avant-garde stylistique. Mais quel souffle, épique, brûlant. Une poésie extrêmement directe, qui s'écoule avec la spontanéité d'un roman. On pense à Cendrars, Aragon, Hugo Pratt : ce sont les vers d'un boulingueur, d'un marxiste romantique, d'un gentilhomme de fortune, d'un voyou d'une oisiveté sensuelle : 
Onzième arrondissement 
Pénétration de Lilith 
L'été de la fin du monde 
Dans le onzième arrondissement 
On roulait en Crossfire 
Sur les boulevards vides 
Pénétration de Lilith 
Voltaire Lenoir 
Et Chemin vert 
14 litres au cent 
On roulait en Crossfire 
On insultait la fin du monde 
L'été les boulevards vides 
Rouler en Crossfire 
C'était beau et inutile 
C'était juste et absurde 
Comme d'être marxiste 
Au siècle marchand de la fin du monde 
(…)
 
(Apocalypse 00-11, p. 18) 
Le Temps, personnel et historique, s'impose avec force : l'auteur lui-même en reste ahuri. Puissant usage d'anaphores, répétitions, symétries. Une construction d'ensemble rythmée par l'Atlantide, qui malgré son engloutissement irrémédiable ne cesse d'être présente dans ce livre hors du commun. 
Jérôme Leroy, Un dernier verre en Atlantide, ed. La Table ronde, 2010 (125 p.), 14 euros. 
par Benoît Moreau