Avec Casanova Forever, le périple continue, d’abord vers Nîmes où, à la galerie ESCA-PPCM (jusqu’au 4 septembre), Cécile Hesse et Gaël Romier (vus récemment au Chambon-sur-Lignon, et qui exposent également à Mende - Le goût de la Souillon - où j’aimerais bien aller aussi) épluchent (elle, en fait, en gaine couleur chair) méthodiquement des talons de chaussure féminines à l’aide d’un économe : acte d’un rituel étrange, fétichiste, presque violent (L’éplucheuse). Les épluchures sont alignées au mur, série multicolore, traces fantomatiques, collection de papillons. On peut aussi en acheter dans un distributeur automatique, présentées comme des bijoux érotiques dans un écrin de numismate. Celle que j’ai acquise (34 euros) est de couleur chair, la couture dorsale du talon lui confère une sensualité folle, légèrement asymétrique, elle évoque une déesse préhistorique, une vénus néolithique. Ils traquent la sexualité latente, révélant ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne veut pas voir, découvrant nos refoulements les plus secrets.
L’amour à la machine, c’est aussi, dans la même salle, la vidéo Mouthwash de Jemima Burrill où elle utilise la bouche de son ami comme machine à laver sa petite culotte : lavage, rinçage, essorage, séchage. Comme dans ses autres films, elle détourne le quotidien vers un érotisme froid, drôle et féministe ; le corps de l’homme devient machine, objet, neutre et fonctionnel. Au mur, un poème mélancolique de Pétrarque, “Erano i capei d’oro“. Ailleurs dans Nîmes, on peut voir les 100 sexes de Charlier, mais c’est du réchauffé après Venise, une réinterprétation/réactualisation par Victor Burgin des tableaux-catastrophes de Francesco Casanova (au Carré d’Art, où mieux vaut aller voir l’exposition Gasiriowski, vue trop vite pour en bien parler ici) et, à la chapelle des Jésuites, une libre interprétation burlesque par Grout/Mazéas de l’évasion de Casanova des Plombs, chute sans fin du héros (son irruption dans le vestiaire des filles est du plus bel effet) et décors défoncés. En face, à l’École des Beaux-arts (jusqu’au 3 octobre), la jeune artiste italienne Laurina Paperina donne libre cours à son ironie grinçante et à ses obsessions, ici plutôt copulatrices. Ses petits tableaux ont un style pop/trash, entre BD et série TV, dérisoire et frais, et mettent à mal allègrement les icônes contemporaines. Et celui à droite m’a évidemment charmé.
Encore deux étapes avant de clore ce périple, mais pour écrire sur l’exposition du Pont du Gard (Jardin-Théâtre Bestiarium), j’attends un peu de documentation complémentaire, ce sera pour plus tard. Demain, à Alès, un séduisant trio.
Photo Hesse/Romier 2, Burrill 1 & 3, et Paperina 2, de l’auteur; photos Hesse/Romier 1, Burrill 2 et Paperina 1 courtoisie du FRAC Languedoc Roussillon.
Voyage à l’invitation du FRAC Languedoc Roussillon.