Il est toujours bon de remettre les pendules à l’heure et surtout de couper court aux certitudes brinquebalées par la médiacratie et par une opinion publique trop souvent vissée sur des lieux communs indéboulonnables.
Un article paru dans les Actes de la recherche en sciences sociales fait le constat des évolutions en termes de goûts musicaux. Avec la multiplication des supports (radio, CD, mP3, Internet…), la musique est partout accessible, et si elle n’adoucit pas forcément les mœurs, elle coule en permanence dans nos oreilles pour rythmer notre quotidien.
Cette profusion change les différentes hiérarchies musicales, avec un effondrement des musiques dites « nobles » (opéra, concerts classiques…) au profit d’une explosion des musiques dites « populaires » (rock, chanson française ou internationale, musique électronique…).
Mais ce qui change plus fondamentalement, d’après le sociologue Philippe Coulangeon auteur de l’article, ce sont les différences sociales qui existaient entre les classes supérieures et les classes populaires. Les clivages existent au niveau de l’âge —les plus âgés préférant les musiques nobles et les plus jeunes, les genres populaires— mais ils tentent de s’effacer entre les strates socio-culturelles et économiques grâce à une plus grande porosité sociale : tout le monde écoute les mêmes musiques sans discrimination.
Avec un bémol toutefois, l’ouverture musicale marquée par la curiosité et la tolérance, l’envie de découvrir tous les genres, touche surtout les classes supérieures qui écoutent aussi bien Chopin ou Pascal Dusapin que Lisa Stansfield ou Rihanna. « La transgression de la frontière entre savant et populaire s’exerce principalement à sens unique : ceux qui disposent d’un accès privilégié aux genres légitimes enrichissent leur répertoire culturel en se frottant aux genres moins légitimes », explique Philippe Coulangeon.
Voilà une constante de notre société : les classes supérieures s’enrichissent pendant que les classes populaires s’enlisent.