Les premières années, il a fallu manger de la vache enragée, mais leurs efforts ont fini par payer : élus vignerons de l'année par la RVF, recommandés par tous les guides et revues, ils font maintenant partie du TOP 3 de l'appellation.
Nous avons fait le tour du vignoble composé de nombreuses parcelles : majoritairement calcaires, comme à Calce, mais l'on retrouve aussi ici des "coulées" de schiste.
La multiplicité des sols, des cépages et des expositions est bien sûr un atout pour la complexité finale des vins. Si Laurent apporte beaucoup de soins à la vigne, travaille ses sols, il ne se sent pas encore prêt franchir le pas du bio. Trop d'inconnues pour cet homme travaillé par le doute...
Des doutes, il n'y en a par contre pas sur la beauté sauvage des lieux. Je peux comprendre que l'on s'y attache, que l'on s'y implante des siècles durant ... et que l'on veuille les faire découvrir à tout bergeracois qui passe ;o)
Le plus incroyable étant sûrement l'implantation du village de Fitou, enchâssé dans l'ancien lit d'une rivière, ce qui montre le côté téméraire de la population : suite à des pluies violentes et soudaines, le cocon douillet peut redevenir torrent. Mais ils ont peur de rien, les Fitounais : ils fixent préventivement des plaques métalliques dans des encoches prévues à cet effet dans les trottoirs et attendent que ça passe...
Si Laurent a fait preuve d'indépendance vis-à-vis de sa famille, il reste solidaire des vignerons de son village, participant aux différents évènements jalonnant l'année. Ainsi, le jour où je suis arrivé, il y avait un concours "les F de Fitou", visant à récompenser les plus méritants.
Laurent m'avait inscrit en tant que juré professionnel, et je me suis donc mis au travail à ma table, dégustant et notant une série de vins rouges. Avec du bon, du moins bon, et du vraiment bon... Une fois cette série faite, je suis passé successivement aux trois autres tables pour déguster les blancs secs, les Muscats de Rivesaltes, d'autres rouges... Intrépide et consciencieux, le garçon ;o)
Cela a bien sûr donné lieu à une soirée de remise des trophées où nous étions invités.
Le jury a été magnanime : chaque vigneron est reparti avec un prix et les félicitations qui vont avec. Mais bon, la soirée était sympa, bon enfant, avec un repas plus que correct, préparé par l'un des restaurants de Fitou. Et je ne me suis pas du tout ennuyé !
Notre Laurent a eu son prix : bravoooo!!!
Bon, doivent commencer à se dire certains, quand va-t-il nous parler des vins du domaine ? Ca arrrriiiive ! Je ne les ai goûtés en fait que le lendemain, en compagnie d'importateurs japonais de passage. Le plus dur a été de les servir à bonne température, d'autant qu'ils devaient se croire encore à l'heure de Tokyo et sont arrivés plus tard que prévu... Au final, ils étaient impec (les vins, of course. Mais les importateurs étaient très bien aussi !).
Corbières rosé 2009 (mourvèdre, grenache blanc < 10%) : robe "pétale de rose". Nez fin, sur la réduction (ce satané mourvèdre, même en rosé, est réducteur !). Bouche ample, fine, fraîche (léger perlant), avec un peu de gras. Finale épicée d'une bonne persistance.
Fitou tradition 2008 (carignan, grenache noir) : nez expressif sur les fruits noirs, le noyau de cerise, les épices, avec une légère touche lactée. Bouche douce, fruitée, assez ample, avec des tannins mûrs parfaitement fondus. Finale salivante sur de nobles amers.
Fitou tradition 2009 : nez plus expressif, plus pimpant, sur des notes de framboise poivrée. Bouche ronde, plus fraîche et plus épicée, avec des tannins très fins. Finale épicée, plus marquée par l'alcool et l'amertume (sans que ca soit dérangeant).
Bel amant 2009 : nez proche du précédent, mais encore plus crémeux et plus expressif, et peut-être un peu plus framboise que cassis. Bouche plus ample et plus généreuse, avec des tannins plus soyeux, et toujours de la fraîcheur, particulièrement dans la tonique finale. Un très beau vin !
Tina 2008 (carignan majoritaire) : nez encore plus frais, la framboise reste, mais le cassis cède la place à la mûre. La bouche est d'une bonne ampleur, mais a un côté droit, un peu austère. Même le grain serré des tannins fait tout ce qu'il y a de sérieux. La gourmandise revient avec la mâche de la finale, vraiment sympa. Un vin à mettre de côté avec un beau potentiel.
Mourvèdre + carignan : nez sensuel , charmeur. Bouche ronde, douce, fraîche, avec des tannins très doux et une fraicheur mentholée. Finale un peu asséchante.
Carignan vieilles vignes : nez très droit, vivifiant sur les fruits noirs et le menthol. Bouche ample, dense, avec une grande rectitude. La finale, mâchue, a beaucoup de caractère. Une expression puissante et noble du carignan.
Lady M 2007 (grenache blanc en surmaturité) : nez fin, complexe sur le raisin de corinthe, l'abricot sec, l'orange confite. Bouche ronde, suave, fraîche, parfaitement équilibrée. Longue finale sur le caramel au beurre, les noisettes grillées, les épices. Que du bonheur !
Laurent est épris de perfectionnisme, et ne se satisfait pas totalement de la qualité des vins du domaine. C'est bon signe, parce que ça veut dire que les vins devraient encore s'améliorer dans les prochaines années. Mais franchement, ils sont déjà très bien faits (bravo Marie qui les vinifie !) et je crains qu'au chai, on ne puisse plus gagner grand chose en qualité (il faudra voir ce que donne le non-égrappage prévu pour le prochain millésime).
C'est probablement à la vigne qu'il y a le plus à gagner. Il suffit de voir ce qui a pu se passer au Champ des treilles en l'espace de 5 ans. Les vins ont gagné en profondeur, en minéralité. C'est probablement ce qui manque aujourd'hui chez mes amis de Fitou : les vins sont bons, ont beaucoup de charme, mais il manque le p'tit quelque chose pour passer dans la classe au-dessus. Va falloir se faire violence, mais la bio (dynamie ?) me semble la meilleure voie pour l'atteindre.
Merci à Laurent et Marie pour leur accueil !
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