Avec tout ce train de mesures pris en plein été contre les gens du voyage et les roms, Nicolas Sarkozy innove. Il nous avait habitué aux déclarations martiales contre la délinquance. On se souvient des racaille, du karcher et de toutes ses formules à l'emporte-pièce qui mobilisent un vocabulaire militaire : "Nous allons déclarer la guerre à la délinquance" (en juin 2002 devant 2000 cadres de la police), "Dés demain, c'est une guerre sans merci qui sera engagée à l'endroit des trafics et des trafiquants et j'en assumerai pleinement la responsabilité, les conditions de mise en oeuvre, le suivi des résultats" (février 2008). Mais il avait jusqu'à présent évité de confondre délinquance et communauté. Même lorsqu'il s'en prenait aux voyous des banlieues (la racaille), il évitait soigneusement de stigmatiser leurs familles, leurs proches. On peut même le créditer d'avoir beaucoup fait pour banaliser la présence au sommet de l'Etat de personnes issues de ce que l'on appelle aujourd'hui la diversité. En ce sens, son discours et ses pratiques étaient différentes de celles du Front National et de l'extrême-droite traditionnelle.
Or, avec les mesures prises contre les gens du voyages, gitans et autres Roms, il en va tout autrement. Ce ne sont plus des délinquants qui sont visés mais bien toute une communauté fragile, pauvre, victime depuis des siècles de discriminations. Les inspecteurs du fisc, qui auraient été mieux inspirés d'aller contrôler les déclarations de Madame Bettencourt, iront contrôler celles des gens du voyage, non parce qu'existent à leur endroit des soupçons de délinquance (comme on pourrait le faire pour les propriétaires de ces 4x4 somptueux que l'on voit parfois dans les cités) mais parce que gens du voyage.
Ils découvriront certainement que certains ne sont pas en règle mais aussi que beaucoup sont tellement pauvres qu'ils ne sont pas imposables. Mais peu importe. Un pas est franchi. Dans la panique, Nicolas Sarkozy que l'on a souvent accusé, de manière absurde, de renouer avec le pétainisme (Badiou…), vient de redécouvrir l'une des pires pratiques de la droite des années trente : la politique du bouc émissaire.
PS On parle beaucoup depuis quelques jours de gitans, de roms, de gens du voyage… On découvre que la plupart (95%) sont français depuis des siècles, portent des noms on ne peut plus français et sont souvent sédentarisés (dans des caravanes ou des appartements). On les appelle tziganes, roms, manouches, gitans, romanichels, voire yéniches (ces nomades d'origine européenne seraient, selon certaines sources, les plus nombreux en France, on parle ici de 300 000 yéniches, chiffre difficile à vérifier). Plus qu'une appartenance ethnique, c'est un mode de vie et de sociabilité, des modes d'éducation de leurs enfants, des pratiques religieuses et économiques héritées du nomadisme mais aussi des droits limités (notamment en matière de citoyenneté et de droit de vote) qui les distinguent du reste de la population.