En passant des Jeux d’enfants à L’âge de raison, Yann Samuell n’a pas gagné en maturité de cinéaste, loin de là… Il a même plutôt régressé. Car si son premier long-métrage, truc cucul-la-praline enrobé de chromos et d’esthétique publicitaire, avait au moins le bon goût de se clore sur une note d’amertume et de cruauté assez originale, sa nouvelle réalisation, elle, reste niaise de bout en bout, pendant quatre-vingt-dix minutes qui semblent interminables…
Le sujet était pourtant prometteur, sur le papier, matière à un beau film sur l’enfance, les rêves que l’on fait à cette période et la désillusion, une fois adulte et confronté à l’âpre réalité de la vie : Margaret, une femme d’affaires redoutable, froide et intraitable, limite pimbêche tête-à-claques, est sur le point de traiter un important contrat quand elle commence à recevoir des lettres qu’elle s’était écrites à elle-même l’année de ses sept ans, l’âge de raison. Elle se retrouve brusquement confrontée à un passé qu’elle aurait préféré oublier et surtout, à ses rêves d’enfant, bien éloignés de ce qu’elle est devenue…
Bon, pourquoi pas… Cela aurait pu donner un résultat sympathique… avec un minimum de talent pour mettre en forme tout cela…
Car à l’écran, hélas, c’est assez catastrophique.
Comment adhérer à cette histoire hautement improbable et terriblement mièvre sans un minimum de fond, ou, au moins, de cohérence scénaristique, sans une mise en scène digne de ce nom – comprenez : capable de proposer autre chose qu’une succession de jolies images floutées et retouchées numériquement ?
Comment s’attacher à des personnages aussi ridicules sans une direction d’acteur efficace ?
Non mais franchement, il faut le voir pour le croire ! Passe encore que les enfants jouent de manière empruntée, forcée. Ce ne sont que des gosses qui jouent à être acteurs… Mais dans le cas de Sophie Marceau, quasiment de tous les plans, c’est plus ennuyeux…
Quand elle incarne l’executive woman hautaine, elle est aussi convaincante qu’un haltérophile bulgare dans un tutu rose bonbon sur la scène de l’Opéra, et quand elle pète les plombs face aux sollicitations de son double de sept ans, elle cabotine de façon tellement outrancière qu’on a de la peine pour elle et sa réputation…
Les seuls moments où elle joue juste, c’est quand elle pleure. Parce qu’on la pense sincère… Sans doute est-elle prise de vertige en pensant à ses rêves d’actrice, quand elle était dirigée par Pialat, Corneau, Zulawski et même Pinoteau, tiens!
Ici, elle serait une actrice ? J’ai envie de dire : lol…
Non, sérieusement Sophie, arrêtez les enfantillages et les rebellions adolescentes et remettez-vous à jouer dans de vrais films, dans de beaux rôles qui n’attendent que vous…
Cela étant, ne jetons pas la pierre à Sophie Marceau. Car les autres acteurs ne sont pas non plus à la fête…
Pauvre Michel Duchaussoy, dont tous les efforts pour apporter une distance ironique à son personnage de vieux notaire de province sont ruinés en une seule scène, dégoulinante de pathos et vaguement ridicule…
Pauvre Jonathan Zaccaï, dont le personnage n’a que deux pauvres scènes pour exister…
Pauvre Marton Csokas, à qui on ne cesse de dire “Parle français !” ou “Speak english !”, si bien qu’il semble complètement égaré…
Seul Thierry Hancisse parvient à émouvoir, le temps d’un face-à-face déchirant avec Sophie Marceau. Ca dure une minute… C’est peu…
Sans un scénario suffisamment étoffé et bien construit, sans personnages bien croqués auxquels se raccrocher, on subit cette succession de scènes aussi agaçantes les unes que les autres, plombées par les afféteries de style du cinéaste, complètement vaines et par des dialogues d’une indigence rare.
Exemple :
”- Tu es dépassé !
- Non, pas des passés : du passé…”
Oh le beau jeu de mot! Bravo, bravo… Pffff… Le prochain qui me fait une remarque sur mes propres calembours, je lui passe ce film-là en boucle. Ca lui apprendra…
Et puis il ya les hamsters… “Quoi ? !? Quels hamsters?” allez-vous demander.
Justement, c’est la question qu’il convient de poser… Dans une des rares scènes qui auraient pu être sympathiques – les retrouvailles avec Philibert, l’ami d’enfance, dans les grottes de Lascaux – l’héroïne s’exclame “Je suis heureuse, ‘y a pas les hamsters…”. Euh… C’est cela oui… Bon, en fait, elle explique qu’elle redoutait d’être bouleversée par ce rendez-vous, ce qui, chez elle, se traduit par la sensation que des hamsters courent dans son ventre. Oui c’est curieux, mais bon, pourquoi pas…
L’ennui, c’est qu’à partir de ce moment-là, les rongeurs prolifèrent. Ils sont placés dans de nombreuses phrases, de façon totalement incongrue. Bigre! Y aurait-il eu une invasion de hamsters extra-terrestres ? Le cinéaste a-t-il écrit son script en fumant des pétards assis à côté de son animal de compagnie ? Le résultat, en tout cas, est calamiteux…
Je sais bien que certains vont me dire que j’exagère, que cette gentille petite comédie n’est pas si mauvaise que cela, qu’elle contient même quelques scènes plutôt jolies et/ou originales. Nianiania…
Désolé, je n’aime pas dire du mal des films, mais effectivement, il est gentil… Certes, quelques passages sont joliment exécutés, toutes les brèves séquences d’animation, par exemple, ou la scène des parapluies qui évoque Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, mais ne sert à rien dans l’intrigue…
Mais cela fait bien maigre au regard de tout le reste. J’ai beau avoir pour réputation d’être le défenseur des causes cinématographiques perdues, je ne peux décemment pas cautionner un tel bric-à-brac de mélo et de fantaisie sirupeuse, grand n’importe quoi cinématographique…
J’aurais aimé ressentir ce petit frisson qui m’emporte parfois, à la vue d’un grand film, “sentir les hamsters”, comme dirait la cruche principale du film.
Oh, je les sens les hamsters, je les sens bien… Pas dans le ventre, non. Au niveau de la gorge… Oui, j’ai les boules d’avoir perdu quatre-vingt-dix minutes de mon temps précieux pour voir ce nanar nunuche.
Sur le même sujet des rêves enfantins et de la nécessité de grandir, j’aurais mieux fait de retourner voir Toy Story 3… Au moins, Pixar ne prend pas les spectateurs pour des imbéciles. Et s’il n’y a pas de hamsters, au moins, il y a l’infâme docteur côte de porc… C’est mieux !
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L’Âge de raison
L’âge de raison
Réalisateur : Yann Samuell
Avec : Sophie Marceau, Michel Duchaussoy, Marton Csokas, Jonathan Zaccaï, Thierry Hancisse
Origine : France
Genre : nanar hamsterminable
Durée : 1h37
Date de sortie France : 28/07/2010
Note pour ce film : ●○○○○○
contrepoint critique chez : Excessif
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