Nick Davies et David Leigh - The Guardian
Un fonds énorme de dossiers militaires secrets aux Etats-Unis fait aujourd’hui un portrait dévastateur de la guerre en échec en Afghanistan, indiquant comment les forces de coalition ont tué des centaines de civils dans des incidents non rapportés, comment les attaques des Talibans ont monté en puissance et combien les commandants de l’OTAN craignent que le Pakistan et l’Iran voisins n’alimentent l’insurrection.
Les révélations proviennent de plus de 90 000 enregistrements d’incidents et de rapports de renseignements se rapportant au conflit et obtenus par le [site Web Wikileaks-http://wikileaks.org] grâce à ce qui est une des plus grandes fuites dans l’histoire militaire des Etats-Unis. Les dossiers, qui ont été mis à disposition du Guardian, du New York Times et de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, font un exposé au coup par coup des combats au cours des six dernières années, lesquels ont jusqu’à aujourd’hui coûté la vie à plus de 320 soldats britanniques et à plus de 1000 soldats des Etats-Unis.
Leur publication survient alors que se manifeste une préoccupation grandissante que la stratégie « d’escalade » [surge] de Barack Obama n’échoue, et alors que les troupes de la coalition recherchent activement deux militaires de la marine US capturés par les Talibans au sud de Kaboul vendredi [23 juillet].
Les enregistrements détaillent également :
Dans un communiqué, la Maison Blanche affirme que le tableau chaotique peint par les enregistrements était le résultat d’un « défaut de recrutement » à l’époque du prédécesseur d’Obama, ajoutant : « Il est important de noter que la période de temps traitée dans les documents va de janvier 2004 à décembre 2009. »
La Maison Blanche a également critiqué la publication des dossiers par Wikileaks : « Nous condamnons vigoureusement la révélation d’informations classifiées par des individus et des organisations, qui mettent en danger les vies des personnels des Etats-Unis et de leurs associés et menacent notre sécurité nationale. Wikileaks n’a fait aucun effort pour contacter le gouvernement des Etats-Unis au sujet de ces documents, lesquels peuvent contenir des informations qui mettent en danger les vies des Américains, de nos associés, et des populations locales qui collaborent avec nous. »
Les enregistrements détaillent, avec des notations parfois horribles, le total précis d’incidents avec des civils et impliquant les forces de le coalition : des événements qualifiés de « bleu sur blanc » en jargon militaire. Les enregistrement révèlent 144 incidents de ce type.
Une partie de ces morts de civils résulte des attaques aériennes controversées qui ont provoqué des protestations du côté du gouvernement afghan, mais un grand nombre des ces incidents, auparavant inconnus, semblent aussi être dû à des troupes tirant sur des conducteurs désarmés ou sur des motocyclistes, par crainte des attaques-suicide.
Sont comptabilisés au total au moins 195 civils tués et 174 blessés, mais cela est sans doute sous-estimé car de nombreux incidents sont omis des comptes-rendus quotidiens faits par les troupes au sol et puis rassemblés, parfois sans ordre précis, par les analystes des services militaires de renseignement.
Les troupes françaises aussi...
Les erreurs sanglantes aux dépends des civils, telles qu’enregistrées dans les documents, impliquent les troupes françaises qui un jour de 2008 ont mitraillé un autobus rempli d’enfants, en blessant huit d’entre eux.
Une patrouille des Etats-Unis a pareillement mitraillé un autobus, blessant ou tuant 15 de ses passagers, et en 2007 des troupes polonaises ont tiré au mortier sur un village, tuant une noce, dont une femme enceinte, dans ce qui était apparemment une attaque de pure vengeance.
Figurent également des tirs contestables sur des civils par les troupes britanniques. Les rédacteurs des documents détaillent une fréquence inhabituelle de quatre séquences de tirs britanniques dans Kaboul en l’espace à peine d’un mois, en octobre et novembre 2007, avec pour résultat la mort du fils d’un général afghan. A propos d’un des tirs, il est écrit : « Enquête commandée par les Anglais. Nous ne pouvons pas obtenir [sic] le récit complet. »
Une seconde série de tirs identiques, tous impliquant des commandos de la marine royale dans la province de Helmand, a eu lieu en l’espace de 6 mois à la fin de 2008, selon les documents. Interrogé par le Guardian sur ces allégations, le ministère de la Défense a répondu : « Nous n’avons pas pu corroborer ces informations dans le bref temps disponible et il serait inadéquat de spéculer sur des cas spécifiques sans davantage de vérification des actions alléguées [un sommet dans la langue de bois - N.d.T.] »
Rachel Reid, qui étudie les pertes civiles en Afghanistan pour Human Rights Watch, a déclaré : « Ces dossiers mettent en évidence ce qui est une tendance tout à fait délibérée des Etats-Unis et des forces de l’OTAN : la dissimulation du nombre de civils touchés. En dépit de nombreuses directives à visée tactique demandant des enquêtes transparentes quand des civils sont tués ou blessés, il y a eu des incidents que j’ai étudiés ces derniers mois où ceci n’est toujours pas le cas. La responsabilité, ce n’est pas simplement quelque chose que vous faites quand vous êtes attrapés. Cela devrait faire partie de la manière dont les Etats-Unis et l’OTAN se comportent en Afghanistan chaque fois qu’ils tuent ou blessent des civils. »
Les rapports, dont beaucoup sont publiés en ligne in extenso par le Guardian, font un compte-rendu sans fard et souvent choquant de la réalité de la guerre moderne.
La majeure partie de ce matériel, bien que classé « secret », n’est plus militairement sensible. Peu d’informations ont été extraites de leur publication parce que cela pourrait mettre en danger les informateurs locaux ou dévoiler de vrais secrets militaires. Wikileaks - dont le fondateur Julian Assange a obtenu les documents dans des circonstances dont il ne dira rien - a indiqué qu’il reformulerait les documents posant problème avant de placer l’essentiel des données sur ses serveurs « que l’ont ne peut censurer ».
Wikileaks a édité en avril de cette année une vidéo précédemment classifiée montrant des hélicoptères Apache américains tuant deux cameraman de Reuters dans les rues de Bagdad. Cette vidéo a soulevé une attention internationale. Un analyste des services de renseignements, Bradley Manning, âgé de 22 ans, a été arrêté en Irak et accusé d’avoir livré la vidéo, mais non pas la dernière série de documents. Le département des enquêtes criminelles du Pentagone continue de vouloir identifier les fuites et a demandé récemment à Assange, mais sans succès, de pouvoir le rencontrer en dehors des Etats-Unis afin qu’il les aide.
Assange a permis au Guardian d’examiner les documents à notre demande. Aucun honoraire n’était demandé et Wikileaks n’a pas été impliqué dans la préparation des articles par le Guardian.
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28 juillet 2010 - Info-palestine