On y voit une belle collection de cartes à jouer coquines, du foin dans lequel mes camarades se roulent (
Convertible de Stéphane Bérard), une table de pingpong customisée par Georges Maciunas,
une machine infernale à dollars (Kirivert) de
Philippe Mayaux, une machine musicale à archets et cristal de
Frédéric Lecomte et un chapeau échiquier de
Takako Seito à l’ombre de Duchamp (
Hat Class). C’est amusant, bien fait et léger. Comme toute exposition thématique, on reste un peu sur sa faim; manque un catalogue.
L’étape suivante est Sète (jusqu’au 3 octobre seulement) où
Claude Lévêque se libère des contraintes, architecturales et politiques, de Venise, où j’avais trouvé le Grand Soir trop parcimonieux, trop étriqué, trop sec.
Diamond Sea, dans cette autre ville de canaux, joue, de pièce en pièce, de niveau en niveau, sur l’ombre et le reflet, sur la déambulation et le dédoublement. C’est une expérience onirique, fantomatique, initiatique, bercée de musique (
Gerome Nox) et de poésie. On est pris par le miroitement des flots, par les éblouissements des stroboscopes, par le danger des roues dentées en couronne d’épines, par la fluidité des filets suspendus.
Une licorne et une carabine tournoient, projetant leur ombre et leur reflet sur les murs de la salle, positif et négatif se poursuivant autour de l’objet, icônes de la représentation photographique même, attrait et rejet. Au bout, une fenêtre entrouverte laisse voir les canaux. Une fois de plus, avec une grande économie de moyens, Lévêque a su sculpter l’espace, créer une expérience à nulle autre pareille.
On peut ensuite, à mon sens, éviter Lattes et
Lunel, puis, à
Montpellier, se concentrer sur la subtile transformation de l’espace que
Simone Decker fait subir au Carré Sainte-Anne, église néo-gothique du XIXème dont murs et colonnes sont habillés de costumes de voyage en matière spongieuse (
Shifting Shapes, jusqu’au 26 septembre). On change parfois l’habillage et le visiteur peut emporter avec lui un bout de matière organique, souvenir sensuel. On peut aussi aller voir les miroirs tournants de
Vladimir Skoda à la galerie Al/Ma, qui font de l’effet, les petits objets suspendus de Tom Friedman au FRAC, et,
à la galerie
Iconoscope (jusqu’au 25 septembre), les petits
tableaux champêtres de
Didier Trenet, cadres voilés de toile, imprévus et séduisants. Dommage que l’installation sonore de Geneviève Favre Petroff prévue dans un arbre de l’esplanade Charles de Gaulle ne fonctionne pas : des voix s’échappant de l’arbre devaient entonner, crescendo, avec entrain, l’expression d’un acte amoureux, laissant exploser de manière baroque les sons du plaisir, orgasmes bruyants renvoyant à Cosi fan tutte (je cite le catalogue…).
On retrouve
Geneviève Favre Petroff à
Aigues-Mortes, sur les remparts écrasés de soleil (jusqu’au 3 octobre) : on est accueilli par un coeur rouge pendu à l’échauguette à l’entrée, puis chacune des tours ou presque abrite un de ses automates, le chant occupe l’espace, la séduction se donne libre cours sans retenue. Plutôt que les mannequins baroques, j’ai aimé ces treize coeurs allumés dans la pénombre d’un cul de basse fosse, scintillants au rythme de leurs pulsations (
Conquêtes).
Photos courtoisie du FRAC Languedoc Roussillon, excepté Lecomte et Kaprow, de l’auteur. Frédéric Lecomte, Claude Lévêque, Simone Decker et Didier Trenet étant représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres seront ôtées du blog à la fin des expositions.
Voyage à l’invitation du FRAC Languedoc Roussillon.