Trois parties, pour ainsi dire trois romans, qui se tiennent la main. Les trois ont la tête tournée vers le sol, la Terre. Ce qu’on a sous les pieds, et au-dessus de la tête importe beaucoup pour cette auteure qui nous tient loin des sujets nombrilistes.
La première histoire s’attache à un homme bon enfant qui s’échappe de la fatalité d’un volcan, monstre engloutissant, parce que faisant corps avec le sol. Tout à coup intéressant, pour n’avoir rien fait d’autre que suivre son instinct de survie, on embauche cet unique rescapé dans un cirque. J’y ai suivi avec grand intérêt ses histoires d’amour. Est-ce parce qu’il est un emblème exemplaire de survivance, mais j’ai catalysé sur lui mon désir qu’il réussisse ce qu’il a eu sauve, sa vie. Ceci dit, j’ai eu beaucoup de plaisir à errer, sous une plume alerte et imagée, au-dessus de ce village cupide et aveugle de l'avant la catastrophe.
Quand je pense à la deuxième histoire, je suis envahie par la couverture avec son cœur flamboyant unissant deux oiseaux. Ici, on a affaire à deux drôles d’oiseaux unis au-delà des corps. Une fusion d’âmes. Deux chercheurs, un via les chiffres, l’autre via le son, survolant leur quotidien, se découvrent et se devinent dans leur essence. La manière d’appréhender la Terre, de la tourner dans tous ses sens est captivante, nous mène loin par des observations justes, solides, précises, qui sonnent comme des sonnets. Un peu comme les enfants qui, par leur côté observateur très terre-à-terre nous sortent des perles d’un champ de boue.
La troisième, sur la montagne à Montréal nommée le Mont-Royal est celle qui m’a le plus frappée, bien malgré moi. Est-ce le fait que pour la première fois, l’auteure m’a amené là où mes pieds ont déjà foulé le sol mais cette manière de décrire, par cette précision infinie qui la caractérise, l’environnement occupé par deux êtres qui ne savent pas qu’ils se sont trouvés, m’a jeté par terre. Les descriptions de la nature et de la géographie du Mont-Royal est jeté sous nos yeux comme un canevas de mini points. Combien de phrases ai-je lues et relues pour leur beauté intrinsèque ? Et miracle, moi qui ne suis pas amatrice de la gent canine, après ces escapades en montagne en compagnie d’une bande de joyeux chiens, j’ai caressé l’idée d’en avoir un chez moi ! Magique ces moments imaginés par une autre qui viennent se déposer sur son propre imaginaire !
À quelques reprises au cours de ma lecture, j’ai réfléchi à la fameuse expression un livre « littéraire » parce que dans ma tête, je ne pouvais m’empêcher de me dire, j’aime ce genre de romans littéraires comme Les larmes de saint Laurent, ça me plait, me rejoint. Pourtant, qu’est-ce que ça veut dire au juste ? Je me suis fait ma propre définition : c’est un roman dans lequel je peux admirer la forme, m’y arrêter parce qu’elle amplifie le fond. Que cette forme me transporte, m’égare, me dépasse, tout en me tenant captive du fond, l’histoire.
Les larmes de saint Laurent - Dominique Fortier - Alto. Mai 2010 - 344 pages