Dans ma récente chronique sur la série « Johnny Staccato », j’aurais du vous parler de celle-ci, qui la précède et avec laquelle elle a quelques points communs, à commencer par la façon dont je vais vous la rappeler : je vais commencer par la poudre aux yeux et je vous finirai à l’effet de manches (comme d’habitude ?). Plus sérieusement, il y a beaucoup de points communs entre les deux séries, à commencer par le personnage principal, ce Peter Gunn qui, comme Staccato plus tard, est un détective privé solitaire (mais pas célibataire) et grand amateur de Jazz.
Mais ce n’est toutefois pas la première chose que l’on a envie de dire à propos de ce programme. D’abord, on veut rappeler que cette série est une création de Blake Edwards qui en a également réalisé plusieurs épisodes et ensuite, on veut mentionner que c’est Henry Mancini qui a composé le thème de la série (avec à l’époque John Williams dans son orchestre) parce que ce morceau est devenu un standard (un Emmy, des Grammy, un album légendaire….) et aussi parce que la musique tient l’un des premiers rôles dans ce programme. Ci-dessous une fin d’épisode, histoire de mettre une minute de suspens à ceux et celles d’entre vous qui n’ont pas déjà reconnu le morceau et de montrer aux autres dans quelles eaux délicieusement noirâtres nous baignons ici :
Blake Edwards s’inspire là de son précédent « Richard Diamond », un autre détective privé qui fut le héros d’un feuilleton radiophonique, puis d’une série télé (avec David Janssen dans le rôle). Diamond était un ex-flic déçu par le système et reconverti en privé, qui n’avait pas de secrétaire, mais une standardiste dont on ne voyait que les jolies jambes, lesquelles furent identifiées comme celles de Mary Tyler Moore, ce qui vous en fait une belle (de jambe) mais fit son petit buzz à l’époque. Enfin, bref… Peter Gunn, lui, n’a même pas besoin de bureau : il est de longue au comptoir du Mother’s (du surnom de la tenancière), un club de Jazz où chante et se déhanche sa fiancée Edie et où le lieutenant Jacoby peut le trouver pour lui filer un tuyau ou lui demander conseil. Les histoires sont très classiques : des affaires de racket, des innocents faussement accusés, des filles qui manquent à l’appel, des témoins dont la tête est mise à prix, encore des innocents qu’on ne veut pas écouter ou qui ne peuvent pas s’expliquer, des tas de cadavres qu’on trouve même dans les murs… Tout ce qu’on trouve déjà dans la littérature du même genre.
Seulement voilà : c’est super bien fait ! Très bien écrit déjà sous la supervision d’Edwards et très bien réalisé par des réalisateurs qui sont ensuite devenus des vétérans comme Boris Sagal, Lamont Johnson, Jack Arnold (le réalisateur de « The Creature from the Black Lagoon »), Robert Gist, Paul Stanley, Walter Grauman… Les ambiances visuelles et sonores sont bien travaillées et même quand les clichés s’enchaînent on se délecte à admirer les costumes, véhicules, accessoires au second plan parce qu’on en a le temps et que c’est un foisonnement de figures et de symboles d’une époque. Blake Edwards sera sélectionné pour l’Emmy de la meilleure réalisation avec son épisode «The Kill ». Dans l’extrait ci-dessous, Peter a délaissé les ballades suaves de sa fiancée pour aller faire un tour dans la grande des mauvais garçons et des filles perdues qui écoutent du rock.
Craig Stevens interprète Peter Gunn, un rôle qui lui vaudra une sélection pour l’Emmy du meilleur acteur de série. C’est déjà un acteur reconnu à l’époque et on le verra ensuite encore jouer les playboys cools et fermes dans « Man of the World » ou « Mr. Broadway ». Lola Albright, une actrice « à voix », joue sa fiancée et sera également sélectionnée pour un Emmy. Tous pleins de visages connus apparaissent au fil des 114 épisodes produits sur trois saisons. En 1967, Edwards tenta de crever le grand écran avec une adaptation cinématographique qui ne fit pas grand bruit (Laura devon joue la fiancée de Gunn dans ce film), il y eut plusieurs tentatives de retour à la télévision, toutes avortées et même John Woo s’est intéressé au personnage.Oui, « Peter Gunn » est un vrai mythe. Les épisodes de la première saison ont été édités en DVD, mais pas d’intégrale à ce jour à ma connaissance.
J.B.