En un sens Abellio avait raison : "Dieu ne gère rien", non; Dieu n'est pas un comptable ou un gestionnaire. Ni, surtout, un gardien du camp biopolitique, non, Il est la seule crevaison possible des pneus qui font avancer ce cargo faussement vivant, la seule échappée envisageable, la seule liberté à l'horizon, qui dépasse, singulièrement, comme dernière singularité, l'horizon c'est LA PAROUSIE ...
Oui les "mots sont usés", nous avons usé des mots, nous en avons abusé. Nous les avons néantisés en même temps que, boursouflés, inversion d'inversion ! Nos mots ne veulent plus rien dire, plus exactement il veulent dire "rien", malgré la "surcharge pondérale" dont nous les avons affligé.
La fièvre hygiéniste qui secoue nos "sociétés" (notons bien qu'il n'est plus et ne saurait plus être question de civilisations) en est un miroir. Nos mots sont pleins de notre néant, plus même emplis de "néantisation", et nos enfants sont obèses, ce n'est pas là la "faute aux américains", que nenni. C'est ce que l'Europe (et les Etats-Unis en sont une excroissance) à intégrée en elle de néant qui en est la cause, nous avons usés et évidés nos mots et nos enfants enflent de cette excroissance de néant. Alors à un mal on va s'empresser d'opposer un "bien". Sans jamais creuser la question, creuser se serait risquer de se heurter au gouffre vertigineux de la néantisation heureuse et repue, criminelle et perverse. Le "bien" opposé tirera son origine de la même source, invertie, sans doute, positivée, surement mais de la même.
L'Europe n'a pas su, pas voulu, éliminer "en esprit et en vérité" le totalitarisme de son sein, l'Europe a refusé de voir et d'entendre que celui-ci est à son fondement; celui-ci est son fondement et son vide, celui-ci est son vide et ce avec quoi elle entend combler ce vide, négativement ou positivement.
Hygiénisme, naturalisme, écologie, mysticisme de la terre, idéologie du retour à "l'âge d'or sur terre" ... tout ces "traits" se retrouvent au coeur même des idéologies "totalisantes" de l'Europe.
Sous une forme néantisée, invertie, vidée mais d'autant plus forte qu'elle est "vide", ses traits idéologiques sont toujours présents, bien présents !
"Il faut" être, sinon l'amant (mais, on y viendra) du moins l'ami de la "nature". Que cette nature soit, à l'heure actuelle et dans nos contrées, très largement artificielle et construite ou reconstruite par l'homme (ce qui est, en fait le "propre" de la biologie ou de l'écologie) qui peut encore oser l'affirmer ? Qui se souci encore de faire, de poser, la différence entre natura naturata et natura naturans ? Qui peut encore voir l'importance de ce que ce mot, "nature" signifie "ce qui est à naître" ? La nature est, par nature, instable ! La nature se n'est pas l'Etre !
Comment "gérer" la nature, ce qui est, en soi, le projet écologique ! Il faut bien finir par "lacher" le mot, comme on lache les chiens. Les scientistes et leurs amis, progressistes éclairés, forcément, souhaitent : "gérer les stocks du monde du vivant". Il y aurait donc "le monde du vivant" et ... ? On se pose la question ... "le monde du mort" ?
Derrière un panthéisme (sans théos, évidemment !) de bon aloi s'avance l'idée de "gestion", de "gestion des stocks". Bien sur, bien sur, pour l'heure nous parlons de "singes", de "baleines" oui c'est évident, allons...
Osons regarder, osons voir : qui dans l'histoire de l'homme a promu la "gestion" comme politique, politique économique, raciale, sociale ... ? Vers où allons-nous aujourd'hui ? Vers l'économie et l'écologie durable, le "développement durable", l'antinomie comme néantisation du sens, néantisation du Verbe ! Qu'oppose-t-on alors à la "marchandisation" du monde, de l'humain, on y opppose une autre forme de gestion ... On envoi sur le ring deux morales qui n'ont pas de "fin", qui se préoccupent uniquement de gérer ! Evidemment la transcendance ça ne se gère pas, c'est ingérable la transcendance ! Alors on l'évacue, on ne garde que le "vivant" un joli euphémisme pour avouer au final qu'on ne souhaite pas d'autres horizons que le biologique.
Les N-S ont cherchés à réinventer une spiritualité "païenne", non-chrétienne. Ils l'ont fait sur des bases inverties, au vide antique que voyait leur propre nihilisme ils ont opposés un trop plein, leur trop plein d'une vision invertie et moderne de l'Antiquité, sur des bases naturalistes, scientistes et biologiques, conséquences conjuguées d'un héritage honnie dans les mots mais bel et bien intégrées, héritage de la Renaissance et du romantisme.
« Le nazisme se distingue par une inclinaison pédérastique très prononcée qui a toujours été en honneur chez les Allemands et que les traditions militaires ont exaltée; l'austérité spartiate, la nudité grecque, la gymnosophie furent, au XIXe siècle, les formes classiques du délire allemand. L'athlète hitlérien du XXe siècle est habillé, armé, sanglé, botté, casqué, décoré, mais l'inclinaison homosexuelle est plus forte que jamais. Tout l'indique : l'étalage de la force brutale et l'idôlatrie du muscle, des pectoraux de gladiateur sous les baudriers éblouissants, la folie des uniformes qui fascinèrent jadis la France vaincue comme la fascinèrent les beaux barbares blonds. » — Vladimir Jankélévitch, Une monstrueuse apothéose, in Quel Corps ?, éd. Passion, 1986, p.42
En outre ils y ont intoduits leur technicisme ! Les N-S n'étaient pas l'extrême droite de l'époque, il s'agissait d'un large mouvement unanimiste réunifiant gauches et droites telles que sorties de la Révolution française. Toutes ces révolutions, celle allemande des N-S comme celle russo-européenne des Communistes, ont eues pour base et cause le spirituel et le religieux, la politique fut un moyen, rien d'autre... spirituel et religieux invertis, certes, philosophiquement invertis mais bel et bien réels ...
Les révolutions (de revolvere, faire retour, et sous-entendu "vers l'origine") depuis la révolution française (qui venait de l'Europe et visait l'Europe, par les "Lumières") entendent "faire retour", paradoxalement, en apprence, en s'opposant à leur idéologie de "progrès", "d'avancée permanente"... Il ne s'agit nullement de déceler un complot, ni de dénoncer une concertation, une volonté mais il s'agit d'oser regarder et voir la pente quasi-naturelle d'un monde qui refuse obstinément la radicalité de la Chute, de la Rédemption et de la Resurrection.
L'unanimisme est toujours un danger, non d'un point de vue moral mais réellement, objectivement. Pour le judaïsme ancien un concensus contre un seul homme doit toujours être tenu pour suspect et révisé.
La technocratie réglementatrice de Bruxelles à reçu cet héritage. Son refus absolu, son rejet déterminé de tout ce qu'on donne pour avoir été les valeurs des N-S servent en définitive une continuité nihilistique, quelque soient les valeurs mises en avant, ou plutôt "mises en scène" (valeur finalement "en creux" / néantisées) c'est le même nihilisme, plutôt le même fond nihilistique, le même refus de la Rédemption divine au nom d'une humanité sacralisée et divinisée (mais sans-Dieu).
N-S et communisme ont eu un but ... gérer le monde sans Dieu, rendre réelle ou plutôt concrète la perception faussée de la povocation nietzschéene : "Dieu est mort" ! Provocation qui, également, passe à côté de l'essentiel : oui, Dieu est mort ! Mort sur la Croix ! Mais Il est ressucité. Alors pour tuer Dieu dans l'homme, comme une inversion intensificatrice du "corps sans organe" d'Artaud. D'un côté le peuple élu d'où est sortie l'Espérance, de l'autre certaines "classes" de la société au sein desquelles étaient visées les "croyants" stigmatisés en tant que "bourgeois ennemis du peuple". Visée équivalente, d'ailleurs le communisme, associa les juifs au capital, comme les N-S qui, eux, ajoutèrent à cela, selon leur logique propre, le rationnalisme biologique. Les deux, d'abord conjointement, puis, en apparence, en opposition, se devait de creuser une immense tombe, en Europe, l'un, l'autre dans le monde, collaborant, quoique de façon opposée parfois, dans le premier authentique "globalisme", la destruction de "l'espérance chrétienne", de la certitude de la résurrection, étant le premier échellon de ces gestionnaires du néant. Ces messianismes invertis, ces contres-religions, non pas irrationnelle, comme on le prétend mais, strictement, méta-rationnalistes ont ensemencés le monde actuel, la force de leur cruauté a permis de faire accepter la cruauté douce-amère des démocraties mondialisées.
"La vérité vous rendra libres". Adage chrétien, plus encore : réalité humaine, divino-humaine qui demeura, malgré le refus humain, et se vit invertie par l'idéologie de la gestion : "Le travail rend libre", slogan (c'est-à-dire "cri de guerre") qui convient bien aux deux monstres totalitaires. Le Libérateur qui anihile l'esclavage est nié au profit d'un servage "consenti", instrument d'une libération désirée à toute force et même accomplie. Il n'y a pas de résurrection, pas d'espérance céleste, ce n'est pas même le "travail vous rendra libre" mais, à l'entrée même de l'Enfer sur terre la promesse d'un Eden collectiviste hic et nunc. Les deux montres, ou plutôt ce monstre gestionnaire bicéphale fut, plus qu'un totalitarisme, un "unanimisme", quand bien même l'unanimité s'obtint-elle à la force du "revolver", des camps ou des chambres à gaz.
En cela l'Europe, héritière déclarée et volontaire des "immortels et universels" principes des droits de l'homme (révolutionnaire) est dans le droit fil de cette logique nihilisante, quand bien même les moyens, c'est-à-dire, les armes ont changés. Nous n'en sommes plus au temps des bureaucrates et des fonctionnaires à "revolver", la technique (i.e : l'art) a évoluée, l'art a trouvé sa maturité.