Nous allons évoquer à nouveau la rigueur et ce ne sera pas la dernière fois. Il est manifeste qu’il s’agit d’une rigueur à sens unique, ce dont les politiciens raffolent, s’exonérant eux-mêmes, sauf à la marge, de la rigueur qu’ils imposent aux autres. Cette prétendue rigueur ne servira à rien sinon à enfoncer davantage l’économie française qui se languit dans les interventions multiples et ruineuses de l’Etat. Le concept erroné s’agrémente de véritables gamineries sur fond de faux raisonnements.
Au titre des gamineries relevons, en premier lieu, le tam-tam médiatique autour de la déclaration de François Fillon à partir d’un pays lointain, le Japon, et à la joie des médias : il « n’a pas hésité à prononcer le mot tabou : la « rigueur » ». Pensez donc : un mot va guérir l’économie française et créer de la richesse ! La fausse droite s’est réjouie, car le mot mène tout droit à de nouveaux impôts ; nous connaissons, certes déjà, le rabotage des niches fiscales et nous aurons aussi des hausses de divers impôts à choisir dans un catalogue fourni. Personne dans les cercles du pouvoir ne voulant libérer l’économie et donc la création de richesse, il ne lui reste qu’à taxer sous prétexte de réduction des déficits publics : peu importe qu’avec de telles méthodes on ne puisse jamais parvenir à équilibrer le budget et à rembourser les dettes. La vraie gauche s’est aussi félicitée sur l’air de « nous l’avions bien dit ». Chacun se fige ainsi dans le rôle qui lui est attribué sur le théâtre public.
Autre gaminerie : la trouvaille sémantique de Christine Lagarde qui crée le terme de « rilance ». Ce serait, parait-il, du génie d’être parvenue à combiner deux notions contraires : la rigueur est considérée comme plutôt négative pour le PIB et la relance plutôt positive. Hélas, la fausseté du raisonnement éclate à l’analyse dans une vraie cacophonie ; en fait la prétendue relance, telle qu’elle est en route, repose sur des investissements publics dont les lendemains ne chantent guère, cela au détriment des investissements privés absolument nécessaires pour une vraie relance.
Au milieu de cette cacophonie surviennent les projets de diminution du train de vie de l’État. La rigueur pour les autres évoquée plus haut commence, en effet, à lasser la population qui constate bien que l’argent qu’on lui enlève par la force fuit de tous les côtés notamment, en direction des personnes au pouvoir.
Après des décennies de gaspillages organisés par eux et souvent à leur profit, les politiciens veulent donc « s’acheter une conduite », terrifiés qu’ils sont par les prochaines échéances électorales.
Les mesures sont tout à fait modestes par rapport à l’immense problème de ce gaspillage. Leur liste est variée : diminution des cabinets ministériels, réductions des frais des assemblées, lutte contre le nombre des voitures avec chauffeur, réglementation pour le logement des ministres, idem pour les voyages. Certaines sont en fait très coûteuses comme l’annulation sans préavis de la garden-partie de l’Elysée, avec des indemnités à payer !
La crédibilité de ce remue-ménage est nulle pour diverses raisons. Comment croire des personnes qui au pouvoir depuis fort longtemps ont donné leur vie durant le spectacle d’une véritable course pour le partage du butin étatique ? Trop de ministres ? Bien sur, mais il est certain que nous ne tomberons pas aux 10 ministres probablement nécessaires et suffisants. N’oublions pas une pratique courante, à savoir le droit absolu d’un ministre débarqué à obtenir sur mesure sa vie durant un autre fromage de la République à la hauteur de ses ambitions ; le droit s’étend aux membres des cabinets qui vont être licenciés ; ce droit acquis est une des « valeurs » les plus sûres de la République et tous les jours nous apprenons avec ahurissement son exercice pour tel ou tel ; tous ces reclassements génèrent un flot de dépenses futures avec parfois création de postes ex nihilo, ce qui est parfaitement contraire à l’objectif affiché. Pendant que les mesurettes sont énoncées dans la presse admirative, les fonctionnaires viennent de recevoir largement leur augmentation annuelle !
Il est clair que pour sortir du bourbier où la France se complaît il faut libérer les entreprises et les particuliers des impôts et des charges qui les écrasent et les empêchent de créer de la richesse. À cette fin et avec d’autres mesures, il est indispensable que les politiques du plus haut niveau lâchent, non par des mots mais dans les faits, la proie de l’argent public qu’ils se disputent avec tant d’entrain depuis des décennies. Ce serait alors non la rigueur mais la prospérité pour tous.
Est-ce un rêve ? D’autres pays l’ont fait, comme nous l’avons souvent indiqué.
Michel de Poncins, pour Tocqueville Magazine