Hortefeux en a parlé. Sarkozy l’a voulue. C’est la guerre !
Et pour mener cette guerre, contre la racaille, les bandits et les raclures qui hantent les cités de France, contre les groupes de « jeunes déçus » qui posent des contrats sur les représentants de l’ordre, le gouvernement et la présidence ont pris des mesures fermes, définitives et novatrices : la fuite.
En effet, depuis quelques jours circule un SMS expliquant que la Brigade Anti-Criminalité de Grenoble a été mise en repos forcé et obligée de quitter la région suite à des menaces de mort qui circuleraient à son encontre suite à la mort d’un de ces petits caïd idiots et violents dans le braquage minable du casino de la région.
Devant la réaction immédiate des autorités, on peut se demander exactement quelle figure aura la « guerre » que compte mener, depuis maintenant des années, le président et ses portes-flingues ses ministres si, lorsque des menaces de mort sont proférées, on fait battre en retraite les premiers défenseurs de l’état de droit.
En réalité, il semble se dégager un consensus du côté de la hiérarchie policière et du gouvernement sur la mise en place, encore une fois, d’une non-action musclée qui consiste à laisser le champ libre à la racaille – pour ne pas la mettre plus en colère, peut-être ? – et à se retrancher derrière d’épais sacs de sables en attendant que la tempête soit passée.
Tout ceci fait très Bidasses En Folie. Dans l’article du Point, on explique qu’en fait de stratégie, il s’agit simplement d’éviter le pire. Le pire n’étant pas des affrontements, mais, toujours selon l’article, un arrêt de travail impromptu des forces de police :
La hantise de la Place Beauvau est d’avoir un policier au tapis, ce qui pourrait déclencher une grève générale alors que les troupes sont à cran.
Encore une fois, et malgré l’entraînement olympique aux raisonnements absurdes que nous ont fait subir les politiciens depuis des années, on se surprend devant l’incroyable bêtise de l’argument développé ici : pour éviter qu’un policier ne se blesse dans l’exercice de ses fonctions, vite, mettons-les en vacance.
D’un côté, on comprend qu’une grève générale enquiquinerait beaucoup ceux qui nous gouvernent : qui viendra les protéger lorsque la foule, atteinte d’un ras-le-bolisme terminal, se la jouera parfum 1789 ? Cette dernière possibilité n’étant pas à écarter alors que les incidents et les affaires s’accumulent…
De l’autre, les autorités montrent ici qu’elles ne comprennent en rien les ressorts qui animent les forces de l’ordre qui, finalement, ne demandent probablement rien tant qu’exercer leur métier : on connaît la localisation des petites frappes, on sait comment elles agissent, pourquoi, et où. Les moyens et les méthodes existent pour débusquer les rongeurs, mais la volonté hiérarchique, elle, est résolument positionnée sur l’axe contraire.
En réalité, ce que redoute la place Beauvau n’est pas d’avoir un policier au tapis. Depuis le début de l’année, on a suffisamment eu de cas de policier ou de gendarme dézingué par des crevures, armées d’un volant ou d’une arme de poing, pour constater que les représentants de l’ordre ne se mettent pas en grève pour ce genre de motifs.
Ce dont, par dessus-tout, la place Beauvau a une peur panique, c’est la bavure : que, dans une opération « musclée », la police, la gendarmerie ou plus généralement l’armée reprennent le contrôle d’une de ces zones de non-droit de plus en plus nombreuses en République du Bisounoursland, et qu’au cours de cette opération, au choix :
- soit un pauvre jeune, a priori innocent, meurt tragiquement à cause d’une balle perdue, et qu’après une longue enquête, on se rende compte que la balle tirée provenait bien du flingue de tel ou tel policier, évidemment aviné et brutal ;
- soit les médias, bête noire tant du Président que des politiciens en général, détournent les images ou les comptes-rendus de l’événement pour en faire une sorte de rafle terrrrrible et fachissssse, avec des morceaux de zeures les plus sombres et pas mal d’indignation outrée, de petits cris et de yeux pleins de larmes des mamans des éventuelles victimes, « un peu dealers, un peu violeurs, mais de bons enfants tout de même ».
Ce qui terrorise la place Beauvau c’est en réalité cet inconnu qui se situe toujours au-delà des décisions les plus difficiles à prendre : le courage, ici, serait autant dans l’action concrète d’une reprise en main du territoire que dans la prise de décision assumée et concrète que oui, il va y avoir de la casse, oui, il va y avoir des morts, et oui, statistiquement, ces morts seront issus des rangs de la police et des rangs de ces minorités visibles dont on ne doit surtout pas parler pour ne pas les stigmatiser.
Et la casse, c’est le risque, inouï, inimaginable pour la caste politique actuelle, de ne pas pouvoir se représenter aux prochaines élections ! Pour des types dont l’horizon n’est constitué que par le jeu politique, qui n’ont aucune compétence professionnelle sortis de ce cadre, c’est un pari plus que risqué !
Ce serait aussi, d’un coup, sortir du discours lénifiant et pleins de calinous bisounoursesques qu’en France, tout ne va pas si mal, tout va en fait plutôt bien, que les problèmes de banlieue sont des petits soucis sans gravité, que tout ceci peut se résoudre avec de grosses quantités de billets cramés dans des équipements sportifs et des associations de quartiers pimpantes et colorées et qu’en réalité, tout ce petit monde qui s’agite avec des lance-roquettes et des armes automatiques, ce sont des jeunes en mal d’amour de la République qui doit leur ouvrir les bras et déposer des bisous humides et citoyens sur leurs fronts juvéniles et joyeux.
Assurément, avec l’agenda politique qui ne peut se résoudre à prendre un tel pari sur son avenir, et le changement cataclysmique de paradigme qu’une action concrète provoquerait, la place Beauvau opte pour la solution de moindre résistance en faisant, pour ainsi dire, évaporer le problème, ou tout du moins, les cibles désignées.
A la lecture de ces articles, on comprendra pourquoi Sarkozy ne peut passer que pour un bouffon lorsqu’il s’exprime sur le cas de Germaneau : mon cher président, tu es infoutu de faire simplement en sorte que nos policiers, nos gendarmes et nos soldats, en France, assurent la sécurité, comment peux-tu prétendre, sérieusement, en obtenir un microgramme à l’étranger ?