Je ne vais de toute façon pas vous parler de la série, je ne l'ai pas vu, et j'ai semblerait-il bien fait puisqu'elle a eu un effet flop complet. Enfin presque total. Suffisamment gratiné en tout cas pour ne pas remettre le couvert pour une saison supplémentaire.
Bref, il est tout de même temps pour moi de vous raconter l'histoire parce que mes nouveaux luminocapteurs lacrymologiques (une merveille ces petites bêtes!) m'indiquent que certains lecteurs de ce blog n'ont jamais entendu parler ni de la série, ni du livre. En avril 2009, au sein du CERN, l'organisation européenne pour la recherche nucléaire, une équipe de scientifiques menée par Lloyd Slimcoe et son associé Theo Procopides, procèdent aux derniers préparatifs de leur expérience dont le but avoué est de détecter le boson de Higgs. Ne me demandez pas de vous expliquer dans le détail ce que c'est, mais en gros, si j'ai bien compris, c'est un transfert de masse des particules consistant à recréer les conditions du Big Bang, sans le provoquer stricto sensu, cela va de soi. En très très gros, c'est une salade de particules malaxées en tous sens et, dans tous les cas, si le résultat est concluant, les conséquences pour la science seraient de l'ordre du révolutionnaire.
Seulement l'expérience ne se déroule pas du tout comme prévu. Pour des raisons qui restent encore à déterminer tous les humains se sont endormis instantanément dès la fin du compte-à-rebours. Mais plus qu'un simple sommeil, la plupart d'entre eux ont eu accès à une fenêtre de 1 minute quarante trois secondes sur leur futur, vingt et un an plus tard. A leur réveil, cependant, le monde est sens dessus dessous. Cette coupure momentanée n'a pas été sans conséquences et les décès sont nombreux : accidents de voiture, d'avions, chutes, incendies, opérations chirurgicales délicates interrompues... en plus des questions existentielles et les désordres personnels suscités par les visions, le monde doit se reconstruire, panser ses plaies.
Casse-gueule comme histoire, non ? Parce que c'est joli comme ça sur le papier, mais mine de rien l'auteur doit rendre tout ça crédible, maîtriser toutes les implications de son scénario tout en s'attachant à ses personnages, à les faire évoluer au milieu d'un monde soumis au désordre le plus total. Du point de vue des répercussions de la catastrophe tant au niveau psychiques que matériels, Robert J. Sawyer ne s'en sort vraiment pas trop mal. Il maîtrise l'environnement de son histoire et parvient à lui donner une tonalité assez plaisante. En revanche, il n'en est pas de même pour ce qui est des questions engendrées par les visions, sur les possibilités de chacun d'altérer le cours de son histoire et de l'Histoire en général. Libre arbitre ? Pas de libre arbitre ? Tout est-il tracé d'avance ? La ligne du futur est-elle aussi immuable que celle du passé ? Toutes ces questions n'ont rien de bien originales, soit, elles restent de l'ordre du connu et ne datent pas d'hier mais elles n'ont rien perdu de leur intérêt. Ce qui m'a gêné dans leur approche,et qui a, par la même occasion, altéré mon plaisir de lecture, c'est le contexte dans lequel les personnages se les posent. Prenez Lloyd Simcoe, par exemple. Suite à sa vision il n'a de cesse de se demander s'il doit se marier ou non avec sa compagne du moment et c'est pratiquement là sa seule préoccupation. Un peu léger au regard de la catastrophe sans précédent dont il semblerait qu'il soit à l'origine avec son expérience, non ?
D'autres éléments de la sorte, des aspects un peu invraisemblables, font perdre du crédit au récit, comme par exemple cette femme à qui il tarde presque de retourner travailler sur le site du CERN alors qu'elle vient de découvrir le corps sans vie de son enfant. Pour le moins surprenant.
Même la pointe de mystère planant autour de l'assistant de Slimcoe, Theo Procopides, n'est pas parvenu à m'intéresser véritablement. Lui n'a pas eu de vision ce qui laisse entendre qu'il sera mort d'ici 21 ans et grâce à divers témoignages rapportés par des tierces personnes, il met tout en œuvre pour découvrir les raisons de sa disparition et modifier le cours de son existence.
C'est finalement, je crois, la superficialité des personnages qui dessert ce livre, qui empêche d'y adhérer totalement. C'est d'ailleurs bien dommage parce que pour le reste, comme je l'ai dit, le potentiel de l'histoire est énorme, les trouvailles sont là, les détails aussi et les questionnements qu'il soulève sur nos choix, sur la marche du temps et la manière dont on l'appréhende sont tout à fait intéressants. Flashforward aurait pu être un très bon livre, il n'en est qu'un ersatz.
Peut-être aurez-vous un tout autre aperçu de ce roman, qui sait, avec Brize qui a mis sa chroniqueen ligne en même temps que moi (c'est pas beau ça, hein ?). Et comme je ne sais pas ce qu'elle en a pensé ne m'en veuillez pas si je déserte momentanément ce blog pour aller voir ça de plus près....
Flashforward, Robert J. Sawyer, traduit de l'américain par Thierry Arson, Milady, 384 p.