En référence à un vers de Paul ELUARD « nous vivons d'espoir», Claudie HUNZINGER nous livre, à travers un premier roman, la vie de sa mère Emma dont l'identité profonde se dévoile au fil des lettres retrouvées que sa fille effeuille. Dans les années 1920-1930, Emma tente le concours de l'Ecole Normale de Fontenay et y fait la connaissance de Thérèse, qui elle échouera plusieurs années de suite malgré la récidive.
Les deux jeunes femmes édifient leur vie sur des idéaux, celui de l'amour exaltant, absolu pour Emma, toujours conquérant, ne cherchant l'assouvissement que pour mieux désirer sans limite aucune afin de bâtir sa vie comme un personnage de roman avec le risque de se construire (ou de se déconstruire) au gré du hasard, celui de l'engagement pour Thérèse, fidèle dans sa relation à Emma, lui témoignant des sentiments sincères et une soif de proximité, d'échanges et de tendresse.
L'équilibre qui tentait d'exister entre ces deux conceptions de vie va être bousculé par une réalité politique et sociale : l'arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne et les années d'occupation en France. De plus, les diverses mutations professionnelles d'Emma et de Thérèse favorisent l'éloignement de ces deux jeunes femmes. Emma, dans sa quête d'absolu tentera de braver les codes sociaux en choisissant le mariage avec Marcel, père de deux enfants, industriel, fruste, où l'originalité n'a pas sa place et incarnera ainsi le personnage de Lady Chatterley.
Sous l'occupation allemande, en Alsace, Marcel fera preuve d'obéissance aux normes instaurées pour seul moyen de satisfaire ses ambitions personnelles au détriment de l'intérêt collectif. Ses prises de position et ses valeurs laisseront Emma se heurter à une réalité qu'elle n'avait pas envisagée, celle qui ne permet plus d'espérer, d'évoluer et s'empare de tout désir de liberté. L'Histoire va également accentuer le manque chez Thérèse et elle le comblera en déployant un engagement politique exceptionnel, en prenant les rênes du front national, réseau de la résistance communiste en Bretagne. Cet engagement lui vaudra la torture puis la mort.
Ainsi, les désirs et les idéaux de ces deux jeunes femmes au début de leur vie trouvaient leur expression dans l'exaltation, entretenant un manque pour mieux s'enflammer et faire valoir les émotions. Le cours de l'Histoire s'est joué de ce manque pour créer une rupture entre Emma et Thérèse, laissant chacune individuellement face à son destin. Emma a vécu à rebours en se déconstruisant et Thérèse a voulu trop vite cicatriser ses blessures causées par l'absence d'Emma en menant une vie boulimique; elle aura précipité son destin.