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Blocher a raison: qu'irait donc faire la Suisse dans la galère de l'UE ?

Publié le 26 juillet 2010 par Francisrichard @francisrichard

blocher 13Christoph Blocher a répondu aux questions de Titus Plattner dans Le Matin Dimanche d'hier ici [d'où provient sa photo, ci-contre].

Les journalistes n'ont retenu à tort de cet entretien fort instructif que la proposition faite par le stratège de l'UDC :

"Il faudrait peut-être [...] que l'UDC lance une initiative pour exclure l'adhésion à l'UE et à l'OTAN".

Ils n'ont d'ailleurs retenu que la première partie de cette proposition : "exclure l'adhésion à l'UE", annoncée la veille. Ils ont tu son argumentation, faute de pouvoir y répondre.

Pour se rassurer certains journalistes entonnent un air connu. Christoph Blocher était en panne de thème électoral. Il aurait trouvé cette idée de non-adhésion inscrite dans la Constitution pour l'emporter une nouvelle fois en 2011. Le salaud !

Titus Plattner demande ainsi à Christoph Blocher :

"Vous ne saviez pas sur quoi mener campagne en 2011. Maintenant, vous avez votre thème électoral."

L'édito de Serge Gumy de 24 Heures de ce jour ici est sur la même longueur d'ondes :

"A la faveur du creux de l'été, le débat sur l'Europe, soudain, ressuscite. Pour l'heure il ne mène nulle part, sinon sur le chemin pentu et caillouteux des bilatérales. Pas de quoi encore effrayer l'UDC. A moins qu'elle ne se trouve en panne de sujet fort pour sa campagne électorale ?"

[selon Gumy, comme le vote sur les criminels étrangers, représentés par les moutons noirs de la désormais célèbre affiche, aura lieu avant, en novembre prochain, il ne pourra donc plus resservir en 2011...]

A court d'imagination et en panne d'originalité, les journalistes romands emploient le même mot dérisoire, épouvantail, pour définir la manoeuvre de Christoph Blocher :

"L'UE reste l'épouvantail préféré de l'UDC." [Yves Petignat, Le Temps, 24 juillet 2010 ici]

"Faute de mouton noir, Christophe Blocher ressort l'Europe, son vieil épouvantail." [Serge Gumy, 24 Heures, 26 juillet 2010].

Depuis le refus par la Suisse de l'Espace économique européen en 1992, le temps n'a rien arrangé aux affaires de l'UE. La déception et la désillusion gagnent de plus en plus de terrain en Suisse: merci, entre autres, à Eric Woerth et à Peer Steinbrück, et à leurs attaques immorales contre le secret bancaire ! 

Le peuple - et même une partie des pseudo-élites - est de moins en moins enclin à souhaiter une adhésion à l'Union européenne :

"On est loin des grands élans du coeur, des déclarations d'amour à une Europe idéalisée. La crise de l'euro, la détérioration de l'image de l'UE ont fait des dégâts dans l'opinion." [Yves Petignat, Le Temps, 24 juillet 2010].

"Où sont passés ceux qui pensaient qu'il y a, dans cette affaire, un peu plus qu'un enjeu économique, la participation à un idéal de construction politique de paix ?" [Ariane Dayer, Le Matin Dimanche, 25 juillet 2010].

Comment compte-t-on répondre aux exigences de plus en plus contraignantes de l'UE ? Yves Petignat, dans Le Temps, répond : par la technique. Comme Avenir Suisse l'a fait récemment [voir mon article "La souveraineté en cause" publiée par Avenir Suisse ]:

"Nous sommes désormais dans un débat moins idéologique que dans les années 90, à la recherche de la meilleure solution pour conjuguer souveraineté et intérêts économiques."

Ariane Dayer fustige cette "technicisation ambiante", car, du coup, les idéaux européens, qui la font jouir, "paraissent dérisoires, presque obscènes".

En fait l'UE, que d'aucuns avaient idéalisée il y a 18 ans, a montré son vrai visage. Elle n'est pas plus attractive économiquement que politiquement et vice-versa. Elle est devenue une construction bureaucratique, sans âme et complètement inefficace. C'est un bâteau qui coule et qu'il convient de regarder sombrer, les pieds sur la terre ferme, en refusant de se laisser agripper par des mains qui se tendent pour vous entraîner avec elle par le fond. 

Christoph Blocher met le doigt où ça fait mal :

"Depuis la crise de l'euro, nos voisins sont massivement surendettés, alors que la Suisse va bien. Du coup ils veulent augmenter la pression. [...] Même si la Suisse le voulait, elle ne pourrait pas adhérer. Ou alors il faudrait renoncer à notre démocratie directe, au fédéralisme et à notre neutralité. La Suisse ne serait alors plus la Suisse."

Pourquoi alors ancrer la non-adhésion dans la Constitution si les Suisses ne sont de toute façon pas prêts d'adhérer ?

"Nous ne pouvons décemment pas, répond Christoph Blocher, lancer une initiative pour l'adhésion dans le seul but de la voir rejetée en votation. Mais nous pouvons faire l'inverse, c'est-à-dire proposer au peuple d'ancrer dans la Constitution le fait que la Suisse ne peut adhérer à une organisation qui signifierait une perte substantielle de sa souveraineté."

Ariane Dayer ne s'y est pas trompée :

"En proposant d'inscrire la non-adhésion dans la Constitution, (Christoph Blocher) est clair, tranché et lisible".

Le meilleur des Pascal Décaillet nous dépeint en ces termes celui que des naïfs avaient cru tuer et enterrer le 12 décembre 2007, en ne le réélisant pas au Conseil fédéral ici :

"Dans son combat contre l’Union européenne, le vieux lion est parfaitement clair, cohérent, il a défini une stratégie à très long terme, s’y tient contre vents et marées, se contrefout de ce qu’on dit de lui. Il est debout. Il se bat. Les aigris, les ratiocineurs ricanent. Ou font la morale. Ils ne savent faire, à peu près, que cela. Pendant ce temps, lui, dans un terrain qu’il étudie depuis quarante ans et dont il connaît chaque anfractuosité, conquiert patiemment des positions, les tient, progresse. Il n’est pas Masséna, ni Joffre, ni Nivelle : contrairement aux apparences, il est loin d’être l’homme des grandes offensives. Il serait plutôt celui de la guerre de position, tranchée après tranchée. Il n’a pas peur du temps qui passe."

Francis Richard


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