L’ébauche d’une solution spatiale retient l’attention
L’actualité est sans pitié. Une information chasse l’autre, sans ménagements, tandis que, fréquemment, la confusion s’installe au point de nous faire momentanément perdre nos repčres. Le dernier exemple en date est, de ce point de vue, tout ŕ fait exemplaire : ŕ quelques heures d’intervalle est survenue l’annonce du décčs de David Warren, inventeur des enregistreurs de vol, et une proposition d’Iridium Communications de créer un systčme de transmission automatique et permanente de données par satellites.
David Warren était un scientifique australien talentueux en męme temps que modeste. Il vient de disparaître ŕ l’âge de 85 ans, sans avoir connu la notoriété et moins encore la richesse. Il a pourtant permis ŕ la sécurité aérienne de progresser de maničre tout ŕ fait spectaculaire en mettant au point, dans les années cinquante, les précieux équipements que nous appelons aujourd’hui Flight Data Recorder et Cockpit Voice Recorder. Ce sont les outils de base des enquęteurs ŕ la recherche de l’origine de tout accident dans la mesure oů l’on y trouve sur bande magnétique les paramčtres relatifs ŕ la phase ultime d’un vol, pour l’un, l’enregistrement des échanges dans le cockpit, pour l’autre.
Depuis la catastrophe du vol Air France 447 Rio-Paris du 1er juin 2009, tout le monde sait que sans enregistreurs, il est difficile, voire impossible, d’expliquer un accident. Dčs lors, les experts s’interrogent plus que jamais sur la maničre de supprimer ce maillon faible et pensent notamment ŕ la transmission automatique de données, reçues et enregistrées au sol. Iridium, puissante société américaine qui gčre une imposante constellation de 66 satellites de télécommunications, affirme ętre en mesure de proposer une solution, techniquement réalisable et économiquement acceptable.
David Warren nous a quittés, ŕ quelques heures prčs, avant l’annonce de la proposition d’Iridium. C’était sans doute mieux qu’il en aille ainsi, tout en sachant que l’on risque d’assister ŕ une intéressante répétition de l’histoire. En effet, quand il a été sérieusement question pour la premičre fois des Ťboîtes noiresť, ŕ l’origine vraiment noires, la communauté des pilotes de ligne n’a pas apprécié, affirmant que la présence de tels enregistreurs reviendrait ŕ travailler avec un espion ŕ bord. Que diront leurs successeurs si le déroulement de chaque vol est retransmis et enregistré en temps réel ? A moins, bien sűr, que la confiance s’installe enfin entre les différentes parties concernées.
On n’en est pas encore lŕ. Reste le fait qu’Iridium est pręt ŕ brűler les étapes. Déjŕ, pour vérifier le bien-fondé de sa proposition, la société de McLean a installé des terminaux expérimentaux ŕ bord de quelques Airbus A320 et Boeing 757. Dan Mercer, membre de la direction chargé du dossier, en a d’ores et déjŕ conclu que le projet est réaliste et faisable.
Cela paraît presque trop simple pour ętre vrai. Mais, en y réfléchissant bien, il pourrait s’agir de l’œuf de Colomb de la sécurité aérienne du XXIe sičcle. Aussi en arrive-t-on ŕ se demander pourquoi les successeurs de David Warren n’y avaient pas pensé plus tôt. Sans doute nous le dira-t-on bientôt.
Pierre Sparaco-AeroMorning
Post scriptum : Pierre Jeanniot, qui fut PDG d’Air Canada et directeur général de l’IATA, dit dans ses mémoires avoir été le premier ŕ concevoir un FDR. On est peut-ętre devant un nouvel exemple de travaux menés ŕ deux extrémités du monde par des chercheurs qui ne se connaissaient pas. Aux historiens de faire la lumičre.