Courroie de transmission

Publié le 26 juillet 2010 par Malesherbes

Le procureur Courroye a accordé une interview au Figaro. Il y proteste ainsi de son indépendance et de sa rigueur : « Je peux simplement vous dire que ces enquêtes sont conduites avec une entière détermination, une totale sérénité, un souci de rigueur procédurale et une stratégie méthodique pour parvenir à faire jaillir la vérité ». Comme Madame Eva Joly l’a durement critiqué, il s’en prend à elle en des termes où la vacuité le dispute à la prétention : ne va-t-il pas jusqu’à évoquer une représentation du Lac des Cygnes pour anéantir le fiel de sa collègue ?

Il évoque également sa décision de classer la plainte de Madame Françoise Bettencourt-Meyers : « Au retour de l’enquête, à l’été 2009, j'ai personnellement examiné la totalité de la procédure puis je l'ai transmise aux deux magistrats qui la suivaient avec moi. La question qui se posait était d'apprécier s'il y avait suffisamment d'éléments pour renvoyer M. Banier devant le tribunal correctionnel pour des faits d'abus de faiblesse. Nous avons finalement répondu par la négative »

Mais son arrogance culmine lorsque, interrogé ainsi : « Pourquoi refusez-vous de transmettre les enregistrements à Mme Prévost-Desprez, qui instruit un supplément d'information dans l'affaire Bettencourt?», il répond : « Je ne souhaite pas répondre à cette question ». Très souvent dans notre existence, nous sommes amenés à nous plier à des demandes que nous ne souhaitons pas. Je suppose que rares sont ceux d’entre nous qui souhaitent payer des impôts. Cependant l’immense majorité s’exécute. Sauf bien sûr certains qui bénéficient parfois d’une étrange mansuétude. Pour ma part, il m’indiffère totalement que Monsieur Courroye souhaite ou non répondre à cette question. Ce qui m’importe, c’est qu’il y réponde. Je suis toujours surpris par le manque de pugnacité de certains journalistes. Est-ce par manque d’esprit de répartie ou par complaisance qu’ils s’accommodent d’un tel refus sans oser revenir à la charge ? Quant à ce procureur modèle, accepterait-il qu’une personne interrogée réponde ainsi à une question de ses enquêteurs ?

Un parquet hiérarchisé dépendant du Ministère de la Justice existe pour garantir que la justice soit rendue de la même manière sur tout le territoire national. M. Courroye, Procureur de la République, respecte-t-il cette unicité, fondement de sa fonction, quand il prive le juge Prévost-Desprez d’éléments susceptibles d’aider à la manifestation de la vérité, et ce pour une raison très personnelle, l’inimitié qui règne entre eux deux ?

Si les enregistrements en cause ne contiennent pas d’éléments relevant de la procédure instruite par Mme Prévost-Desprez, elle ne pourra que les ignorer. Dans le cas contraire, leur examen par de nouveaux enquêteurs pourra peut-être mettre en évidence des faits non relevés jusqu’ici. Pour des raisons inconnues, à moins qu’elles ne soient au contraire trop bien devinées, M. Courroye, Procureur de la République de Nanterre, semble se livrer à une véritable obstruction de la justice.