J’écris parce que je chante mal de Daniel Rondeau

Par Ngiroux

Daniel Rondeau, auteur, détenteur d’une maîtrise en linguistique appliquée, tente de propager sa passion à ses étudiants durant ses cours de français et de linguistique.  Un recueil de nouvelles, encore, eh oui, mais celui-ci est particulier, une réflexion vagabonde, un sourire incrédule, stupéfait devant ses petits, mais tout petit bijoux, la plupart à peine un paragraphe, une page. Un voyeur de la nature humaine, un regard masculin, d’homme, de gars. Je vous présente deux courtes, mais très courtes nouvelles, espace oblige, donnant un bref aperçu de ces joyaux.

Mémoire fragmentée

Le corps de l’homme git par terre, assis contre le mur de sa chambre.  Près de lui, une pluie de souvenirs jonchent le sol : des photos d’elle, des photos d’eux, des souvenirs en gouttes salées, une enveloppe remplie de mots trop durs pour être prononcés et d’autres missives jamais envoyées, lettres mortes qui ne se rendront pas à leurs destinataires, du moins pas en mains propres.  L’homme repose par terre.  Enfin.  Sur le mur derrière sa tête fane une énorme fleur rouge, alors que dans sa main s’attiédit un pistolet lourd comme un soupir, cruel à creuser des trous de mémoire, des trous par où les souvenirs coulent lentement vers l’oubli.  À cause de la gravité.

Souvenir

Assis sur le quai, les jambes pendantes, les orteils effleurant la surface du lac, j’écoutais respirer cette vie qui m’entourait.  La brise sculptait des vaguelettes et à cent mètres flottait un huart.  De l’autre côté, un pic-bois perçait des trous, et tout proche un animal invisible faisait crisser les feuilles mortes.  Un coin de paradis.  Un coin où il faisait bon aller en pénitence.

Sur mon épaule, j’ai senti sa main se poser.  Ses seins se sont pressés contre mon dos.  Je gonflais de bonheur.  Tout en regardant l’eau du lac, j’ai posé ma main sur la sienne.  Je n’ai senti que mon épaule.  Mon corps avait eu un souvenir.

Monsieur Rondeau, merci !