Né en 1935, Clayton Eshleman est poète et spécialiste du Paléolithique supérieur. Lauréat du National Book Award en 1979, il est entre autres l'auteur de Juniper Fuse : Upper Paleolithic Imagination & the Construction of the Underworld (Wesleyan University Press, 2003), Hadès en Manganèse (Belin, 1998), Reciprocal Distillations (Hot Whiskey Press, 2007), Archaic Design (Black Widow Press, 2007), The Grindstone of Rapport (2008). Son oeuvre comprend également des traductions d'Antonin Artaud, Aimé Césaire, César Vallejo.
Article traduit de l'anglais par Bernard Bador et révisée par Gaëtan Flacelière.
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La grotte de Lascaux, avec ses six-cent peintures et ses mille cinq-cent gravures, est le plus magnifique exemple du paléolithique supérieur (-32.000- 9.000 ans) de la force créatrice de la culture humaine, surgie pour la première fois dans les couches souterraines en les sacralisant. La faune qui parcourt, trotte et galope sur les murs des galeries de Lascaux, vieilles de 17 000 ans, bien que peinte par les hommes de Cro-Magnon, existe en dehors d'une dimension humaine – elle est 100 % animale et, hormis quelques exceptions, dépourvue de gestes anthropomorphiques. C’est seulement dans les signes obscurs surgissant autour et à travers les corps d’animaux, qu’un symbolisme suggère que ces animaux divins sont placés dans un contexte humain. De tels signes circulent autour des animaux soit comme les premières suggestions de corrals et de marquages, cherchant des moyens pour y entrer, ou comme gestes alphabétiques, reliant les pelages et les gestes des animaux aux changements saisonniers.
Les réalisations spécifiques à Lascaux comprennent : les plus importants signes préhistoriques, l'usage d'un champ imaginaire, des modèles nets d'animaux dans chaque tableau décoré, des artifices de perspectives, des souffles de museaux marqués par des points ou des traits courts, des apparences tachetées créées par des pigments en poudre ou des liquides soufflés à travers des tubes en os, des crinières floues créées par de légers coups de tampon, des contours nets faits par des instruments de marquage. On dénombre vingt-cinq couleurs, dix rouges, six jaunes, six noirs et un blanc. Les 355 chevaux sont de toutes les couleurs, unies, composées, marron, noir, rouge, jaune grisâtre, et tachetés avec des robes d'été et d'hiver. Le plus grand des animaux dépeints est un aurochs polychrome 5.60 mètres.
La zone appelée Abside est un plafond en coupole, situé en un endroit à 2.75 mètres au dessus du sol (ce qui nécessitait un échafaudage pour l’atteindre). Sur ses 3.05 mètres de diamètre, elle foisonne de plus de 1400 dessins gravés : animaux ou parties d’animaux, comètes, blasons, ovales, signes de crochet, etc… L’impression générale créée par l’abside est celle d’une surface et d’un lieu si spéciaux qu’il était nécessaire qu'elle soit couverte de marques. En tant que « saint des saints » de Lascaux, elle évoque une carte des étoiles primordiale autant qu’un labyrinthe visuel rempli de calembours, une sorte de Finnegan’s Wake du paléolithique. En-dessous et à l’ouest de l’abside se trouve l’entrée du puits, profond de 4.90 mètres. Dans les années 1960, fut découverte une corde en fibre végétale torsadée, suggérant que les gens de Cro-Magnon descendaient dans le puits à la corde. Sur son mur bas, à gauche de l’échelle en fer utilisée maintenant pour descendre, est située la plus merveilleuse « scène » de l’imagerie du paléolithique supérieur. D’un côté, un rhinocéros poilu, de l’autre, un bison éventré répandant ses entrailles. De biais sous le bison, un homme à tête d’oiseau, nu et ithyphallique, fort probablement un chaman en fuite qui a fait tomber son bâton à tête d’oiseau en pénétrant le paradis du bison. Alors qu’il y a quelque 30 figures hybrides dans les grottes du paléolithique supérieur ( y compris deux dans l’abside de Lascaux) qui peuvent être interprétées comme des hybrides magiques, l’homme à tête d’oiseau dans le puits est la preuve la plus solide que nous ayons d’un voyage mental proto-chamanique ou de rudiments de poésie, il y a 17.000 ans.
Ce que j'ai brièvement décrit ne sont que quelques exemples des images vraiment étonnantes de Lascaux – certaines, de par leurs traits, leur exécution et leur beauté restent inégalées dans l'histoire de l'art. A Lascaux, la plus grandiose fondation de l'humanité, l'imagination, est initialisée, fortifiée et complètement réalisée. Il s'agit sans conteste de l'endroit le plus spirituel au monde.
Lascaux fut découvert à l'automne 1940 par plusieurs jeunes garçons, ouvert (sans enquête archéologique) aux visiteurs huit ans plus tard, assiégé par les touristes pendant environ quinze ans, puis fermé au public (pour cause de détérioration) en 1963, époque à laquelle la grotte fut scientifiquement équipée pour permettre de brèves visites à de petits groupes de spécialistes. Le matériel fonctionna jusqu'à 1999, lorsqu'il apparut que Philippe Oudin, l'Architecte en Chef des Monuments Historiques, qui n'avait aucune expérience antérieur des grottes, décida de remplacer le vieil équipement d'air conditionné (qui avait parfaitement fonctionné pendant presque quarante ans) par un nouveau système à haute puissance. Peu après que le nouvel équivalent ait été installé n'importe comment, sans supervision adéquate, par une compagnie qui n'avait jamais fait ce genre de travail auparavant, différentes moisissures et champignons commencèrent à proliférer le long des 235 mètres de la grotte, couvrant certaines peintures et de nombreuses gravures.
Onze ans plus tard, la grotte est dans un état bien pire qu'en 1999 et aucune des bureaucraties impliquées dans son entretien n'a pris ses responsabilités, ni facilité une nouvelle enquête scientifique sur ses problèmes climatologiques. Ce qui suit est une chronologie illustrant la tragique aventure historique de Lascaux.
1940 : le 12 septembre, Lascaux est découverte par quatre adolescents près de la ville de Montignac en Dordogne. Deux des garçons (Marcel Ravidat, 1923-1995, et Jacques Marsal, 1926-1989), devinrent gardiens et guides de la grotte. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance Française y emmagasine des armes.
1947 : La grotte est modifiée pour permettre l'accès au public : l'entrée est élargie, des escaliers et un sol en béton sont installés (sans aucune enquête archéologique des sédiments), de même que l'électricité et une porte en métal.
1955 : En raison d'un important nombre de visiteurs (à son apogée, 1700 par jour), l'augmentation de la température altère l'humidité de la grotte. Des touristes s'évanouissent parfois à cause de l'atmosphère impure. Des vapeurs d'eau se condensent et descendent le long des murs. Du pollen et des spores sont apportées par les chaussures des visiteurs.
1958 : Un système d'air conditionné est installé pour supprimer le dioxyde de carbone et pour abaisser la température, permettant aux visiteurs de mieux respirer. Toutefois, la nouvelle machine envoie le pollen et les spores un peu partout. Un an après, des colonies d'algues (appelées la « maladie verte ») prolifèrent sur les murs et certaines peintures.
1960-1962 : La « maladie verte » continue à s'étendre. A un moment, le « Cheval Tombant » au fond du Diverticule Axial disparaît sous une « prairie » d'algues vertes. D'opaques cristaux de calcite (la « maladie blanche ») sont également signalés sur plusieurs peintures. Le problème provient des niveaux de dioxyde carbone, de l'humidité et de la température apportées par la présence de visiteurs.
1963 : Décision est prise de ramener la grotte à sa condition originelle. La machine à air conditionné est éteinte, et la grotte, fermée au public. Des antibiotiques et de la formaline diluée stoppent la « maladie verte ». Avec la fin des visites quotidiennes, la « maladie blanche » disparaît. Le Ministre de la Culture, André Malraux, charge une commission scientifique « d'étudier les changements à l'intérieur de la grotte, de trouver des remèdes et de faire en sorte que la grotte retrouve des conditions stables. »
1965-67 : Un nouveau système de refroidissement est installé pour contrôler et réguler la température, le dioxyde de carbone et l'humidité. Il utilise les courants naturels de Lascaux pour réguler et maintenir le délicat climat de la grotte. La commission scientifique détermine que les problèmes provenaient en premier lieu de la taille des groupes de touristes et du temps qu'ils passaient dans la grotte (augmentant alors sa température et altérant son humidité) puis du pollen et des spores apportés par les chaussures des touristes. La commission décide qu'une fois stabilisée, la grotte peut être ouverte cinq jours par semaine à cinq personnes pour une visite n'excédant pas quarante minutes. Tous les visiteurs doivent décontaminer les semelles de leurs chaussures en les immergeant dans une solution de formaline avant de quitter le sas gardant l'entrée de la grotte.
1972 : Etant donné la popularité de Lascaux et l'impossibilité de s'accommoder désormais des visites touristiques, il est décidé de construire une réplique d'une partie de la grotte. Le site choisi est à l'entrée d'une carrière située à une centaine de mètres en contrebas de la grotte originelle. Seule la Rotombe et la Galerie Axiale, qui contiennent la plupart des peintures, mais aucune des gravures, seront répliquées. La construction débute en 1980 et s'achève trois ans plus tard. Le peintre de Dordogne Monique Pétral reproduit tous les dessins et peintures de ces deux galeries.
1976 : Lascaux est stabilisé, et la commission scientifique est démantelée. Jacques Marsal devient alors le principal gardien et guide de la grotte jusqu'à sa mort en 1989. Il n'y aura aucun problème dans la grotte pendant les vingt-deux années suivantes. Ma femme Caryl et moi avons visité Lascaux six fois entre 1974 et 1997.
1998 : Un ingénieur du Laboratoire de Recherche pour les Monuments Historiques (LRMH) remarque du lichen grandissant dans la grotte. Jean-Michel Geneste, devenu curateur de la grotte en 1992, et en charge des recherches, n'agit apparemment pas.
1999 : Philippe Oudin, qui va superviser toute la construction de la cave à partir de cette année, décide de remplacer le vieux système d'air conditionné par un tout nouveau, réalisé afin d'améliorer l'aération en utilisant deux puissants et massifs ventilateurs. Le contrat échoit à une compagnie de réfrigération et de plomberie, sans aucune expérience des grottes.
2000 : L'installation du nouvel équipement débute. On ordonne aux travailleurs de laver leurs pieds, de limiter les heures de travail et de rester hors des zones rupestres de la grotte. Geneste, qui accepte les plans de construction et supervise en théorie l'installation (il fait une visite une fois par semaine) note que « les travailleurs nous ignoraient souvent et ne désinfectaient par leurs pieds. Ils ne laissaient pas tout le temps la porte fermée ; ils voulaient que le boulot soit fait rapidement. » Il ne dit pas pourquoi il ne les a pas réprimandés ou ne les a pas arrêtés. Isabelle Pallot-Frossard, Directeur du LRMH, chargée de surveiller les conditions climatiques de la grotte, ne fait aucune inspection durant cette période. La nouvelle installation implique d'enlever le toit de la chambre-sas, où l'ancien équipement est entreposé. Le toit est remplacé par une fine feuille de métal qui permet aux pluies diluviennes d'affluer dans la chambre et l'entrée de la grotte. Une restauratrice d'art, Rosalie Godin, qui visite la grotte à cette époque, décrit le chantier comme un marécage, avec des débris de construction éparpillés un peu partout. « C'était une vision apocalyptique », dit-elle. A cause de la perturbation de l'équilibre climatologique de la grotte, les champignons commencèrent à apparaître dans la chambre et colonisèrent la grotte en une année.
2002 : Une nouvelle commission scientifique est diligentée par Christine Albanel, Ministre de la Culture, afin « d'évaluer les effets des traitements d'urgence et leur effet sur la préservation des peintures et gravures. » Pratiquement aucune nouvelle de leurs délibérations n'atteint la communauté archéologique, encore moins le grand public. Il apparaît que quatre individus différents – Oudin, Geneste, Pallot-Frossard et Albanel – sont responsables de l'entretien de la grotte, sans qu'une seule autorité n'ait eu à en répondre. Il n'existe aucune supervision internationale indépendante. Pendant que les champignons et les moisissures se retirent, des bactéries continuent à se développer.
2003 : Des équipes d'ouvriers, vêtues d'uniformes à capuche, de bottes et de masques, entrent et sortent régulièrement de la grotte pendant les semaines suivantes, enlevant mécaniquement les champignons par leurs racines. Les premiers articles commençant à briser le silence entourant Lascaux apparaissent dans les pages de La Recherche et du Point. Laurence Léauté-Beasley et son mari, Bruce Beasley, sculpteur Californien, accompagnés d'un groupes d'artistes de tous horizons, forme le Comité International pour la Préservation de Lascaux (CIPL). L'ICPL a passé les sept dernières années à se battre pour briser le silence et contrer les déclarations mensongères des autorités.
2006 : De nouvelles colonies de taches noires apparaissent près de l'entrée de la cave. Leur présence est rapportée mais pas immédiatement analysée ou traitée. En mai 2006, Léauté-Beasley persuade le magazine Time de publier un article de fond sur la situation de la grotte. Dans son papier publié par le Wall Street Journal, Lee Rosenbaum rapporte que Geneste « était furibard à cause de l'article du Time qui suggérait que l'intendance de la grotte avait été bâclée et que les peintures âgées de 17 000 ans étaient en péril. » Geneste a également déclaré à Rosenbaum qu'il « n'y a aucune détérioration des peintures. La situation est stable. Le développement des champignons a naturellement disparu des peintures. » Un membre de la commission scientifique montée en 2002 est cité pour avoir déclaré : « Ils nous disent que la situation de la grotte est stable. Mais c'est ce qu'ils ont dit d'Ariel Sharon. » Lorsque Geneste fait la déclaration ci-dessus, des équipes de travailleurs sont dans la grotte trois jours par semaine, enlevant les racines des champignons. Les extractions de racines laissent des marques noires et des cercles sur les peintures. A la fin de l'année, les taches noires se sont répandues à travers la grotte, couvrant quelques peintures et de nombreuses gravures (dont celles de l'Abside). Les biologistes ne parviennent pas à déterminer les espèces et la cause de ces taches, ni un traitement. Le mur de cristal de calcite de La Rotonde, d'un blanc étincelant, qui servait d'extraordinaire fond aux animaux peints, devient gris. S'efforçant de réfuter la responsabilité du LRMH, Pallot-Frossard déclare que la crise de Lascaux [NdT : parlant bien de crise, elle met du même coup en lumière les mensonges antérieurs de Geneste, certes de manière involontaire] est simplement une continuation des problèmes de 1963.
2007 : La nouvelle machine à air conditionné, inappropriée, est éteinte (mais non remplacée par un modèle similaire à la machine originale ayant fonctionné correctement pendant quelques trente années). Les taches noires continuent à proliférer. Le toit temporaire reste en place, exposant toujours la grotte au climat extérieur pendant les périodes de précipitation. L'eau coule le long des murs de la grotte et parfois le long des peintures, suivant des périodes d'extrême sécheresse. En décembre, Léauté-Beasley et le CIPL réussissent à attirer l'attention de l'UNESCO ; Lascaux est un des premiers « Sites du Patrimoine Mondial » de la liste de l'UNESCO. Les taches noires ont triplé en nombre de l'été 2007 à décembre de cette même année. Une des hypothèses désormais évoquées est que ces taches sont la conséquence de l'éclairage direct utilisé par l'équipe de surveillance et les restaurateurs d'art durant les quatre précédentes années. Il n'y a toujours pas de supervision scientifique indépendante de la situation de Lascaux.
2008 : Les taches noires contaminent maintenant 50% des murs ornementaux de Lascaux. La plupart des 1600 gravures sont affectées. En juillet, l'CIPL appelle l'UNESCO à ajouter Lascaux sur la liste des Sites du Patrimoine Mondial en danger (aucune action n'est prise). A aucun moment durant les huit dernières années l'administration de la grotte n'a dirigé une enquête scientifique sur la situation de Lascaux avant que les traitements soient appliqués. La Commission du Patrimoine Mondial demande maintenant à la France les exigences suivantes :
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Réaliser une étude « d'impact » avant toute intervention future.
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Initier une mission de la Commission du Patrimoine Mondial à l'intérieur de Lascaux afin d'examiner la situation actuelle.
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Soumettre à la Commission un rapport de conservation avant février 2009 revenant sur les causes de la détérioration (jusqu'à maintenant seuls les symptômes ont été traités).
Christine Albanel propose que les exigences de la Commission soient ignorées et que le travail actuel à l'intérieur de la grotte continue.
2009 : Albanel organise un symposium chargé de se concentrer sur les problèmes de Lascaux. Au symposium, elle annonce la création d'un nouveau comité scientifique qui opérera indépendamment de l'intendance bureaucratique et non-scientifique de la grotte. Pourtant, à la fin du symposium, Jean Clottes, l'expert renommé de l'art rupestre et Directeur du symposium, déclare que la grotte n'est plus en danger ! Cela contredit ses déclarations précédentes sur les « centaines ou plus de micro-organismes cohabitant et interagissant dans la grotte. » Des scientifiques internationaux offrent leurs services pour former un Think Tank International sur Lascaux. Jusqu'en août 2009, la France ne les a pas autorisés à agir.
La situation en bref, fin 2009, est la suivante :
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Aucune étude sur les origines des dommages n'a été entreprise
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Aucun traitement n'a été trouvé afin de stopper la prolifération des taches noires.
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L'équilibre climatique de la grotte n'a pas été rétabli.
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La permission donnée plus tôt dans l'année par Frédéric Mitterand, Ministre de la Culture, au Think Tank de débuter son travail, a été abrogée.
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Il n'y a toujours aucune supervision scientifique à Lascaux.
Il est désormais clair que les personnes initialement en charge de Lascaux, dont celles ayant autorisé l'installation du nouvel équipement ou des mesures préventives au sein de la grotte – initialement, comme je le comprends, Oudin, Geneste, Pallot-Frossart et Albanel (et depuis 2009, Frédéric Mitterand) -, ont, ainsi que l'a écrit Paul Bahn, « orchestré une politique de désinformation, de déni depuis le début de la crise en 2000. » Léauté-Beasley a expliqué : « Il est clair que les autorités en charge de gérer la crise de la conservation de Lascaux ont, en grande partie, quelque responsabilité directe dans cet événement. C'est pourquoi ils n'ont produit aucune opinion objective ni fourni aucune analyse critique de ce qui a été fait depuis le début de la crise. Le comité scientifique qu'ils dirigent ne peut pas avoir l'approche critique nécessaire pour comprendre ce qu'il s'est passé et pourquoi, ni comment remédier au problème. La commission scientifique nommée en 2002 par le ministère de la culture se rencontre deux ou trois fois par an pour examiner les actions décidées par les administrateurs. Les scientifiques du comité agissent en tant que consultants, mais non aucun pouvoir décisionnel. Et mains liées, ou faisant partie de l'administration de Lascaux, ils n'ont pas le droit de parler des problèmes de Lascaux avec d'autres scientifiques hors de la commission. Cette situation, avec son manque de transparence, est mortel pour la grotte. »
L'ensemble du Paléolithique Supérieur est enveloppé, pourrait-on dire, en un gaze historique. Tous les termes de continents, régions, zones, sites, outils, armes, techniques et esthétiques sont historiquement imposés, le plus souvent par l'histoire moderne. Alors qu'il s'agit d'une évidence, le terrain est glissant. Une association subliminale a lié la « France » à « l'origine de l'art ». Ce qui revient fondamentalement à dire que Lascaux n'appartient pas à la France. Cela appartient au monde dont la France est une surimpression historique. Bien que cette idée puisse être spirituellement juste, je ne connais aucun moyen pour l'imposer politiquement. Les Nations Unies pourraient-elles être sollicitées pour intervenir ? Le Président français pourrait-il avoir l'intelligence et le cran de libérer la grotte de ceux qui en ont actuellement la charge et placer Lascaux sous la supervision d'un comité scientifique international ?
Ou est-ce trop tard ?
Note : Les informations de la partie chronologique de cet essai proviennent de celles disponibles sur le site Sauvez Lascaux, incluant les articles ici cités publiée par The Wall Street Journal, Time et des magazines d'archéologie. J'ai également utilisé des renseignements recueillis dans mon livre et dans The Cave of Lascaux : The Final Photographs de Mario Ruspoli (Abrams, 1986) ainsi que Lascaux : Le Geste, l'Espace et le Temps de Norbert Anjoulat (Editions du Seuil, 2004).
Liens utiles :
Save Lascaux
Pétition adressée au Gouvernement de la République Française
Article du Time, 15 mai 2006
Article du Wall Street Journal, 13 juin 2006
Article du Herald Tribune, 20 novembre 2007
Article du Monde, 26 nov. 2007
Lettre ouverte à la ministre de la Culture pour sauver Lascaux, Libération, 20 décembre 2007
Article de The Independent, 12 juillet 2008
Bibliographie sélective :
Georges Bataille, Lascaux ou la naissance de l'art
Sylvie Girardet, Les pinceaux de Lascaux (Réunion des Musées Nationaux, 2003)
Marcel Otte, Pierre Noiret, Laurence Remacle, Les hommes de Lascaux : Civilisations paléolithiques en Europe (Armand Colin, 2009)
Arlette Leroy-Gourhan, Jacques Allain, Lascaux inconnu (CNRS Editions, 1998)
Jacques J. Picquard, Le mythe fondateur de Lascaux (L'Harmattan, 2003)
Marie-José Christien, Lascaux et autres sanctuaires (Jacques André Editeur, 2007)
Norbert Anjoulat, The Splendour of Lascaux : Rediscovering the Greatest Treasure of Prehistoric Art (Thames & Hudson, 2005)
Chaleureux remerciements à Clayton Eshleman et Bernard Bador.