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En DVD : Après un été 2009 consacré à Pietro Germi (Ces Messieurs Dames), l’été 2010 de Carlotta plonge dans l’œuvre d’un autre cinéaste italien quelque peu marginalisé et mal-traité par la critique : Mauro Bolognini, avec l’édition de 4 films. Acte 1 : Liberté, mon amour (Libera, Amore Mio... 1973). Derrière ce titre un peu tarte se cache un chef-d’œuvre – carrément. S’il vous fallait découvrir ce cinéaste mal connu, considéré – à tort – comme un sous-Visconti, précipitez-vous sur cette œuvre, très rarement diffusée en France, et qui offre à Claudia Cardinale un de ses plus beaux rôles – sinon, son plus beau.
25 ans d’histoire italienne en à peine 1h40
L’histoire ? La destinée tragi-comique d’une femme, Libera Amore Anarchia, qui parcourt 25 ans d’histoire italienne, des débuts du fascisme à la fin de la Seconde guerre mondiale. A travers le portrait de cette passionaria, le plus souvent habillée en rouge révolutionnaire face aux Chemises noires, en lutte contre les conventions imposées par le régime mussolinien, Mauro Bolognini nous livre une véritable fresque, en à peine 1h40 ! Si elle commence par des accents grotesques et comiques, sa trajectoire s’achève comme une véritable tragédie.
Aussi à l’aise dans les scènes de comédie, d’action, d’amour et de drame, le réalisateur de La Viaccia et du Bel Antonio parvient à entrelacer trois destins : celui d’une femme, d’une famille et d’un pays. Et procède comme Bellochio dans Vincere en juxtaposant images d’archives mussoliniennes et fiction. Du coup, il restitue avec lyrisme les heures les plus noires du fascisme italien : massacres de civils par des nazis ; l’exil politique aux confini ; les tortures infligées aux partisans par les fascistes.
Vision amère de l’histoire
Au final, le cinéaste nous livre une vision amère de l’histoire : certains fascistes solubles dans la démocratie balbutiante ; les idéaux révolutionnaires trahis par leurs auteurs. Sens des décors et de la reconstitution en décors naturels ; de multiples lieux campés en 2-3 mouvements (Rome, Padoue, Vérone), Mauro Bolognini se situe à l’exact opposé de celui à qui on l’a souvent comparé, moins pour le louer que pour le minorer – à tort : Luchino Visconti. Et livre là une pièce maîtresse du cinéma italien, à ranger par sa thématique aux côtés de Vincere de Marco Bellochio, Une journée particulière d’Ettore Scola et 1900 de Bernardo Bertolucci.
A signaler : 30 mn d’entretien avec le cinéaste, nourris de témoignages de Claudia Cardinale, Marthe Keller et de la sublime Dominique Sanda permettent de mieux connaître l’œuvre du réalisateur disparu en 1992. En outre, une analyse courte et pénétrante de Jean Gili (Positif) restitue le film dans son contexte et nous livre quelques clés pour comprendre l’importance du film dans l’œuvre de Bolognini et dans le cinéma italien.
Travis Bickle