La liste de John Rabe

Par Borokoff

A propos de City of Life and Death de Lu Chuan 3 out of 5 stars

  

City of Life and Death retrace le « massacre de Nankin » (ex capitale de la République de Chine) au cours duquel périrent entre 100 et 300 000 Chinois…  

City of Life and Death commence le 13 décembre 1937, au début de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945) et à la fin de la bataille de Nankin dont les Japonais sortent victorieux. Ce qui va se produire alors résulte d’un des plus grands génocides du XXème siècle. Le tristement célèbre « viol de Nankin ». Pendant six semaines, des centaines de femmes vont être violées et éventrées, des enfants tués tandis que les soldats chinois capturés seront systématiquement exécutés par l’armée de l’Empereur japonais Shōwa Hirohito (1901-1989).  

Tourné en noir et blanc, souvent caméra à l’épaule, City of Life and Death est un film âpre, où la barbarie est montrée dans toute sa crudité. City of Life and Death commence en plein cœur des combats. La défaite chinoise est imminente et Kadokawa, un jeune soldat japonais, observe la liesse de ses troupes victorieuses en même temps que l’orgie et l’abjection auxquelles elles se livrent. Les armées japonaises ont ordre de ne faire aucun prisonnier et les femmes chinoises sont livrées en pâture aux soldats transformés en bouchers et en violeurs.  

Avec dégoût et effroi, Kadokawa assiste impuissant à toute cette gabegie en même temps qu’il se lie d’amitié avec une prostituée japonaise. Lu Chuan filme les exactions dans toute leur cruauté, mais de plusieurs points de vue différents. Celui de Kadokawa mais aussi d’un chef d’armée japonais impitoyable, de plusieurs observateurs étrangers dont John Rabe (1882-1950), un homme d’affaires allemand, membre du parti nazi et qui créa en décembre 1937 un Comité et une zone internationale pour fournir aux civils de Nankin de quoi se nourrir et se chauffer pour l’hiver. On estime que Rabe sauva 250 000 Chinois de la mort. Le film est vu aussi depuis le point de vue de Monsieur Tang, le secrétaire de Rabe. Sa sœur, violée, a disparu. La scène où il hurle interminablement, après que sa fille ait été tuée sous ses yeux, est poignante. Tang finira exécuté.  

Si la multiplicité des points de vue permet à Lu Chuan de filmer le massacre de Nankin avec recul et sans tomber dans une vision primaire ou dichotomique, City of Life and Death est néanmoins trop descriptif et les combats et les scènes de barbarie un peu répétitifs. On aurait aimé plus d’analyse de fond, que les portraits psychologiques soient plus fouillés (Rabe, Kadokawa, Monsieur Tang). Il manque des éléments  pour mieux situer les rapports historiques entre les deux pays, les enjeux de la conquête de la Chine par le Japon. Qui sont tous ces étrangers blancs qui vivent dans la zone internationale ? Dommage que Lu Chuan n’approfondisse pas plus les liens psychologiques tortueux, les rapports tour à tour de peur, de courage, de soumission qui existent entre John Rabe, Monsieur Tang et le chef d’armée tortionnaire japonais. City of Life and Death reste un peu en surface  sur cet épisode noir de l’Histoire du Japon. 

Si City of Life and Death donne l’impression d’être un peu disparate, son corps dispersé, mais le systématisme avec lequel furent plannifiés ces massacres fait froid dans le dos. Comme dans Katyn. Parade triomphale des soldats japonais, fin tragique de Kadokawa…  

www.youtube.com/watch?v=0PW-9vz-leU