Il ne faut pas désespérer Bettencourt...

Publié le 26 juillet 2010 par Guy Deridet
Ces derniers jours, les marchés n'ont voulu voir que les bonnes nouvelles, ignorant tout ce qui viendrait contredire l'idée que la crise s'éloigne de nous. Quand le marché va tout va ? Hélas, ce n'est pas si simple... Un article de Marianne 2 qui remet les pendules à l'heure. Au fait, et la crise ? Finie, pfuit, envolée ! Il n'y a plus que des bonnes nouvelles dans les rubriques économie. Ainsi apprend-t-on que le déficit de la Grèce a chuté de 41% au premier semestre, passant de 14 à 8%. La potion amère du bon docteur DSK, administrateur de fait du pays, aurait donc marché. Drôle d'info que tout le monde gobe sans broncher. Nos amis grecs, soupçonnés voici six mois d'être de fieffés menteurs, sont aujourd'hui crus sur parole en annonçant des chiffres sur six mois alors qu'il en faut en général dix-huit pour consolider les données d'un état sur la dette et le déficit. Sans parler de ce que ces chiffres ne disent pas et dont nous parlent les visiteurs du pays réel. Les grèves perlées qui paralysent de nombreuses activités. La baisse du prix du pain en fin de journée pour aider ceux qui ne parviennent plus à survivre....

Qu'importe, il faut bien que nos traders partent en vacance le coeur léger. Les fameux stress-tests auxquels se sont soumis les banques paraissent avoir été organisés spécialement à cet effet. Ils ont été annoncés comme une épreuve de vérité. On allait savoir ce que nos chers banquiers planquaient derrière leurs comptoirs (modernes, c'est-à-dire leurs bilans). Mais comme là encore, on ne voulait pas de mauvaises nouvelles, les règles ont été un peu « arrangées ». Comme l'explique François Leclerc, « aucun défaut souverain n’avait été pris en compte dans le Banking Book, car celui-ci était hors de question. Il suffisait de le dire pour le croire. » Autrement dit, on a considéré que le défaut de paiement d'un état était ... impossible, alors même que cette perspective faisait trembler les bourses et les monnaies voici quelques mois.

Qu'importe. Les marchés se sont mis au garde à vous et jeudi, la rumeur des résultats suffisait à booster le CAC 40 de trois points, tandis que le chiffre de la consommation française chutait de 1,4% en juin...

Car les nouvelles qui fâchent, elles, sont comme anesthésiées. La Bourse de Paris nous a appris depuis de longues années à être hypersensible aux indices américains. Or, ces derniers ont été, ces derniers jours, exécrables : chute des ventes de logement neufs, explosion en mai du nombre de saisies de maisons (+41% par rapport à 2009), bond de 37 000 des inscriptions hebdomadaires au chômage. La fin de la séquence est encore plus étrange : au lieu que les mauvais chiffres américains fassent chuter les bourses européennes, ce sont au contraire quelques indices encourageants du vieux continent qui ont fait bondir Wall Street.

En somme, quand le marché veut croire que le pire est derrière nous, il met le paquet. Et il faudra un retour de bâton autrement plus anxiogène pour le faire changer d'avis. Il est vrai qu'il y a de quoi se réjouir. Deux ans après la crise, la régulation promise de l'univers bancaire n'a pas avancé d'un iota. La valse des bonus reprend de plus belle. Le chômage et la baisse du pouvoir d'achat est à l'honneur partout, nous exposant à un risque de rebond de la récession. La guerre monétaire se poursuit pour le plus grand dommage de la zone euro. Le dumping social de la Chine et d'autres pays est respecté comme un totem par les dirigeants incapables d'imaginer un échange plus juste entre les zones économiques.

Mais en attendant la catastrophe, chacun pense qu'il suffit de serrer les fesses et de tenir bon pour sortir de la crise. Les traders sont optimistes ? Que demander de plus ? Les riches sont ce qu'ils sont et nous devons tout faire pour qu'ils gardent le moral. C'est aussi sous cet angle qu'il convient de regarder l'affaire Woerth.

Philippe Cohen - Marianne | Lundi 26 Juillet 2010
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