Tentative inédite pour cette anthologie d’été. Poezibao se propose de suivre pendant
quelque temps, pour le choix des textes, le fil d’une lecture en cours, celle
du livre de Jean-Claude Mathieu, Écrire,
inscrire, sous titre ″Images d’inscriptions, mirages d’écriture″ (éditions
José Corti 2010). Jean-Claude Mathieu, sur la trace des « inscriptions »
cite d’innombrables poètes. Poezibao
reprendra certaines de ces citations et tentera de les compléter, chaque fois
que possible, par un autre texte du même auteur.
•Les citations d’Écrire Inscrire
« J’observe que la ″boucle″ d’une lettre ou de tout autre système d’écriture
est le plus petit geste possible : celui que font les deux premiers doigts
de la main chargés de mouvoir la plume ou le pinceau. Cette économie concentre
la force dans le plus petit espace à notre portée »
Jean Tardieu (cité par Jean Claude Mathieu, in Écrire Inscrire, José Corti, 2010, p.26), Obscurité du jour, Skira, Genève, p. 59.
Dans sa note de référence, J.-C. Mathieu ajoute cette citation de R. Juarroz « Évocation
de cette main par Roberto Juarroz : ″Les formes naissent de la main
ouverte mais il y en a une qui naît de la main fermée, de la plus intime
concentration de la main, de la main fermée qui n’est et ne sera pas un poing″ »Roberto
Juarroz, (cité par Jean Claude Mathieu, in Écrire
Inscrire, José Corti, 2010, p.44), Poésie
verticale I à IV, Talus d’approche, p. 125.
•Un poème de Jean Tardieu
Poème intraduisible
Je m'apprête à écrire
un poème. Sur quel sujet ? Sur le langage. Cette bizarre étude, cette
entreprise audacieuse demande cependant que je m’exprime
en un langage
Et voici où paraîtra ce phénomène, la découverte :
le langage
scrutera le langage.
Or pour indiquer cette simple idée :
"Mon langage scrutera le langage", il est évident que j’ai utilisé...
quoi? Mais oui :
le langage !
De sorte que nous obtenons ce résultat :
mon langage
regarde que le langage regarde le langage !
Encore tout ne se termine-t-il pas ici, car c’est mon langage, le langage qui
vient de me servir lorsque j’ai dit...mon langage, et ainsi de suite, vous
comprenez : le langage du langage du langage du langage du langage du
langage du langage du langage
langage
langaage
language
lang-âge
langue-âge
lent-gage
l’an-gage
l’engage
langage
langage langage langage langage langage langage
En vérité que signifie ce mot, langage ? Il me semble que...mais oui, il
prendrait fort bien place, il paraîtrait tout naturel, logique, dans une phrase
comme :
″Asseyez-vous sur ce langage, il a des ressorts excellents″
ou bien : ″Ce banquier fumait un superbe langage de La Havane″
ou : ″La fermière vient de traire un plein seau de langage tiède.″
ou encore : ″Madame a la joue droite rôtie par le feu, voulez-vous pousser
la langage rouge devant la cheminée. »
A cette phrase-ci je veux me fixer. Oui, le langage est un écran, un écran
spécial, l’écran-langage, ainsi nommé parce qu’un certain Maurice Langage,
menuisier à Dijon, construisit, vers 1260, les premiers écrans de cette forme...Maurice
Langage était un artisan habile, mais il avait un défaut : celui de boire
outre mesure ; d’où cette expression qui courait de son vivant : ″Saoûl
comme Langage ». Langage avait un fils qu’il éleva et fit instruire, ;
ce fils, etc....
Jean Tardieu, ″Obscurité du jour″, in Œuvres,
Quarto Gallimard, 2005, p. 1005.
Jean Tardieu dans Poezibao :
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