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Avec Concerto à la mémoire d'un ange, Éric-Emmanuel Schmitt lance des réflexions sur la liberté, la rédemption, et la place de l'autre dans nos vies. Les quatre nouvelles du recueil se déroulent dans des lieux différents, mais elles abordent toutes la même question sous des décors variés : pouvons-nous changer?La première nouvelle, "L'empoisonneuse", met en vedette une femme âgée de cinquante ans, très connue dans son village de Saint-Sorlin. Accusée d'avoir assassiné tous ses maris, elle a été, par chance, acquittée devant le tribunal. Mais pour la quinquagénaire, la vérité est indélébile. Elle se garde malgré elle de la révéler au grand public jusqu'au jour où un nouveau prêtre est ordonné à l'église du village. Beau, sincère, courtois, et compréhensif, il ne tarde pas à gagner la sympathie de Mme Maurestier. Un jour, après la messe, celle-ci apprend que l'abbé Gabriel est un très bon confident à qui l'on peut sans souci se confesser. À partir de ce jour, l'abbé Gabriel sera le dépositaire des pêchés de Marie Maurestier. Pour le prêtre, les soirées passées aux côtés de Marie seront une occasion d'alimenter ses réflexions théologiques autour de la question des causes désespérées. À un point tel que ce dernier finit par être honoré par le Vatican. Pour Mme Maurestier, les confessions sont un moyen de quémander la miséricorde de Dieu. Chacun à leur façon, ces deux personnages changent radicalement au fil de l'histoire. Mais ce changement s'effectue de manière bien particulière. Marie Maurestier change de personnalité pour aller vers le bien en présence de l'abbé Gabriel. L'autre est donc une sorte de lumière, d'étoile filante qui, saisie par le sujet, lui permet de se tourner vers le bien.Les trois autres nouvelles abordent la même thématique. Ces récits, ce sont nous à des moments différents de notre vie. À des moments où l'autre nous sert de flambeau susceptible de nous changer, de nous orienter vers le bien. En étant libres par nature, nous avons le pouvoir de changer, tout comme celui de demeurer le même, ou encore d'empirer. La liberté, c'est une eau qui garde notre personnalité toujours glaiseuse. En d'autres mots, la liberté nous rend malléables, et non enveloppés dans un moule fixe. L'autre, également libre, est là pour nous rappeler notre pouvoir de changer. Il joue le rôle de vent venant renverser la cruche dans laquelle nous avons confiné notre eau vitale, notre liberté, lorsque nous avons oublié que celle-ci ne s'évapore jamais.Dans "Le retour", ce vent prend la forme d'un télégramme annonçant au protagoniste la mort d'une de ses filles. Dans "Concerto à la mémoire d'un ange", il s'agit du rival du protagoniste. Il en va de même pour la quatrième nouvelle.Qu'est-ce qui permet aux personnages de changer? L'autre, la liberté, la rédemption. Comment? Au lecteur de le décider. Après tout, les meilleurs livres sont ceux écrits à moitié par l'imagination du lecteur, disait Voltaire.