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Le rétiaire Thomas Savy triomphe aux Arènes du Jazz

Publié le 24 juillet 2010 par Assurbanipal

Paris. Montmartre. Festival des Arènes du Jazz.

Vendredi 23 juillet 2010. 21h.

Thomas Savy: clarinette basse

Stéphane Kerecki:  contrebasse

Fabrice Moreau: batterie

Ce soir le trio joue le répertoire de l'album " French Suite " enregistré par Thomas Savy à New York avec Scott Colley (contrebasse) et Bill Stewart (batterie). Sauf indication contraire, les compositions sont de Thomas Savy.

Thomas Savy est bien un spécialiste de la clarinette basse. Cela s'entend dès les premières notes de son solo introductif. Fabrice et Stéphane ont la partition sous les yeux. Pas le leader. Normal, c'est lui le compositeur. Pas de lumière chez la demoiselle ce soir. Elle a dû en avoir assez du Jazz et s'enfuir chez le prince charmant. Très beau duo contrebasse/batterie. Fabrice fait rouler les maillets sur les tambours. Stéphane joue tranquille. Ils racontent une histoire douce soudain brisée par le miaulement de la clarinette. Fabrice est reparti aux baguettes. Ca accélère, vibre à pleins poumons. Il pleuvait à 20h30. Il est 21h10 et le ciel est bleu pâle, la couleur d'avant le crépuscule. Les Dieux protègent les Arènes du Jazz. Belle course groupée à trois. Thomas fait sonner sa clarinette dans le registre auigu, aigre de l'instrument. C'était " Ouverture " puis " Ignition ". Ca chauffait en effet.

" Atlantique Nord ". Démarrage par un solo de batterie aux balais. La contrebasse s'ajoute. Ca sonne assez vif, sombre comme un soir où la tempête menace. Ca sent la mer, le vent. Les goélands filent en planant. Les cargos sont bien arrimés. Ces jeunes gens sont des virtuoses, c'est évident. Toutefois, ils font passer de l'émotion, des sensations. La contrebasse creuse des vagues, la batterie les casse (Fabrice Moreau utilise aussi des percussions sur sa batterie pour y ajouter des sons inouïs). La clarinette passe comme un voilier léger mais sûr sur la crête des vagues. Une accalmie dans le gros temps et c'est le retour au thème.

Démarrage en solo de clarinette. Fabrice s'amuse avec les rebords métalliques de ses tambours. Jeu de bruitage entre batterie et clarinette. La contrebasse maintient l'assise de l'ensemble. La musique se lance vive, légère, mais avec la gravityé liée aux deux basses. Par respect pour le voisinage, les concerts ont lieu à des horaires stricts. Démarrage à 21h précises, fin à 22h30 dernière limite. C'est appréciable pour les couche-tôt ou pour les parents qui veulent emmener leurs enfants au concert surtout après l'atelier Jazz du jour.

Bon enchaînement. Les compositions ne sont pas d'égale valeur. " Atlantique Nord " est  au dessus du lot jusqu'ici, à mon goût. Solo de batterie de Fabrice Moreau. Cet homme a vraiment un son, un style ce qui est rare sur cet instrument. Il ne frappe pas pour faire avouer, il stimule pour faire parler, chanter. Dans le feu de l'action, il fait tomber une cymbale posée sur un tambour. Duo batterie/clarinette; Ca travaille au corps. La contrebasse vient ajouter sa pulsation. Une petite pluie arrive pour nous rafraîchir le teint. La rythmique tourne à plein régime, la clarinette fend le ciel. Leur prière chamanique fonctionne. Il pleut. Superbes breaks de batterie qui relancent idéalement le leader. Dialogue contrebasse/batterie puis batterie:clarinette.

Des spectateurs se lèvent pour aller chercher leur poncho. C'est le bazar mais la musique continue. Beau morceau qui serpente, s'étire voluptueusement. Tout le monde se couvre de ponchos. La scène est à filmer. La musique se déroule, belle, chaude. Elle est à l'opposé du climat: douce, chaude, sèche. Fabrice fait des tours de magie sonore avec ses maillets. Dans l'ambiance, cela rappelle " Caravan " de Duke Ellington. Le thème est pourtant bien personnel, contemporain. Après la traversée de l'Atlantique Nord, celle du Sahara. Le groupe reste bien soudé. Normal pour traverser le désert. La contrebasse ne dévie pas, le batteur pousse et la clarinette déchire tout sur son passage. Par souci esthétique, la direction du festival des Arènes du Jazz nous a fourni des ponchos jaunes pour le concert de Martial Solal, des ponchos gris transparent ce soir. Quel raffinement! Beau decrescendo qui permet à la contrebasse de prendre toute sa place. C'était " Stones " composé en hommage aux Pierres Noires qui marquent l'entrée de l'archipel des Glénan en Bretagne. D'après Thomas Savy, le bruit des ponchos dans lesquels se glissent les spectateurs ressemble à celui de la Mer contre le bateau en arrivant aux Glenan.

" Come Sunday ", un morceau de musique sacrée composé par le Duc d'Ellington. Thème très beau, très pur. Ca roule tranquille. Fabrice est aux balais. Il reprend les baguettes. Ca roule toujours. Dimanche peut venir en paix. La pluie a cessé. Après un beau dialogue basse/batterie, le trio est reparti, suave, élégant, raffiné bref ellingtonien jusqu'au bout des ongles.

" La ballade de Steve Potts ", morceau composé en hommage à un saxophoniste soprano américain installé à Paris depuis fort longtemps. Son nom? Steve Potts. Etonnant, non? Mon premier concert dans un club de Jazz parisien, c'était en l'an deux mille  après Jesus Christ: Steve Potts avec Hal SInger (saxophone ténor) aux 7 Lézards club aujourd'hui disparu. Quelle claque! Je m'en souviens encore. Morceau heurté, haché, bref à la mode Steve Potts, le meilleur disciple de Steve Lacy, lui aussi voué religieusement au saxophone soprano. Pendant que Fabrice marque le tempo, Stéphane travaille au corps sa contrebasse. Ca cause ferme entre ces deux là. Très joli son obtenu en fouettant les cordes d'un passement de mains. Le solo de contrebasse remue le ventre et chasse les nuages. Le trio repart à bloc. Pour saluer, même dans la révérence au public, ils restent groupés, soudés.


RAPPEL

" Lonnie's Lament " (John Coltrane). Ces jeunes gens sont très bien élevés. Cela se voit et s'entend dans leur façon de se présenter au public. Ballade somptueuse de John Coltrane. Fabrice est aux balais. La clarinette monte, descend, se déploie en douceur. Stéphane pose les bases de toute cette beauté. La musique s'énerve, grogne. Fabrice a repris les baguettes et martèle bien. Retour au calme d'un souffle pur.


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