L’histoire est éternelle : un jeune étranger, tout juste arrivé par la force des choses dans un pays dont il parle à peine la langue et qui y fait fortune. Sauf que Tony Montana a choisi la pente savonneuse de ce Rêve Américain, celle qui paye beaucoup plus et beaucoup plus vite… y compris en volées de pruneaux. Amoral, hypocrite, manipulateur, impulsif, ultra-violent tant dans ses paroles que dans ses actes, ce que Montana construit jour après jour c’est surtout son mausolée : grandiose, somptueux et démesuré, à l’image de ses rêves de gloire et de puissance qui deviendront vite ce genre de cauchemar dont on ne sort pas indemne – pour Montana comme pour son entourage…
La réalisation est à la hauteur, ce qui n’étonne pas de la part de De Palma – ici au sommet de son talent – et d’autant plus qu’il travaille là sur la base d’un scénario d’Oliver Stone : c’est tout le faste, toute la démesure des années 80 qui s’y trouvent brillamment mis en scène, épaulés par les compositions tout à fait à propos d’un Giorgio Moroder dont le sens de la rythmique illustre à merveille chacun des éléments clés du récit – et les autres aussi. Montana y est dépeint dans l’air exact de son temps, cette époque où l’apparence est tout et surtout n’importe quoi ; dans cette folie d’exhiber sa réussite, il montera bien trop haut et bien trop vite pour que ses ailes puissent continuer à le porter.
Si au début il est trop bas dans l’échelle de la criminalité pour que son caractère frondeur soit beaucoup moins un handicap qu’un atout, l’intrigue le verra accumuler peu à peu des erreurs certes plutôt mineures mais qui une fois mises bout à bout finiront par donner une addition pour le moins salée – le genre de tarif que même sa fortune colossale ne lui permet pas de payer… sauf au prix le plus fort. C’est bien une histoire éternelle : celle d’une « petite merde » qui croyait que le monde entier (et tout ce qu’il y a dedans) lui revenait, alors que c’était en fait un trophée beaucoup trop lourd pour ses épaules pas si puissantes que ça en fin de compte…
Notes :
Cette production est un remake du film éponyme d’Howard Hawks de 1932.
Ce film connut une séquelle en jeu vidéo, Scarface: The World Is Yours (2006), développée par Radical Entertainment pour PC et consoles.
Scarface, Brian De Palma, 1983
Universal Studio Canal Video, 2004
165 minutes, env. 5 €