Scarface

Par Ledinobleu

1980 : les USA offrent l’asile politique à plus de 120 000 opposants de Fidel Castro que celui-ci a expulsé après les avoir dépouillés. Parmi eux, des femmes, des enfants, des vieillards, des familles entières,… tous démunis, paumés dans un pays étranger dont ils connaissent à peine la langue. Mais Castro profite de l’aubaine pour se débarrasser aussi de plus de 20 000 détenus de droit commun : des escrocs, des voleurs, des tueurs,… L’un d’eux est Tony Montana, qui voit là l’occasion de saisir à sa façon le Rêve Américain…

L’histoire est éternelle : un jeune étranger, tout juste arrivé par la force des choses dans un pays dont il parle à peine la langue et qui y fait fortune. Sauf que Tony Montana a choisi la pente savonneuse de ce Rêve Américain, celle qui paye beaucoup plus et beaucoup plus vite… y compris en volées de pruneaux. Amoral, hypocrite, manipulateur, impulsif, ultra-violent tant dans ses paroles que dans ses actes, ce que Montana construit jour après jour c’est surtout son mausolée : grandiose, somptueux et démesuré, à l’image de ses rêves de gloire et de puissance qui deviendront vite ce genre de cauchemar dont on ne sort pas indemne – pour Montana comme pour son entourage…

La réalisation est à la hauteur, ce qui n’étonne pas de la part de De Palma – ici au sommet de son talent – et d’autant plus qu’il travaille là sur la base d’un scénario d’Oliver Stone : c’est tout le faste, toute la démesure des années 80 qui s’y trouvent brillamment mis en scène, épaulés par les compositions tout à fait à propos d’un Giorgio Moroder dont le sens de la rythmique illustre à merveille chacun des éléments clés du récit – et les autres aussi. Montana y est dépeint dans l’air exact de son temps, cette époque où l’apparence est tout et surtout n’importe quoi ; dans cette folie d’exhiber sa réussite, il montera bien trop haut et bien trop vite pour que ses ailes puissent continuer à le porter.

Si au début il est trop bas dans l’échelle de la criminalité pour que son caractère frondeur soit beaucoup moins un handicap qu’un atout, l’intrigue le verra accumuler peu à peu des erreurs certes plutôt mineures mais qui une fois mises bout à bout finiront par donner une addition pour le moins salée – le genre de tarif que même sa fortune colossale ne lui permet pas de payer… sauf au prix le plus fort. C’est bien une histoire éternelle : celle d’une « petite merde » qui croyait que le monde entier (et tout ce qu’il y a dedans) lui revenait, alors que c’était en fait un trophée beaucoup trop lourd pour ses épaules pas si puissantes que ça en fin de compte…

Notes :

Cette production est un remake du film éponyme d’Howard Hawks de 1932.

Ce film connut une séquelle en jeu vidéo, Scarface: The World Is Yours (2006), développée par Radical Entertainment pour PC et consoles.

Scarface, Brian De Palma, 1983
Universal Studio Canal Video, 2004
165 minutes, env. 5 €