Le billet sur l’Univers, l’hologramme et nous abordait assez rapidement les relations entre le modèle holographique et la psychologie humaine au sens large, alors même que ce modèle est au centre des travaux importants en psychologie et en neurophysiologie. Voici donc un petit résumé de la situation.
Cette approche, qui s’intéresse à l’interférence de modèles vibratoires plus qu’aux interactions mécaniques et à l’information plus qu’à la substance, apporte un nouvel éclairage sur des problèmes fondamentaux tels que :
- les principes d’organisation et d’arrangement de la réalité et du système nerveux central
- la distribution de l’information dans le cosmos et dans le cerveau
- la nature de la mémoire et des mécanismes de perception
- la relation entre le tout et ses parties
Il est intéressant de noter que le modèle holographique s’inscrit dans une tradition holistique qui remonte loin : la philosophie des Monades de Leibniz qui disait que « l’intégralité de la connaissance concernant l’univers entier peut être déduite de l’information liée à une seule monade ». Ce qui est précisément le principe de l’hologramme. La tradition bouddhiste chinoise Hwa Yen intègre l’idée que l’infiniment petit contient l’infiniment grand et vice-versa. Dans le Sutra Avatamsaka se trouve l’historie du collier de perles du dieu védique Indra, dont les perles sont agencées de sorte que si vous en regardez une, vous voyez toutes les autres se refléter en elle. Chaque objet du monde est en réalité tous les autres objets.
Le neurophysiologue Karl Pribram a publié son premier article sur la nature holographique du cerveau en 1966 et ses nombreux travaux (ainsi que ceux d’autres chercheurs) démontrent de manière persuasive que ce modèle explique des phénomènes tels que la fabuleuse capacité de stockage de notre mémoire et sa résilience aux accidents structurels, notre capacité à revivre des souvenirs de manière précise et instantanée suite à la captation d’une odeur ou d’un bruit particulier, notre capacité à reconnaitre de manière instantanée des visages ou objets familiers au milieu d’une foule d’autres choses, bref un ensemble de constats qui permettent de penser que le cerveau a un fonctionnement beaucoup plus proche de l’hologramme que de l’ordinateur, pour faire simple.
A la base, l’hologramme utilise des transformations de Fourier permettant de convertir des motifs complexes (ici, des motifs interferentiels) en systèmes d’ondes simples. En 1979 des neurophysiologues de Berkeley (Russell et Karen Devalois) démontrèrent que le cerveau utilise également des transformations de Fourier pour convertir des images visuelles en système d’ondes. Le même principe existe au niveau de l’appareil auditif (voir les travaux de Hugo Zucarelli sur le son holophonique), et apparemment pour l’ensemble de nos sens.
Si ce que nous voyons, sentons, entendons ou touchons est une projection holographique interne à notre cerveau, cela implique que la réalité extérieure est en fait un océan de fréquences, de motifs interférentiels. Pour voir ma tasse de café cachée derrière mon écran, il suffirait alors que j’arrive à modifier la mise au point de mon « projecteur holographique interne » afin de capter non pas le motif associé à l’écran, mais celui associé à la tasse de café. Mais je pourrais de la même manière voir un atome d’oxygène ou voir l’ensemble de l’univers dans la paume de ma main.
Même s’il n’existe pas encore de théorie unifiée basée sur le modèle holographique, ce concept permet d’appréhender d’une toute nouvelle manière la psychologie humaine, la conscience, les rêves et le paranormal en général. Il permet également de donner un fondement à l’idée de conscience collective de Jung : si le monde est un hologramme (ou du moins quelque chose fonctionnant sur ce principe), chaque partie contient le tout, et il s’ensuit que tout ce qui est conscient a accès à la somme de toutes les consciences. Le physicien David Bohm à l’origine du concept d’hologramme cosmologique fait la distinction entre l’ordre explicite – ce que nous percevons – et l’ordre implicite – la « source » de nos perceptions. Pour lui la vie et la matière inorganique ont un champ commun dans l’holomouvement (l’hologramme intégrant la fonction temps) qui est leur source primaire et universelle. La matière inorganique doit être considérée comme étant une sous-totalité relativement autonome dans laquelle la vie est « implicite » mais pas manifeste. Matière et conscience sont des abstractions de l’ordre implicite, inexplicables l’une par rapport à l’autre. Et certainement pas issues l’une de l’autre.
Le psychiatre Stanislav Grof fait abondamment référence au modèle holographique (Grof lui préfère le terme « holonomique ») dans ses travaux sur les états modifiés de conscience. Ces états, préalable aux expériences transpersonnelles, sont induits par diverses techniques (respiratoires, auditives ou corporelles), par l’ingestion de certaines substances (LSD, ayahuaska, champignons) ou encore simplement de manière spontanée suite à des évènements particuliers.
Je vais citer ici quelques passages du livre « Psychologie transpersonnelle » de Grof qui explicitent très clairement la relation ce type d’état et le modèle holographique.
“Les phénomènes transpersonnels susceptibles d’être reliés avec la plus grande facilité à la théorie holonomique sont ceux qui impliquent des éléments de la « réalité objective » : identification à d’autres personnes, animaux, végétaux et réalité inorganique du passé, du présent et du futur. Voici quelques unes des caractéristiques essentielles de la compréhension holonomique du monde : la relativité des limites, la transcendance de la dichotomie aristotélicienne entre la partie et le tout, et toute l’information englobée dans, et distribuée à travers, l’ensemble du système. Celles-ci offrent un modèle explicatif d’une puissance extraordinaire. Le fait que l’homme et le temps font partie intégrante du domaine holographique serait alors parfaitement compatible avec l’observation selon laquelle de telles expériences transpersonnelles ne sont pas soumises aux limites spatio-temporelles habituelles.
L’approche holonomique offre par ailleurs certaines possibilités nouvelles et prometteuses en ce qui concerne certains phénomènes paranormaux extrêmes régulièrement rapportés dans la littérature paranormale, mais jugés absurdes par la science mécaniste. La psychocinèse, la matérialisation et la dématérialisation, la lévitation et d’autres faits surnaturels qui démontrent le pouvoir de l’esprit sur la matière mériteraient une réévaluation scientifique dans ce contexte. Si les hypothèses fondamentales de la théorie holonomique concernant l’ordre implicite et explicite reflètent la réalité avec un degré de précision suffisant, il est concevable que certains états inhabituels de conscience favorisent une expérience directe et une intervention dans l’ordre implicite. Il serait alors possible de modifier des évènements du monde phénoménal en influençant leur matrice.”
Et pour terminer :
“L’univers aurait ses aspects phénoménaux, explicites ou déployés, et ses aspects transcendantaux, implicites ou repliés. La complémentarité correspondante au niveau de l’être humain serait l’image de la machine newtonienne-cartésienne et celle d’un champ de conscience illimité. Une dichotomie similaire serait alors reflétée dans les aspects duals du cerveau humain, combinant le fonctionnement digital comparable à celui d’un ordinateur et le traitement parallèle gouverné par les principes holonomiques.
L’approche holonomique renferme dès à présent des possibilités inespérées dans le domaine controversé de l’étude moderne de la conscience.”
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