Extravague, Xavier Person - Éditions Le Bleu du Ciel
Article paru dans Le Magazine des Livres, n° 24, mai/juin 2004
En lisant Extravague, et l’impression dominait déjà lorsque parut Propositions
d’activités, nous entrons dans une machine
à étirer les sensations. Je veux bien parler bien sûr de la plasticité du
temps, mais qui ne signifie rien en soi ou en tout cas n’existe qu’en regard
d’une phrase dont on sent qu’elle aimerait parfois se passer de toute
énonciation pour trouver à dire, comme si l’extériorisation ne trouvait
finalement sa résolution que dans le point final – donc dans le silence, qui
n’est pas absence mais condensation de la parole totale. Car il y a quelque
chose ici d’une poésie du silence, non en ce que celui-ci serait investi de
telle ou telle vertu, mais qu’il témoignerait de ce qui, au fond, serait le
plus recherché, comme une forme de démission désirée devant l’intarissable et
très insatisfaisante complexité qui consiste à énoncer, dire, montrer. Ainsi le
poète, qui commence en songeant que « je ne t’écris que le temps
de ne pas savoir quoi t’écrire », se
résout à constater que « je crois que je commence à aimer ne
rien t’avoir écrit jamais. »
C’est dans cette auréole de signes et
d’intangibilités que Xavier Person poursuit une œuvre assez inclassable, qui
s’attache à faire entendre ce silence qui est le nœud du bruit, et dont on
dirait qu’elle poursuit sans fin la matrice originelle de toute expression.
D’où enfin le caractère charnel, très sensuel de cette poésie, où l’on flotte
entre fluides et chairs, « comme de la sueur très abondante inonde la
peau de cette phrase dont je découvre le dos. »