L’élitisme de la poésie ?
Que penser d’un pareil problème ?
La poésie, vous dira-t-on, fut de tout temps une affaire d’élite, de cercles. Pourtant, il existe aussi toute une tradition de poésie orale et populaire (que, par exemple, nous pouvons identifier à Madagascar ou en Inde, de même que dans le monde arabe), cousine germaine des arts populaires du proverbe et du conte. Sans compter la poésie (versets, chants mystiques) propre aux textes sacrés (tels Védas, ou Coran)...
Non, je persiste à croire que la poésie (peut-être de par sa parenté initiale avec la musique et de par sa propension à la métaphore qui, on le sait, est, chez l’enfant humain, langage naturel), que l’ « esprit poétique » sont consubstantiels à l’Homme au même titre que l’esprit logique, mathématique. La poésie peut potentiellement toucher tout un chacun…encore faut-il qu’elle le veuille.
Alors, peut-on, en France, (re)faire de la poésie quelque chose de « populaire » ?
Doit-on « accuser », en Occident, et en France tout particulièrement, les élites de se l’être appropriée, de l’avoir « chambrée », de l’avoir rendue moribonde dans un tas de cercles, de chapelles microcosmiques et de revues confidentielles qui, à présent, tendent à se ratatiner comme peau de chagrin ?
La poésie contemporaine est-elle la victime du matérialisme et de l’accélération du temps propres à notre rythme de vie dit « moderne » ou bien pâtit-elle de se voir, en quelque sorte, prise en otage par une caste de bourgeois/clercs, d’ enseignants plus ou moins coupés de la vie du fait de leur statut de « fonctionnaires protégés » à l’intérieur d’une société qui reste, somme toute, très « frileuse », très rigide ? Si elle veut survivre (ou, bien plutôt, continuer à vivoter), la poésie a –t-elle intérêt à céder aux diktats actuels de l’« école » minimaliste (*) ?
Peut-être pas…peut-être y-a-t-il, quand même, un espoir : que faites-vous d’Internet ?
Sur Internet, actuellement, forums poétiques ouverts à tous et sites de poésie plus « pointus » donnent – assez curieusement – la mesure de la diversité, de la vitalité de l’élan poétique (et là, encore, je parle hors slam), même dans les pays les plus résolument ancrés dans la « modernité ».
Or, dieu merci, la toile s’étend et, si on me demandait mon avis, j’encouragerai les poètes (de tous bords, car je ne suis pas élitiste, je considère l’élitisme comme une forme d’insulte) à s’en emparer : c’est peut-être désormais, pour eux, la meilleure chance de « circuler » efficacement, d’être lus sans avoir à en passer par le circuit un peu figé, clos sur lui-même, des revues et des « regroupements d’amis qui se ressemblent ».
P.L
(*) Soyons clair : je n’ai rien contre le minimalisme en soi, la concision est un exercice difficile, que je respecte ; elle donne en outre souvent lieu à des poèmes remarquables, de vrais plaisirs à lire. Ce qui me dérange simplement, c’est qu’on ne conçoive pas de poésie digne de ce nom hors de cette seule approche.