Niamey
Le jour n'est pas encore levé que des camions, des ânes et des caravanes de chameaux quittent Niamey en traversant le pont Kennedy. A la nuit tombée, ils reviennent chargés d'énormes cargaisons de bois arrachées aux dernières forêts du sud-ouest du Niger.
Dans cet immense pays essentiellement désertique, les populations continuent de décimer les forêts pour se fournir en bois de chauffe, sans se soucier qu'ils donnent un grand coup d'accélérateur au réchauffement climatique et au désert.
Le Sahara a déjà englouti les deux-tiers du territoire (1,2 million de km2) et avance inexorablement à raison de 200 000 ha par an selon le site écologiste Mongabay.com, malgré la plantation de plus de 60 millions d'arbres entre 1985 et 1997.
D'après des spécialistes, le désert avance en moyenne de 6 km par an vers l'ouest et le sud où se trouvent les dernières zones boisées du pays.
Le Niger a perdu 679.000 hectares de forêts tropicales entre 1990 et 2005, plus du tiers, à raison d'un taux annuel de déforestation de 1%, selon Mongabay.com.
Le ministère de l'environnement reconnait la perte annuelle de 120 000 ha de forêts tropicales, sans compter quelque 340.000 ha détruits entre 200O et 2006 par des feux de brousse, souvent allumés volontairement par des paysans.
«Le bois se fait rare, on part le chercher à plus de 150 km près du Burkina Faso», affirme à l'AFP Ali Amadou, un bûcheron de «Dar-el-Salam», un des marchés de bois de Niamey.
En 2006, le pays a consommé plus de 3,4 millions de tonnes de bois et il en faudra 4,2 millions en 2010, d'après des prévisions officielles.
«Le bois représente plus de 90% de l'énergie domestique des ménages», assure Moustapha Kadi, de l'Ong SOS-Kandaji.
«C'est un paradoxe dans un pays riche en gisements de charbon et voisin de grands producteurs de gaz et de pétrole (Algérie et Nigeria)», commente un expert.
Face à la flambée de l'or noir et du gaz, le bois est la seule d'énergie abordable pour la majorité de la population rurale qui vit avec moins d'un dollar par jour, reconnaît ce même expert.
«Ignorance et pauvreté ne sauraient excuser ce +crime+ écologique», s'indigne Mamane Lamine, un agent des Eaux et Forêts.
«Partout où il y a des forêts classées, les riverains créent des coopératives, coupent le bois, le vendent, et ils n'épargnent même plus les espèces protégées», renchérit Moustapha Kadi.
A Niamey, le bois se négocie à prix d'or: entre 200.000 à 300.000 CFA (de 303 à 455 euros) la cargaison de camion, 2.000 à 2.500 CFA (plus de 3 à 3,79 euros) le chargement d'âne ou de chameau.
Faute de statistiques précises, on estime qu'il y a entre dix et trente fois moins de grands arbres au Niger aujourd'hui qu'en 1975.
Pour l'essentiel, ce bois finit sous les marmites de cuisine à Niamey, d'après l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
Pour les climatologues, cette déforestation a trois conséquences directes et inquiétantes: le sol nu réfléchit davantage le soleil, rien n'arrête plus le vent et l'air est de moins en moins humide.
Qui plus est la désertification, aggravée par la rareté des pluies, est une des causes directes des crises alimentaires cycliques qui frappent le Niger, dont la population croît de plus de 3% par an.
Les municipalités de Niamey, qui perçoivent des taxes sur les ventes du bois, avouent leur impuissance à contenir les abus d'une filière contrôlée par d'influents commerçants.
Dans ces conditions, le Niger risque à à terme d'être pris dans un infernal cercle vicieux: pour échapper à la misère, de nombreux paysans ont le choix entre émigrer ou... devenir bûcherons, sans savoir qu'ils scient eux-mêmes les dernières branches du déjà fragile équilibre écologique du pays.
Source :
http://www.cyberpresse.ca:80/article/20071120/CPENVIRONNEMENT/71120061/6108/CPENVIRONNEMENT
La forêt se meure et seuls quelques taches éparses sur les restes de souche coupées attestent qu'elles ont existés. Que restera-t-il dans les prochaines années du formidable trésor qu'est la biodiversité dans le monde ?
Crédit photographique : Myriam Kieffer - NaturenDanger®
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 29 novembre à 14:44
je me nomme MOUMOUNI Abdou étudiant à l'école nationale forestière de rabat. vue l'importance de votre article je ne peux m'empecher de dire un mot face à cette situation qui à mon avis est très alermante.je pense que cette situation interpèle non seulement les forestiers mais aussi l'ensemble des citoyens du pays. Car notre vie à tous est etroitement liée à notre façon de gérer les ressources naturelles en générales et soutout dans un pays comme le notre où les ressources en eau sont rares(faible pluviometrie) donc régénéré un arbre pour ne pas dire une forêt est presque à la limite de l'impossible. je finis mon message en disant à l'ensemble des citoyens que: "Nous n'héritons pas la terre de nos encêtres mais plutôt nous l'empruntons à nos enfant"(ANTOINE saint- exupery).
posté le 23 août à 06:14
Comment peut on persuader quelqu'un qui n 'a que ce bois pour survivre ? Je voulais dire qui n 'a que ce bois comme ressource financière.