Avec une de mes amies depuis plus de vingt ans nous nous retrouvons une fois par mois.
A tour de rôle nous choisissons la sortie du jour, suivie d'un thé ou d'un brunch,l'autre suit sans émettre aucune réserve c'est la règle du jeu.
Cette fois ci c'était à moi de proposer et voici où nous sommes allées
Deux salles entières consacrées à Madeleine Lemaire (1845-1928) peintre et aquarelliste reconnue,libre et indépendante, issue de la noblesse d’Empire, elle fut l’égérie d’Alexandre Dumas fils.
Elle recevait les Mardis de mai, au 31 rue de Monceau : théâtre et musique dans l’atelier-salon d’une femme peintrepourrait en être le titre,Réjane, Jeanne Granier, Jane Hading,Julia Bartet, Sarah Bernhardt s'y produisaient.Peintres, écrivains et hommes politiques ,on pouvait y voir Victorien Sardou, Robert de Montesquiou, Bonnat, Clairin, Anatole France, Raymond Poincaré, Paul Deschanel ou Emile Loubet.
Portrait de Sarah Bernhardt par
Louise Abbéma
Proust dans un article intitulé « La cour aux lilas et l'atelier aux roses »sous le pseudonyme de Dominique disait dans Le Figaro du 11 mai 1903:
« Tout Paris voulut pénétrer dans l’atelier et ne réussit pas du premier coup à en forcerl’entrée. Mais dès qu’une soirée était sur le point d’avoir lieu, chaque ami de la maîtressede maison venant en ambassade afin d’obtenir une invitation pour un de sesamis, Mme Lemaire en est arrivée à ce que tous les mardis de mai, la circulation desvoitures est à peu près impossible dans les rues Monceau, Rembrandt, Courcelles, etqu’un certain nombre de ses invités restent inévitablement dans le jardin, sous leslilas fleurissants, dans l’impossibilité où ils sont de tenir tous dans l’atelier si vastepourtant, où la soirée vient de commencer. La soirée vient de commencer au milieudu travail interrompu de l’aquarelliste, travail qui sera repris demain matin de bonneheure et dont la mise en scène délicieuse et simple, reste là, visible, les grandes rosesvivantes “posant” encore dans les vases pleins d’eau, en face de roses peintes, etvivantes aussi, leurs copies, et déjà leurs rivales. À côté d’elles, un portrait commencé,déjà magnifique de jolie ressemblance, d’après Mme Kinen, et un autre qu’à la prièrede Mme d’Haussonville Mme Lemaire peint d’après le fils de Mme de La Chevrelièrenée Séguier, attirent tous les regards. La soirée commence à peine et déjà MmeLemaire jette à sa fille un regard inquiet en voyant qu’il ne reste plus une chaise ! Etpourtant ce serait le moment chez une autre d’avancer les fauteuils : voici qu’entrentsuccessivement M. Paul Deschanel, ancien président, et M. Léon Bourgeois, présidentactuel de la Chambre des députés, les ambassadeurs d’Italie, d’Allemagne et de Russie,la comtesse Greffulhe, M. Gaston Calmette, la grande-duchesse Vladimir avec la comtesseAdhéaume de Chevigné, le duc et la duchesse de Luynes […]. Cela n’arrête pas uneminute, et déjà les nouveaux arrivants désespérant de trouver de la place font le tour par le jardin et prennent position sur les marches de la salle à manger ou se perchent carrément debout sur des chaises dans l’antichambre. La baronne Gustave de Rothschild,habituée à être mieux assise au spectacle, se penche désespérément d’un tabouret surlequel elle a grimpé pour apercevoir Raynaldo Hahn qui s’assied au piano. »
La salle à manger et les rotondes de ce même musée font place aux salons de la Princesse Mathilde,de Marguerite de Saint-Marceaux et de la Princesse de Polignac,mécènes et amies des musiciens.C'étaient les rendez-vous à ne pas manquer dans ce Paris du Second Empire et de la Troisième République,des salons littéraires et musicaux dirigés pas des femmes.Des rendez-vous qui pourraient se définir ainsi:Mercredi, 20 rue de Berri chez la Princesse Mathilde
Sous le Second Empire, le salon de la princesse Mathilde, cousine de l’empereur Napoléon III est le plus important de la capitale. Il rassemble, sans étiquette politique et avec une certaine liberté d’expression, la plupart des écrivains, artistes, musiciens et savants de cette période,elle reçoit alors rue de Courcelles.
Les frères Goncourt, qui en sont des hôtes assidus, le considèrent alors comme « le vrai salon du XIXe siècle, avec une maîtresse de maison qui est le type parfait de la femme moderne
Après la chute de l’Empire, la princesse s'installe 20 rue de Berri et reprend ses réceptions
Madeleine Lemaire :Après le bal
Mercredi, 100 boulevard Malesherbes : le salon de Marguerite de Saint-Marceaux,
Marguerite de Saint-Marceaux, tient pendant plus de cinquante ans l’un des salons les plus importants de Paris. Elle incarne ce milieu artistique de la Plaine Monceau autour de 1900,on y voit les peintres Jacques-Emile Blanche, François Flameng, Giovanni Boldini ou Jean Béraud.on trouve des écrivains comme Dumas fils, Willy et Colette, Melchior de Vogüé, Victorien Sardou ou Gabriele d’Annunzio.La musique domine lors de ces soirées. Marguerite de Saint-Marceaux,interprète favorite de Fauré.
Debussy,Fauré, Dukas, Messager viennent jouer du piano. Isadora Duncan y débute, accompagnée au piano par Maurice Ravel.Colette évoque la « liberté surveillée » de ce salon, où chacun est libre d’écouter la musique, de lire ou de discuter à loisir, sans toutefois dissiper les autres invités.
Etude pour le tableau Cocteau en pied :Jacques-Emile Blanche
Mardi, rue Cortambert : chez la princesse Edmond de PolignacHéritière de l’entreprise américaine de machines à coudre, Winaretta Singer achète le Palazzio San Gregorio à Venise où elle tient salon. L'un des premiers invités est Gabriel Fauré. Elle se fait bâtir une maison dans le 16e arrondissement de Paris, rue Cortambert où elle installe son atelier de peintre, afin de recevoir ses proches lors de réceptions musicales dont Marcel Proust évoque dans un article de 1903 la « suprême élégance »En 1893 elle épouse Edmond Polignac son aîné de 30 ans. C'est un mariage blanc, (tous deux homosexuels) mais un mariage heureux , ils partagent la même passion du mécénatLa même année, ils achètent un second palais à Venise que devient rapidement le célèbre Palais Contirini-PolignacSon mécénat demeure associé à Gabriel Fauré,Emmanuel Chabrier, Maurice Ravel ou Manuel de Falla. Elle commande de nombreuses pièces comme Socrate d’Erik Satie, Renard d’Igor Stravinski ou Concerto pour orgue de Francis Poulenc, Arthur Rubinstein et la danseuse Isadora Duncan sont également soutenus par la princesse.
Berthe Morisot Roses trémières
Les photos des tableaux étant interdites, j'ai essayé d'en piocher de-ci de-là et surtout de vous montrer mes préférés parmi ceux présentés
Berthe Morisot Au Bal
On peut admirer les oeuvres de Louise Abbéma,Rosa Bonheur, Louise Breslau,Madeleine Lemaire,Berthe Morisot
Quelques idées de livres si cette période vous intéresse
Les salons de la III ème république Art,littérature,politique de Anne Marie Martin-Fugier (Poche collection Tempo)
Mathilde Princesse Bonaparte de Jérôme Picon (Fayard)
Marguerite de Saint-Marceaux Journal (1894-1927) (Fayard)
Berthe Morisot de Dominique Bona (Livre de Poche)
Louise Abbéma peintre de la Belle-Epoque de Denise Gellini (Le Jardin d'Essai)