Des gagnants, rien que des gagnants.
La fęte est finie, les plantes vertes sont renvoyées aux fleuristes, chalets et tentes vont ętre démontés et chacun se dépęche de prendre le chemin du retour, avec vacances et plages de sable fin qui pointent ŕ l’horizon. Ce qui n’empęche évidemment pas les services de presse de communiquer, les observateurs de commenter et les analystes d’analyser.
Nous étions prévenus, nous allions avoir droit ŕ coup sűr ŕ quelques questions acerbes. Les voici : pourquoi les compagnies, les loueurs, achčtent-ils autant d’avions ? Comment vont-ils faire pour les payer ? Y aura-t-il suffisamment de passagers pour occuper tous ces sičges ? Assiste-t-on ŕ l’émergence d’un mouvement d’euphorie que rien de justifie ?
Sans męme reprendre notre souffle, tentons un embryon de réponse. Il convient tout d’abord de souligner une fois pour toutes que le trafic aérien a bel et bien entrepris un net mouvement de reprise. ID Aéro nous dit que la croissance, exprimée en passagers/kilomčtres transportés, a atteint 7,5% pour le premier semestre de l’année. Mieux, hors effet volcan, depuis janvier, la progression mensuelle de la demande est peu ŕ peu passée de 6,3 ŕ 11,2%. Dans le męme temps, le coefficient d’occupation des sičges, tous réseaux confondus, a gagné quatre points et demi pour atteindre 82%. Les indicateurs sont donc au vert et le doute n’est plus permis.
Dans le męme temps, bousculés par le savoir-faire et les prouesses des responsables de communication, de véritables artistes, nous avons risqué la faute d’inattention qui aurait pu ętre suivie de sérieuses erreurs énoncées avec la tranquille assurance qu’affichent les médias Ťsérieuxť. D’oů l’importance de regarder les chiffres de trčs prčs, qu’ils viennent d’Airbus ou de Boeing, rivaux au coude ŕ coude, le premier plus emphatique que le second.
Que dit-on ŕ Toulouse ? Qu’Airbus vient d’annoncer ŕ Farnborough des transactions d’un montant de 28 milliards de dollars. Le choix du terme Ťtransactionsť n’est pas innocent dans la mesure oů il permet d’additionner commandes, options, lettres d’intention, droits d’achat, etc. Les commandes ŕ proprement parler portent sur 264 avions (ŕ comparer ŕ 247 pour Boeing), ce qui reste un trčs beau résultat, qui plus quand on y ajoute les contrats signés de janvier ŕ juin, portant sur 131 appareils, Airbus est maintenant assuré de terminer l’année avec au moins 400 commandes nouvelles, ce que confirme John Leahy, l’infatigable directeur commercial de l’avionneur européen. Reste le fait, dans ces conditions, qu’Airbus livrera en 2010 plus d’avions (500 environ) qu’il n’en aura vendus. Le męme constat s’applique ŕ Boeing.
Dčs lors, on peut dire qu’il n’y a pas surenchčre et encore moins dérapage. A écouter certains commentateurs, on finirait par oublier que les compagnies aériennes n’achčtent jamais des avions dont elles risquent de ne pas avoir l’usage. C’est une évidence mais, apparemment, il n’est pas inutile de la rappeler.
Quelques heures avant la clôture des journées professionnelles du salon de Farnborough, Airbus a encore annoncé une belle victoire : Virgin America a signé le protocole d’achat de quarante A320 supplémentaires. Ce faisant, la compagnie anglo-américaine a confirmé son choix d’exploiter une flotte tout Airbus.
Rien de tout cela ne semble émouvoir les dirigeants de Boeing. Jim McNerney, PDG du groupe, estime d’ailleurs que le rétablissement du leadership américain se produira dans un an ou deux, sans qu’il précise pourquoi et comment. Et, en matičre de communication, on se prend ŕ ręver d’une entrée en scčne médiatique de Comac, futur numéro 3, beaucoup plus redouté qu’il n’y paraît ŕ premičre vue.
Enfin, la médaille de l’optimisme mérite d’ętre attribuée ŕ Bombardier. Faute de pouvoir annoncer des commandes de biréacteurs C.Series, l’avionneur québécois a divulgué ŕ Farnborough les conclusions d’une nouvelle étude de marché portant sur les avions de moins de 150 places. Il devrait s’en vendre 13.000 environ en 20 ans, dont 6.700 dans la catégorie 100 ŕ 149 places. Il ne reste plus qu’ŕ attendre les commentaires d’Embraer pour ętre en mesure de recouper l’information.
Pierre Sparaco - AeroMorning